Jeunes et Europe : Le lien par la culture

Irena Bilic

Coordinatrice du projet Solidarity, Déléguée générale du festival « L’Europe autour de l’Europe »

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Le projet Solidarity a eu pour ambition de rassembler des jeunes Européens de 7 pays différents dans 6 capitales au cours d’un « Tour » qui a été parcouru dans chacune de ses étapes par un programme culturel. Comment en effet créer des liens, réunir, donner du sens sans parcourir les allées d’un musée archéologique ou historique, sans échanger après avoir vu un documentaire ou sans se retrouver autour d’un repas ? Irena Bilic, coordinatrice du projet, a su à chaque étape donner à voir et à entendre l’âme des peuples dans des pays que bien des jeunes découvraient pour la première fois

EN MATIERE CULTURELLE, IL N’EXISTE PAS DE GRANDS NI DE PETITS PAYS

Pourquoi avons-nous fait le choix d’encadrer le Solidarity Tour avec des visites de musées et de bibliothèques, des projections de films, des promenades guidées dans les villes et des lieux de mémoires historiques ? Parce qu’il est difficilement contestable que la culture européenne existe. Il suffit de penser aux grands écrivains qui appartiennent, désormais, à tous (Baudelaire, Shakespeare, Cervantès, Dostoïevski…), à l’opéra italien ou allemand, aux chefs-d’œuvre des cinémas nationaux qui sont devenus notre patrimoine commun à nous Européens, à la Renaissance, à la fondatrice civilisation grecque… Ce programme culturel avait d’autant plus sa raison d’être que  le constat de l’écrivain et journaliste Frédéric Martel est décourageant : « Hormis leur culture nationale propre, les Européens s’intéressent peu à la culture des autres pays de l’Europe et ni les intellectuels, ni la presse (dont les journaux ne rendent quasiment pas compte de la vie culturelle de leurs voisins), ni les institutions européennes (l’Europe de la culture » ne représente que 0,1% du budget global de l’Union) n’ont réussi à donner une véritable envie de culture européenne. »

Or, si l’on ne s’intéresse pas à la culture, on ne s’intéresse pas plus à autre chose, on ne s’intéresse pas à nos voisins du tout – ni à leur vie, ni à leur langue, ni leurs préoccupations… Comment alors vraiment être Européen ?

C’est pour susciter chez les jeunes Européens ce rapport à l’autre qu’il m’a semblé pertinent de proposer un programme culturel dont la vocation a été d’informer, d’instruire, de fasciner, d’étonner, d’intriguer, enfin de confronter les participants du Solidarity Tour à la réalité culturelle, sociologique, historique, artistique des autres.

S’il est une chose qui inspire le plus grand optimisme et qui facilite cette tâche, c’est qu’en matière culturelle il n’existe pas de grands ni de petits pays. On retrouve partout en Europe des Prix Nobel, hommes et femmes des sciences et des arts, des danseurs et danseuses étoiles, peintres et musiciens. C’est une civilisation qui a su conférer aux talents une véritable place aux talents, qui en a beaucoup exporté aussi et qui continue à la faire.

Le programme culturel de Solidarity a été conçu comme un projet pédagogique. Le musée de l’Insurrection de Varsovie permet au visiteur de s’identifier à cet habitant de Varsovie pris sous les bombes en 1944, peu de temps avant la destruction complète de la ville – vous vous retrouvez plongé dans la Seconde guerre mondiale, dans toutes les guerres. Vous vous étonnez de votre ignorance, vous désirez comprendre, donc apprendre. Vous visitez l’église de la Sainte-Croix de Varsovie et vous êtes intrigué par le lien qu’un prêtre a forgé avec un syndicat ouvrier avec le soutien de tout un peuple. Et de plus, vous apprenez que le cœur d’un des plus illustres et aimés compositeurs européens, celui de Frédéric Chopin (d’origine franco-polonaise), repose ici.

A Belgrade, encore souvent confondue avec une autre capitale d’Europe de l’Est (l’appellation demeure malgré les changement survenus depuis la chute du mur de Berlin), dans le musée de Nikola Tesla, vous découvrez l’œuvre et le parcours européen d’un des plus grands esprits de la modernité, un authentique esprit de la Renaissance et un prescripteur du développement durable : Nikola Tesla, inventeur et ingénieur américain d’origine serbe – notoirement connu pour son rôle prépondérant dans le développement et l’adoption du courant alternatif pour le transport et la distribution de l’électricité. Vous apprenez aussi que

la population serbe a perdu un tiers de sa population masculine lors de la Grande guerre et cela vous amène à penser à l’expérience de votre pays, aux grandes tragédies du vingtième siècle que l’Europe a traversées. Et vous vous demandez comment ce « miracle » de l’Europe unie est possible et quel sera son avenir.

