Auteur : Edouard Simon
Directeur du Bureau de Bruxelles de Confrontations Europe
Chaque jeudi matin, Confrontations Europe intervient sur les ondes d’Euradio pour un édito consacré à l’actualité européenne.
Euradio : Ce lundi, l’Agence européenne de défense publiait son rapport annuel sur les données de défense des Etats membres de l’UE. Premier constat : une hausse des budgets consacrés à la défense. Ce qui peut apparaitre comme une bonne nouvelle au vu des menaces aux frontières de l’Europe. Edouard Simon, vous êtes le directeur du Bureau de Bruxelles de Confrontations Europe et spécialiste des questions de défense. Partagez-vous cette analyse ?
Effectivement, pour la 5ème année consécutive, les budgets européens consacrés à la défense sont en hausse. Et, vous avez tout à fait raison plusieurs facteurs poussent les Européens à investir dans leur défense. Le contexte géopolitique, d’une part, avec la montée d’instabilités à nos frontières et d’incertitudes quant aux intentions de plusieurs de nos voisins mais également de nos alliés. Mais, plus largement, depuis plusieurs années, de nombreux Etats (Etats-Unis, Chine et Russie en tête) ont redéployé des politiques de puissance et réinvesti massivement dans les nouvelles générations d’armement. A ce titre, il est plutôt positif de voir que les Européens ont décidé de se réapproprier leurs politiques de défense.
Mais, il faut néanmoins relativiser cette hausse, car elle fait suite à de fortes baisses. Les budgets européens atteignent péniblement cette année leur niveau d’avant crise des subprimes. Et, sur le temps plus long, la tendance est également à la baisse et ce depuis quasiment 40 ans.
Par ailleurs, autre facteur qui m’amène à atténuer ce satisfecit : la qualité de ces dépenses. Et là aussi, la situation n’est pas extrêmement positive. Le niveau d’investissement (c’est-à-dire les sommes consacrées au développement et à l’acquisition de nouveaux matériels), qui conditionne l’impact de nos forces armées, est toujours très en-deçà des niveaux d’avant crise. Encore plus préoccupant, les sommes consacrées aux projets menés en coopération sont également en-deçà de ces niveaux d’avant crise, et ce malgré une très forte dynamique politique depuis 3 ans.
Euradio : N’est-ce pas justement tout l’enjeu du futur Fonds Européen de Défense que de stimuler, à partir de 2021, la coopération entre Etats Membres en matière d’armement ?
Si, effectivement. Mais là encore rien n’est gagné. Tout d’abord, la présidence finlandaise du Conseil vient de proposer de diminuer de moitié le budget du futur Fonds, limitant de fait l’impact de celui-ci en faveur de coopérations plus systématiques, alors qu’elles sont aujourd’hui l’exception. Espérons que les négociations budgétaires actuelles permettent de sauver le potentiel et l’ambition de ce Fonds
Par ailleurs, il faudra s’assurer que cet argent est dépensé correctement, c’est-à-dire pour investir dans des capacités militaires qui sont utiles à l’Europe et à son objectif d’autonomie stratégique. Ce qui pose la question suivante : toutes les coopérations sont-elles bonnes pour l’Europe ? La réponse est assurément non, mais encore faut-il que l’on soit capable de définir ce qui constitue la valeur ajoutée européenne d’un projet.
De même, il faut trancher la question de la participation d’Etats non européens à ce fonds. Si l’objectif de celui-ci est véritablement de contribuer à une autonomie stratégique, alors cette participation ne peut être qu’exceptionnelle. Le débat a lieu maintenant depuis trop longtemps, il devient urgent de le trancher.
Et ces différents choix permettront de juger du niveau d’ambition réel que les Européens portent à leur défense et à leur sécurité.
Réécoutez cet édito sur le site d’Euradio : https://euradio.fr/2019/12/19/union-defense-et-securite-les-europeens-en-bonne-voie-ledito-de-confrontations-europe/