EDITO – Rebâtir la détermination européenne à tous les niveaux

Marcel GRIGNARD

Président de Confrontations Europe

La Commission et le Parlement sont au travail. Marché des capitaux, Union de l’énergie, relance du dialogue social, ce numéro de Confrontations Europe, la Revue décrypte ces chantiers, donne la parole aux acteurs. Ils ne partagent pas les mêmes points de vue, ce qui montre que l’on fait progresser le débat sans vouloir le trancher à tout prix notamment lorsque les sujets sont complexes et l’avenir incertain.
Il convient d’ajouter à la liste la récente communication sur le marché numérique. Sur tous ces chantiers, les propositions de la Commission européenne vont plutôt dans le bon sens et semblent traduire une volonté politique d’avancer dans une approche plus transverse, qui est indispensable. Pour autant, la capacité pour les Européens de développer de nouvelles filières industrielles dans ces secteurs d’avenir, vitale tant pour le futur de nos échanges que pour la création d’emplois de qualité, sera-t-elle au rendez-vous ? Si les énergies renouvelables prennent une place croissante sur les territoires européens, l’industrie photovoltaïque est ailleurs. Réussir la transition numérique c’est, notamment, parvenir à une vision commune sur la protection des données combinant stratégiquement protection des droits fondamentaux et ambition industrielle assumée. Cela devrait aller de pair avec une approche en matière de formation et d’organisation des entreprises mettant l’individu au coeur du processus. À ce prix, l’Europe aura sa place et se distinguera.
La Commission a interpelé les partenaires sociaux et proposé de donner une place au dialogue social dans la construction du marché du numérique, celui des capitaux, dans le semestre européen. C’est un progrès au regard de ce que nous avons connu avec la précédente Commission, mais ce n’est pas l’ouverture d’un chantier visant à réinventer une régulation adaptée aux mutations considérables, et à venir, de l’économie. Il reste un cap à franchir pour que la Commission soit porteuse d’une vision prospective et stratégique intégrant les dimensions économiques, sociales, sociétales. Mais tout ne dépend pas de la seule Commission européenne.
Que peut-elle vraiment ? Que doit faire le Parlement européen ? Que font les États ? La crise du politique est profonde. Celle des institutions, qu’elles soient nationales ou européennes aussi, les citoyens et acteurs économiques et sociaux s’en méfient, acceptant de moins en moins que ce qui les concerne se décide sans eux. Élection politique après élection politique, ceux qui prônent le repli ou veulent faire sécession progressent. Dans ce contexte la difficulté pour les chefs de gouvernement de penser l’intérêt européen s’accroît – au point qu’en France (mais est-ce une exception ?), cette préoccupation s’efface du discours public. L’Europe n’est là que pour être critiquée ou pour être le relais de préférences nationales.
La France a le droit de choisir le nucléaire et l’Allemagne de l’abandonner. Aucun des deux n’acceptera qu’on leur dicte un autre choix. À partir de là, imaginer un accord possible sur un mix énergétique précisant la place respective du nucléaire et des renouvelables tient du rêve éveillé. Cela ne contraint pas à l’immobilisme et, in fine, on peut considérer que la Commission européenne navigue, sur l’énergie comme sur les autres chantiers, entre les récifs des intérêts nationaux pour bâtir un intérêt commun fatalement un peu bancal.
Les acteurs de la société civile devraient être un puissant vecteur pour réduire la fracture entre les citoyens, les acteurs de terrain et les institutions, en faisant émerger au plus près des réalités des choix collectifs traduisant un intérêt commun. C’est une tâche que se donne très modestement Confrontations Europe. Dans ce cheminement complexe qui vise à construire l’intérêt européen, les échelons nationaux sont vitaux, le rôle des responsables politiques et des chefs de gouvernement décisif.
Aucun des sujets de l’agenda de la Commission ne peut trouver de réponse solide dans le seul cadre national, pas davantage le drame des migrants en méditerranée. Qui pourrait prétendre qu’il ne concerne que les Italiens ou se réglerait par le contrôle des frontières au sein de l’UE ? Le sujet est complexe, humainement insupportable et les Etats sont loin de décider d’une politique globale et cohérente qu’on attend de l’Europe.

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