Taxonomie des investissements durables, quézako ? [Euradio]

Auteur : Gabrielle Heyvaert

Chargée de mission Energie & Numérique

Bureau de Bruxelles de Confrontations Europe

Chaque jeudi matin, Confrontations Europe intervient sur les ondes d’Euradio pour un édito consacré à l’actualité européenne.

<

Euradio : A la fin de l’année dernière, entre la COP 25, la présentation du Green Deal européen et le Conseil du 12 décembre, qui s’est enfin accordé sur l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, il y a une autre actualité européenne qui est pratiquement passée inaperçue : celle de l’accord pour la liste des investissements durables. Sur celle-ci, le nucléaire et le gaz sont finalement présentés comme des « énergies transitoires ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, c’est une nouvelle qui a eu peu d’audience, mais qui mérite qu’on s’y attarde un peu. Pour commencer, je vais vous expliquer de façon assez simple ce qu’est la liste des investissements durables.

Mais en préambule, je tiens à rappeler un principe très important quand on parle d’énergie et de mix énergique en Europe : il y a le principe de neutralité technologique qui s’applique, c’est-à-dire que chaque Etat membre est libre de décider des composantes de son mix énergétique. Autrement dit, le choix de choisir une technologie plutôt qu’une autre, par exemple de recourir en majeur partie au nucléaire, ou au contraire de sortir du nucléaire, est une compétence strictement nationale.

Concernant la liste des investissements durables : le 16 décembre dernier, le Parlement européen et le Conseil ont trouvé un compromis sur le règlement de la taxonomie en matière de finance durable, et celui-ci a été approuvé par les ambassadeurs des Etats membres. Cette « taxonomie », qui est donc une liste des investissements durables, doit permettre aux investisseurs de savoir précisément, de façon claire, quelles sont les activités qui sont considérées comme durables.

Une activité est considérée durable, soutenable, quand elle contribue à au moins un des six objectifs qui ont été définis dans l’accord sur la taxonomie, par exemple l’atténuation du changement climatique, la transition vers une économie circulaire et la prévention et le contrôle de la pollution. Et bien sûr, dans un souci de cohérence, l’activité ne doit causer aucun dommage aux autres objectifs. Les activités sont classées en trois catégories. Il y a bien sûr les activités vertes qui sont en capacité de contribuer à au moins un objectif. Ensuite, il y a les activités dites de « transition » comme le nucléaire ou le gaz, en tant que soutien de la transition. Enfin, il y a les activités « habilitantes » : elles permettront à d’autres activités de contribuer de façon substantielle aux objectifs environnementaux.

Comme vous pouvez vous en douter, la décision de qualifier le gaz et le nucléaire d’énergies transitoires a fait l’objet de débats. Je ne vous apprends rien en disant que l’Allemagne a entrepris une vaste conversion de son modèle énergétique pour sortir du nucléaire en 2022 et est donc farouchement opposée à cette source d’énergie, tandis que la France dépend à 70% du nucléaire pour son mix énergétique. Dans les discussions, l’argument français est le fait que produire de l’électricité à partir du nucléaire ne rejette pas de gaz à effet de serre, et donc que cette énergie est nécessaire pour parvenir à la transition énergétique.

Le compromis pour la taxonomie a finalement été d’introduire dans la liste à la fois le gaz, qui était une demande portée par l’Allemagne et le nucléaire.

Euradio : La France est-elle le seul Etat membre à soutenir la filière nucléaire ?

Dans les débats, on retrouve souvent l’antagonisme énergétique entre la France et l’Allemagne, c’est vrai, mais ça ne donne pas un panorama complet de ce que représente le nucléaire aujourd’hui en Europe.  L’énergie nucléaire représente environ 26 % de la production totale d’électricité de l’Union européenne. Il y a actuellement 126 réacteurs nucléaires qui sont opérationnels dans 14 Etats membres, quatre sont en construction, notamment en Hongrie. Le Royaume-Uni, la France, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Slovénie sont les Etats membres qui ont poussé pour l’inscription de l’énergie nucléaire dans la liste des investissements durables. Au contraire, d’autres pays européens comme l’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche, l’Italie ou Malte sont opposés au recours à l’énergie nucléaire pour leur transition énergétique.

D’autres questions se profilent à présent pour la liste des investissements durables, dont la date de l’entrée en vigueur. La Commission et le Parlement européen plaident pour une entrée en vigueur dès 2020, tandis que le Conseil souhaiterait une mise en œuvre plus tardive, en 2023.

Derniers articles

Articles liés

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici