Bernard DELBECQUE
Directeur à l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association)
L’Union des marchés de capitaux (UMC) est un pilier essentiel du plan d’investissement pour l’Europe, dit « plan Juncker », un projet qui vise à mieux relier l’épargne, l’investissement et la croissance en diversifiant les sources de financement au service de l’économie réelle, de manière à réduire la dépendance aux prêts bancaires.
L’Union des marchés de capitaux ne peut se résumer à une action unique : il faut tout un ensemble de mesures pour accroître la part de l’épargne européenne canalisée via les marchés de capitaux. En général, ces mesures sont débattues par des décideurs politiques et des responsables du monde économique, sans réelle participation des citoyens. Ce n’est pas très surprenant, car les thèmes abordés sont très techniques, notamment ceux qui concernent les investissements transfrontaliers, comme l’insolvabilité, la fiscalité et le droit des valeurs mobilières, ou ceux qui ont trait aux exigences de capital réglementaire ainsi qu’aux limites quantitatives et qualitatives contraignant les investisseurs institutionnels.
Il faut y remédier si nous souhaitons parvenir à rééquilibrer le système financier européen vers un modèle où les marchés des capitaux jouent un rôle plus important qu’aujourd’hui. Pour atteindre cet objectif, il faut accorder plus d’importance au rôle des citoyens dans le projet d’Union des marchés de capitaux. La dépendance trop élevée de l’Europe envers les financements bancaires est en grande partie due à des obstacles « culturels » qui dissuadent les particuliers d’investir dans les marchés de capitaux. L’absence de « culture actionnariale » et la défiance envers les marchés financiers, le manque d’expertise financière et une aversion au risque expliquent pourquoi les ménages placent en moyenne 40 % de leur patrimoine financier sur des comptes bancaires au sein de la zone euro.
Trois objectifs
Pour mener à bien le projet d’Union des marchés de capitaux, un « changement culturel » est nécessaire afin d’encourager l’épargne via les marchés de capitaux et de rassurer les ménages. Dans cette optique, il pourrait être utile de viser les trois objectifs suivants :
◗ Promouvoir l’éducation financière
Renforcer l’éducation financière aura un impact crucial sur l’implication des ménages dans l’amélioration de leur situation patrimoniale. Il faut notamment faire passer le message suivant : l’incertitude entourant le rendement réel diminue à mesure que la période d’épargne augmente. C’est particulièrement vrai pour l’accumulation d’actifs de retraite, puisque la période d’investissement est longue par nature.
◗ Améliorer les marchés pour les produits d’investissement de détail
Ces dernières années, des progrès notables ont été accomplis afin d’améliorer les dispositions en matière d’information obligatoire et de conseil en investissement. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour promouvoir l’offre transfrontalière de fonds de placement dans l’UE et proposer aux investisseurs davantage de choix avec de meilleurs rendements. Il serait également intéressant de faciliter l’accès en ligne aux produits d’investissement de détail et à d’autres services de conseil en exploitant les évolutions technologiques récentes.
◗ Créer un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle
Dernier point, mais non des moindres : il est crucial que le Parlement européen et les États membres apportent leur soutien à la proposition de création d’un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) mise sur la table par la Commission européenne. De nombreux ménages estiment que les instruments afférents aux marchés de capitaux sont trop risqués. Pour répondre à ce problème, il faudra encourager les particuliers à épargner pour leur retraite dès le plus jeune âge, et insister sur le fait que la performance risque-rendement des titres et obligations dépend de l’horizon de placement. La création d’un produit d’épargne-retraite individuelle simple, transparent, fiable, bien réglementé et rentable permettra de renforcer la confiance des ménages dans le potentiel des instruments de marché.
La création d’un tel produit améliorera également le marché unique des retraites en favorisant la concurrence entre tous les acteurs du marché, en dégageant des gains d’efficacité grâce à des économies d’échelle et à la baisse des coûts, et en offrant un éventail de produits plus large aux ménages. Le PEPP sera bénéfique pour les consommateurs de l’UE et les incitera donc à affecter une partie plus importante de leur épargne dans des instruments plus orientés sur les marchés.
L’Union des marchés de capitaux est plus qu’un projet technique réservé aux experts, aux décideurs politiques et aux représentants du monde économique. Le rééquilibrage du système financier européen vers un modèle davantage fondé sur les marchés financiers ne pourra aboutir qu’en plaçant les citoyens de l’UE, qui détiennent les clés de l’épargne, au cœur du projet.