Merkel et Macron, derniers leaders européens ?

Anne MACEY

Déléguée générale de Confrontations Europe

Les sommets de crise se multiplient à Bruxelles présentés comme ceux de la dernière chance mais aucun consensus n’en ressort. Les questions migratoires divisent plus que jamais des États tétanisés par leurs opinions publiques.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des questions « existentielles ». L’Europe doit porter un projet de société en accord avec nos valeurs et nos intérêts communs, un projet de « civilisation ». Chacun reconnaîtra les termes d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron à Meselberg (« Merkelberg » diront les mauvaises langues). Sont-ce les deux derniers leaders européens et pour combien de temps encore ? Ou bien, parviendront-ils envers et contre tout à refonder l’Europe ?

Profondément divisés, les Européens s’interrogent sur leur identité qu’un grand nombre d’entre eux perçoivent comme menacée. De fait, la proportion d’Européens dans le monde sera de plus en plus ténue. L’effet des tendances démographiques, du changement climatique, des crises géopolitiques fera que les migrations sont devant nous. D’autant que le développement économique ne les réduira pas. La transition démographique, déjà largement engagée, devrait changer le profil des migrants (plus âgés, plus éduqués, plus urbains), ouvrant des perspectives de migrations choisies quand nombre de secteurs industriels déplorent une difficulté à attirer les compétences. Nous devons aussi aider le Maghreb et l’Afrique Sub-Saharienne à se développer et à ériger des États capables de lever l’impôt, combattre la corruption, éduquer leur jeunesse.

 

Prendre sa part de solidarité

Certains veulent croire qu’il est possible de se barricader derrière des frontières nationales. Mais la France recroquevillée par la peur et la haine de l’autre ne serait plus la France dont nous sommes fiers. Nous ne pouvons laisser la Grèce et l’Italie seules accueillir les réfugiés au motif qu’elles sont des pays de première entrée. Nous avons trop attendu pour leur démontrer notre solidarité européenne, c’est l’une des raisons de la victoire des populistes et extrémistes en Italie. La question migratoire, au moins aussi fortement que la crise économique, explique les résultats des élections italiennes. La France doit démontrer bien davantage qu’elle prend sa part de solidarité européenne à l’égard des réfugiés qui, par définition, fuient des zones de guerre et ont droit à l’asile. Stigmatiser nos voisins n’apportera rien de bon. Quelle Europe ferions-nous sans les Italiens ?

Aucun pays ne peut seul relever le défi des migrations. Cela appelle a minima des solutions européennes. Doter le corps européen de 10 000 garde-frontières et garde-côtes, créer une agence européenne d’examen des demandes d’asile pour qu’un réfugié ait les mêmes chances de se voir accorder l’asile quel que soit le pays où il postule, anticiper les moyens alloués pour renforcer nos frontières européennes communes. Pour éviter les drames des naufragés, après l’épisode malheureux de l’Aquarius, Paris et Madrid proposent des « centres d’accueil fermés sur le territoire européen », mais encore faudrait-il qu’ils ne soient pas tous en Grèce et en Italie (« pour quelque pourboire » comme le dénonce Matteo Salvini). Et il n’y a pas que l’Autriche qui préférerait, plus ou moins ouvertement, plus ou moins honteusement, qu’ils soient dans les Balkans ou de l’autre côté de la Méditerranée.

L’Allemagne aussi se raidit. La CSU, partenaire de la coalition (Groko) forgée par Angela Merkel, n’a toujours pas digéré l’accueil par la chancelière des réfugiés en 2015. Horst Seehofer, devenu ministre de l’Intérieur, a tenté de faire voter au sein de l’intergroupe CDU-CSU du Bundestag un « Masterplan » visant à renvoyer immédiatement à la frontière les demandeurs d’asile déboutés des pays voisins. Angela Merkel s’y est opposée, cherchant une solution européenne. La CSU, confrontée à la montée de l’AFD lors des prochaines élections en Bavière, a posé un ultimatum à la ­chancelière dont le sort ne tient plus qu’à un fil, comme souvent, aux grands moments de l’histoire. Comment obtenir en deux semaines ce qu’on n’a pu obtenir en une décennie au niveau européen ? Même Angela Merkel ne cherche plus que des solutions « bilatérales ou trilatérales pour s’entraider, sans toujours attendre les 28 ».

Mais si le chancelier autrichien, dont le pays prend la présidence de l’Union le 1er juillet, a appelé à un axe dur avec l’Italie et l’Allemagne sur les migrations, quelle cohérence un tel « axe » pourrait-il avoir quand la fermeture unilatérale des frontières d’un pays se ferait au détriment d’un autre, à savoir l’Italie, où les migrants seraient alors renvoyés ? Si la solution est européenne et humaniste, elle devra se faire avec les Européens et non contre eux.

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