L’épargne-retraite : un enjeu vertueux

Jean-Robert LEONHARD

Chargé de mission, Confrontations Europe

Peu de sujets lient aussi directement les préoccupations individuelles et les agrégats macroéconomiques : épargner pour sa retraite de telle sorte que cette épargne participe au retour de la croissance (et aux revenus des retraités) par la pertinence des investissements réalisés.

© Istockphoto.com / Maxiphoto
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Qu’est-ce qui fait l’actualité d’une réflexion sur l’épargne retraite ? Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Économistes, l’a résumé en quatre mots au cours des États généraux de l’épargne-retraite organisés par la Faider(1) le 23 mars 2015 à Paris :
Évidence : nous allons vers une baisse du niveau des retraites de 20 à 25 % qu’il faudra compléter par de l’épargne. Les produits actuels sont « sympathiques », mais hors de proportion avec l’enjeu réel.
Débat : il a progressé, mais l’opposition entre répartition et capitalisation génère encore des réactions épidermiques. Il est légitime de s’interroger sur la part optimale entre les deux, sur le degré d’obligation de souscription, sur le niveau de garantie que la collectivité devrait apporter à un fonds de pension.
Incertitude : quel sera le niveau des taux d’intérêt à moyen/long terme ? Thomas Piketty pense que le taux de rentabilité sera supérieur au taux d’intérêt. Jean-Hervé Lorenzi pense le contraire.
Contrat : il faut un contrat intergénérationnel combinant allongement de la vie active, pérennisation du système par répartition sur des paramètres adaptés (dans un régime par points), fonds dédiés à l’épargne retraite et soutien de l’insertion professionnelle des  jeunes.
Jacques de Larosière, président d’EUROFI, fait le lien avec les enjeux macroéconomiques. Avec 15 à 16 % du revenu disponible, l’épargne des Français reste à un niveau élevé. Mais les investissements et placements, en particulier financiers, ont diminué, car l’appel au crédit a simultanément baissé. De plus, l’épargne financière directe ou via l’assurance vie est insuffisamment placée en actions. Comme il existe un biais               fiscal favorisant l’endettement au détriment des fonds propres (les intérêts diminuent le résultat, pas les dividendes), les entreprises sont sous-capitalisées, ce qui les conduit à une attitude plus frileuse dans leurs investissements. La croissance ne retrouvera sans doute pas ses niveaux antérieurs, notamment du fait des évolutions démographiques. Mais il faut investir pour retrouver une croissance suffisante afin de réduire le chômage de masse. Il est donc essentiel de réorienter l’épargne vers le long terme et les fonds propres des entreprises. Encore faut-il que la régulation n’entrave pas cette évolution, comme c’est encore malheureusement le cas avec Solvabilité II.
Cependant, le niveau d’épargne des Français ne doit pas être surestimé. André Babeau, professeur émérite à Paris-Dauphine, observe que 40 % de cette épargne est consacrée au remboursement des emprunts. On note que dans les pays où le système par répartition est dominant, les patrimoines financiers sont faibles. En France, les produits d’épargne retraite représentent à peine 10 % des 1 500 milliards de l’assurance vie, ce qui est très différent en Allemagne.
Quelle place faire à l’épargne retraite ?
Jacques Delmas-Marsalet, ancien PDG de la Caisse centrale des banques populaires, pense qu’elle doit augmenter. Elle doit particulièrement cibler les personnes disposant d’une capacité d’épargne suffisante pour pouvoir en consacrer une part significative à la préparation de la retraite. En conséquence, le système obligatoire devra en priorité maintenir le taux de remplacement des faibles revenus. Le faux débat entre capitalisation et répartition est dépassé. Les produits d’épargne retraite par capitalisation auront pour objectif de maintenir le taux de remplacement à un niveau qui ne sera plus possible par la seule répartition. Il s’agit d’affecter une part croissante de l’épargne, sans l’augmenter globalement, à des placements suffisamment longs (au moins 20 ans) pour autoriser une certaine prise de risque.
On observe que malgré les perturbations des marchés en 2001 et en 2008, les actions restent les placements les plus rentables sur 20 ans. Ainsi, l’intérêt du souscripteur rejoint l’intérêt général, qui est d’obtenir une bonne rentabilité.
Quels supports utiliser pour développer l’épargne retraite ? Jean Berthon, président de la Faider, penche pour une généralisation des produits dits article 83 : contrat collectif à cotisations définies souscrit par l’entreprise pour ses salariés, avec adhésion obligatoire mais option de retrait, alimenté par des versements de l’employeur et des salariés en pourcentage du salaire, avec sortie en rente de préférence. La rente pourrait être modulable, pour répondre aux besoins financiers générés par la dépendance.
Ainsi, l’épargne retraite pourra contribuer à répondre aux objectifs convergents des épargnants et de la croissance économique. Mais il semble bien se confirmer que le maillon « épargne retraite » de la chaîne de financement évoluera lentement. Or, les besoins de financement à long terme sont potentiellement immenses. Philippe Herzog en tire la conclusion qu’il faut simultanément travailler sur le rôle de la transformation de l’épargne. Ceci est d’autant plus difficile que nous nous trouvons dans un contexte de taux bas. La croissance potentielle à moyen et long terme est partout révisée à la baisse. Si on veut l’augmenter, il faut massivement investir à long terme. Or, tout est à faire en Europe. La relance par le plan Juncker marque une avancée, mais sa réussite passe par la définition d’un plan d’investissement très ambitieux et l’association des compétences et des moyens public/privé.

1. Ces pages sont issues des travaux des États généraux de l’épargne Retraite organisées par la Faider (Fédération des Associations indépendantes de défense des Épargnants pour la Retraite) le 23 mars 2015 à Paris et de la réunion du groupe de travail « Financement de l’économie » de Confrontations Europe. Elles n’engagent que l’auteur de ces lignes.

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