Par Oliver Röpke, Président du CESE
En tant que Président du Comité économique et social européen (CESE), j’ai le privilège d’assister au processus décisionnel démocratique de l’UE dans toute sa splendeur, là où institutions et citoyens se rencontrent dans un dialogue significatif et avec un but commun. À une époque marquée par des défis économiques, des transformations sociales et technologiques, les organes consultatifs comme le CESE sont essentiels. Nous établissons des passerelles entre la conception des politiques et la société civile,
en veillant à ce que les voix de toutes les composantes socio-économiques – travailleurs, employeurs, défenseurs de l’environnement, jeunes et bien d’autres – soient non seulement entendues, mais activement impliquées dans la trajectoire de l’Europe.
La valeur des organes consultatifs est particulièrement frappante quand on considère l’immense diversité au sein de l’Europe. Dans une union de multiples cultures, perspectives et ambitions, comment les politiques peuvent-elles être à la fois unifiées et représentatives de ses citoyens ? Au CESE, nous relevons ce défi au quotidien. Nous incarnons un partenariat unique, établi par le traité de Rome, pour amplifier la voix de la société civile et en faire une force directrice dans les décisions de l’UE. Depuis plus de six décennies, ce comité agit comme un ancrage, assurant que les politiques européennes sont en phase avec les réalités, espoirs et expériences de nos citoyens. C’est un rôle que je considère avec une grande responsabilité, et qui, à mon avis, devient chaque année plus essentiel.
La force des organes consultatifs réside dans leur capacité à rendre la gouvernance accessible et pertinente. Concrètement, cela signifie que lorsque des lois européennes sont rédigées sur des sujets tels que le travail, le climat ou les marchés numériques, les organes consultatifs veillent à ce que ceux
qui sont les plus concernés par ces politiques soient non seulement consultés, mais placés au centre de la discussion. En unissant la société civile et les décideurs, les organes consultatifs créent des avenues structurées pour la participation civique, façonnant des lois qui résonnent avec les communautés
européennes et renforcent la confiance publique dans la gouvernance de l’UE. Ce lien nourrit la confiance envers l’UE, en montrant clairement que les politiques sont élaborées avec des perspectives concrètes du terrain, répondant à de réels besoins et reflétant des valeurs partagées.
“L’élargissement n’est pas simplement la question d’étendre les frontières ; c’est intégrer des valeurs, promouvoir la coopération et construire un avenir commun avec des nations qui aspirent à rejoindre l’UE.”
Une priorité claire pour les organes consultatifs est la transparence. Sans elle, la société civile se sentirait déconnectée du processus décisionnel, laissant les politiques de l’UE vulnérables à la méfiance et au désengagement. Nous nous employons à contrer cela en veillant à ce que ces processus de
consultation soient ouverts, diversifiés et inclusifs. Le CESE organise régulièrement des auditions publiques, impliquant la société civile et écoutant les représentants des citoyens sur des questions allant de la transition verte à la protection sociale. Mais la transparence ne s’arrête pas à la consultation, elle doit aussi s’étendre à la manière dont les décisions sont prises et à leurs justifications.
Cela exige des rapports publics plus fréquents et un dialogue régulier avec les citoyens de tous les États membres, ce qui renforce la confiance et permet des améliorations continues de nos pratiques.
L’une des initiatives les plus ambitieuses du CESE, et qui me tient particulièrement à cœur, est notre travail sur l’élargissement de l’UE. L’élargissement n’est pas simplement la question d’étendre les frontières, c’est intégrer des valeurs, promouvoir la coopération et construire un avenir commun avec des nations qui aspirent à rejoindre l’UE. Dans ce processus, les organes consultatifs comme le CESE sont indispensables, créant des liens qui favorisent la compréhension et la préparation. Le chemin vers l’adhésion à l’UE nécessite des fondations solides, non seulement parmi les dirigeants, mais aussi à
travers le tissu social des pays candidats. C’est là que la société civile joue un rôle essentiel – en tant que canal de communication, d’éducation et d’engagement, aidant les nouveaux membres à s’intégrer harmonieusement dans notre cadre commun.
En 2023, nous avons lancé l’initiative « Membres des candidats à l’élargissement » (ECM), une initiative qui, je le crois, reflète véritablement l’engagement du CESE en faveur de l’inclusion et de la coopération. Ce programme a invité des leaders de la société civile de tous les pays candidats à nous
rejoindre en tant que ECM, participant directement à nos travaux consultatifs. Ce n’est pas simplement un geste symbolique, les ECM apportent des perspectives et une expertise précieuses, ajoutant une profondeur inestimable à nos discussions politiques. Qu’il s’agisse de politiques de cohésion ou d’actions climatiques, leurs contributions nous aident à comprendre les impacts potentiels des politiques de l’UE sur leurs pays. Et ces contributions, à leur tour, permettent aux pays candidats de comprendre en profondeur l’élaboration des politiques de l’UE, leur offrant une préparation plus complète à l’intégration. Grâce à des initiatives comme les ECM, nous nous assurons que les nouveaux membres ne feront pas qu’adopter les politiques de l’UE mais qu’ils contribueront activement à les façonner.
