Trois questions à Olivier Guersent, directeur général, DG FISMA, sur le système européen de garantie des dépôts bancaires.
Pour Confrontations Europe, l’Union bancaire, engagée lors de la dernière mandature, permet de rétablir stabilité et confiance et représente une opportunité historique et essentielle d’approfondissement de l’Union économique et monétaire. La Commission vient de proposer un système européen de garantie des dépôts bancaires (EDIS), le pilier manquant de l’Union bancaire. Jusqu’à quel point ce système mutualise-t-il de façon transfrontalière les risques de pertes sur les déposants?
Olivier Guersent : Tout d’abord, ce n’est pas le risque de pertes qui sera mutualisé mais seulement les pertes effectivement matérialisées. En d’autres termes, EDIS n’est pas une source de contagion mais le moyen, au contraire, de mettre en commun des ressources pour faire face de manière plus robuste à des chocs locaux qui peuvent toucher des déposants dans l’Union bancaire, quel que soit le pays. En tout état de cause, la Commission ne propose pas une mutualisation immédiate et à n’importe quel prix. Il s’agit d’une mutualisation graduelle qui s’achèvera en 2024. Seuls les États qui auront rempli leur obligation par rapport aux contributions aux fonds de garantie nationaux et à EDIS pourront bénéficier des ressources communes du système.
Comme pour le mécanisme de résolution unique, l’Allemagne fait preuve de réticence à l’idée que son secteur bancaire éponge les pertes essuyées par d’autres banques de la zone euro. Les craintes allemandes sont-elles justifiées ?
Olivier Guersent : Je pense que cette affirmation mérite d’être fortement nuancée. Les banques de la zone euro n’exercent pas leurs activités uniquement dans « leur » pays. Une banque nationale, qui a des filiales dans plusieurs Etats membres, est une banque qui a choisi de développer ses activités dans ces pays pour en tirer un bénéfice. Et c’est dans l’intérêt de la banque que les déposants de ces filiales se sentent rassurés sur la protection de leurs dépôts et que les banques nationales (allemandes dans votre exemple) contribuent afin de combler d’éventuels problèmes touchant leurs déposants dans des filiales d’autres pays. Par ailleurs, les réticences que vous mentionnez auraient du sens si l’on pouvait bénéficier du fonds commun quand le fonds national n’est pas au niveau exigé par la législation, ou si le secteur bancaire d’un pays n’a pas contribué à EDIS au niveau requis dans la loi. Mais ceci n’est pas le cas dans la proposition de la Commission. Celle-ci prévoit des sauvegardes pour éviter le risque d’aléa moral à l’encontre des Etats qui ne rempliraient pas leurs obligations afin qu’ils ne puissent pas bénéficier des fonds abondés par les autres Etats.
Combiner, sur le modèle des Etats-Unis et du Japon, le futur fonds européen de garantie des dépôts au fonds unique de résolution ne ferait–il pas sens ? Un tel mécanisme élargi ne constituerait-il pas une avancée institutionnelle majeure ?
Olivier Guersent : Nous n’allons pas dans une direction opposée en Europe. La Commission propose d’installer le Fonds européen d’assurance de dépôts et le Fonds Unique de résolution bancaire, sous la tutelle de la même institution : le Conseil de résolution unique, qui est d’ores et déjà chargé de la résolution des banques dans l’Union bancaire. Toutefois, il est clair que l’Europe présente des particularités qui rendraient difficile l’application du modèle américain dans l’immédiat. A cet égard, l’Union reste une somme d’États souverains avec des budgets nationaux et des systèmes fiscaux nationaux, en dépit des avancées dans ces domaines. Si le Fonds européen de résolution est sur la voie d’un back-stop au niveau européen (l’accord politique est là), les discussions sur EDIS viennent, quant à elles, de débuter, et nous sommes encore loin d’un back-stop commun. Au total, le débat sur un fonds unique dans l’Union bancaire pour la résolution et la garantie de dépôts sera d’actualité une fois que les deux fonds seront au même niveau, c’est-à-dire au niveau européen.
Propos recueillis par Marie-France Baud, directrice du bureau de Bruxelles, Confrontations Europe