A BUDAPEST ET A ATHENES, DES FILMS SUR DES ENJEUX D’ACTUALITE

A Budapest, ville natale de Robert Capa, nous visitons le Musée du grand reporter pionnier, journaliste pionnier qui a couvert cinq conflits majeurs : la guerre d’Espagne (1936-1939), la résistance chinoise à l’invasion japonaise (1938), la deuxième guerre mondiale à travers l’Europe (1941-1945), la première guerre israélo-arabe (1948) et la guerre d’Indochine (1954). Robert Capa est allé jusqu’au bout. Le 25 mai 1954, alors qu’il couvre la guerre d’Indochine, il pose le pied sur une mine antipersonnel et meurt sur le coup.

Et, en Grèce, la visite du Musée national archéologique d’Athènes vous replonge dans l’Histoire, dans les fondements de la civilisation européenne, de ses philosophes, sculpteurs, architectes et écrivains, citoyens qui ont inventé et pratiqué la démocratie dont nous nous réclamons et que nous nous devons de toujours réinventer, sinon ? Cette Grèce ancienne peut nous aider à (re)devenir lucide. A Athènes, où le thème étudié était les migrations, le groupe a aussi visité un centre d’accueil de réfugiés mineurs non accompagnés de diverses nationalités, des Afghans, des Syriens, mais aussi des jeunes d’Afrique sub-saharienne. Les étrangers – les « barbares » – arrivaient aussi jusqu’en Grèce antique. Nous pouvons en tirer quelques enseignements.

Les sujets des deux films qui ont été projetés à l’Institut français de Budapest et à la Cinémathèque d’Athènes portaient sur les thèmes des séminaires. Le film-documentaire Les Règles du jeu, réalisé par Claudine Bories et Patrice Chagnard, qui suit trois jeunes à la recherche d’un emploi, traite de l’intégration des jeunes sur le marché du travail.  A Athènes, la projection du documentaire Milad, my planet de Menelaos Karamaghiolis, qui retrace le destin de demandeurs d’asile à leur arrivée en Europe, a permis des échanges entre jeunes Européens, réfugiés et le réalisateur sur l’enjeu des migrations.

A Prague, qui est en soi une ville-œuvre d’art architecturale, préservée de la destruction matérielle de notre siècle tragique, les jeunes ont pu visiter le Musée dédié à Karel Zeman, génie du cinéma, successeur de Méliès, réalisateur du film de science-fiction Voyage dans la préhistoire. Karel Zeman est à la fois un précurseur de multiples tendances du cinéma contemporain et l’un des plus grands maîtres du cinéma d’animation dont Georges Lucas s’est profondément inspiré.

A Paris, nous avons visité deux lieux « culturels » uniques : la Cité internationale universitaire de Paris et la Bibliothèque publique d’information Centre Pompidou. Le premier lieu avec ses 40 maisons nationales, accueille, depuis près d’un siècle, des étudiants et chercheurs du monde entier ; le second est une plateforme de lecture, d’apprentissage et de recherche pour tous, ouvert à tous. Ces deux lieux donnent à voir ce que le vingtième siècle a fait de meilleur dans le domaine de la démocratisation et du partage de la connaissance et de la culture – la possibilité de la culture pour tous.

REGENERATION CULTURELLE ET CIVILISATIONNELLE

C’est là l’utilité d’un programme culturel : permettre aux jeunes de se poser les questions, réfléchir, chercher, participer. Et aussi, comme nous y invite un autre remarquable Européen, le sociologue et philosophe Edgar Morin : « Une chose encore peut réveiller la voie vers une Europe politiquement unie et ainsi contribuer à combler le vide politique, c’est la question écologique. L’Europe peut élaborer une politique commune en matière de sauvegarde des milieux, des ambiances, mais aussi de la qualité de la vie, une politique de la régénération, civilisationnelle et culturelle, remplacer le plus par le mieux. » Dans ce sens, le sens d’Edgar Morin, la culture fait partie du projet écologique global ! Et nous avons tous la possibilité d’y contribuer.

Les participants du Solidarity Tour ont tous activement participé à ces présentations de films, visites de musées et de lieux d’histoire, qui ont donné lieu à des échanges sur la culture des autres et se sont aussi retrouvés plongés dans  des expériences linguistiques, gastronomiques, musicales, des modes de vie « locaux » appréhendés à chacune des 6 étapes européennes du Solidarity Tour.

Le Solidarity Tour est en soi une expérience qui démontre que c’est à l’éducation qu’appartient l’avenir de l’Europe.

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