Notre travail avec l’initiative ECM couvre des thèmes centraux pour les valeurs de l’UE, tels que l’inclusion sociale, la résilience climatique et la durabilité économique. Récemment, par exemple, des membres de la société civile ukrainienne ont contribué à un avis du CESE sur les pratiques durables
dans le secteur agroalimentaire de l’UE. Leurs contributions ont été essentielles, nous permettant de prendre en compte les défis uniques auxquels l’agriculture ukrainienne est confrontée et ce que l’alignement sur les normes de l’UE pourrait signifier pour leur économie et leur sécurité alimentaire. De
même, des Organisations des sociétés civiles (OCS) albanaises nous ont aidés à explorer comment les politiques de cohésion de l’UE pourraient atténuer les disparités économiques, apportant des idées précieuses sur les défis au sein de leurs propres communautés. C’est là que des organes consultatifs
comme le CESE excellent : nous créons les conditions d’un dialogue qui transforme des politiques abstraites en stratégies réalisables et pertinentes, avec l’apport direct de ceux qui seront les plus impactés.
Le CESE joue également un rôle important dans les Comités consultatifs mixtes (CCM), forums établis pour construire des relations solides et concrètes avec les pays candidats. À travers les CCM, nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements, les entreprises, les syndicats et les OSC de ces pays, en veillant à ce qu’ils soient prêts et alignés sur les normes de l’UE dans des domaines tels que la politique environnementale, le travail et le développement économique. Ces comités sont un témoignage de l’engagement de l’UE pour une croissance collaborative. Dans ces interactions, les pays candidats apportent des idées novatrices et des perspectives ancrées qui contribuent autant à la croissance de l’UE qu’ils en bénéficieront par leur future adhésion. Ces partenariats ne consistent pas
seulement à préparer les pays candidats à rejoindre l’UE, mais également à promouvoir un échange mutuel d’idées et de solutions, montrant l’importance d’une Europe inclusive et engagée.
Le travail du CESE en tant qu’organe consultatif se manifeste surtout à travers des initiatives comme le programme ECM et les CCM, mais son impact va bien au-delà. À une époque où la confiance institutionnelle est cruciale, des organes consultatifs tel que le nôtre jouent un rôle fondamental en rapprochant l’UE de ses citoyens. En dialoguant directement avec des organisations, des groupes locaux et des communautés, nous ne nous contentons pas d’informer les politiques de l’UE, nous les rendons participatives. Cette implication directe, je le crois, est la base d’une Europe démocratique qui
évolue avec son peuple, reflétant ses aspirations et s’enracinant dans les valeurs communes qui nous unissent.
En regardant vers l’avenir, je vois de nombreuses opportunités d’améliorer l’efficacité des organes consultatifs dans le renforcement de ces liens. Premièrement, nous devrions élargir les programmes de sensibilisation pour rendre nos consultations plus inclusives, en invitant les contributions des régions éloignées et des communautés sous-représentées qui autrement pourraient rester sans voix. La technologie jouera un rôle clé, offrant des plateformes numériques où les citoyens pourront donner leur avis et participer directement aux débats politiques. En outre, les organes consultatifs devraient bénéficier de ressources accrues, car leurs responsabilités se sont considérablement élargies avec la croissance de l’UE et la complexité de ses enjeux. Avec un soutien financier et logistique plus solide,
des organes comme le CESE pourront accroître leur impact, rendant l’élaboration des politiques de l’UE encore plus inclusive, informée et réactive.
En tant que CESE, nous nous engageons à faire de l’Europe un espace qui écoute, apprend et se renforce ensemble. Des organes consultatifs comme le nôtre servent de cœur à l’UE, veillant à ce que chaque politique reflète les espoirs des personnes qu’elle sert, favorisant une union enracinée dans la collaboration et prête à affronter l’avenir unie. À travers notre travail, nous bâtissons non seulement une Europe plus large, mais une Europe véritablement unie – une
Europe qui incarne les valeurs de démocratie, d’inclusion et de solidarité qui nous définissent depuis toujours. Dans les années à venir, nous continuerons de soutenir une Europe non seulement connectée, mais renforcée par les voix diverses en son sein, prête à relever ensemble les défis de l’avenir en tant que communauté résiliente et engagée.