Dominique GRABER
Vice-présidente de Confrontations Europe.
Directrice des Affaires publiques du groupe BNP Paribas
Alors que nous venons de vivre un séisme avec la sortie du Royaume-Uni d’une Union européenne qui n’avait été conçue que pour s’élargir, ou, au mieux, une farce, si l’on en juge par les difficultés des partisans du Brexit à présenter une feuille de route claire et alors que les prévisions de croissance placent encore l’Europe en queue des grandes zones économiques nous laissant à la traîne d’un monde qui court après toujours plus de biens de consommation sans vraiment s’inquiéter des externalités négatives, il y a un risque fort que la démocratie ne congèle une nouvelle fois les volontés de changement. Comme souvent, les médias caricaturent les enjeux au lieu de fournir le cadre d’un échange pédagogique nécessaire à la compréhension d’un environnement de plus en plus complexe et les candidats ne semblent pas vraiment enclins à élever le débat en se contentant de messages simplistes. Or ce temps fort de la vie démocratique, qu’est une campagne présidentielle, devrait susciter un large débat qui s’appuie sur un diagnostic réaliste de l’état de la France, qui détermine les grands enjeux économiques et sociaux et permette d’énoncer des choix clairs. C’est collectivement, à l’échelle européenne, et non, en prônant, comme certains candidats et pas seulement dans les partis d’extrême droite, le repli sur des frontières nationales, nécessairement trop exiguës pour répondre aux enjeux actuels, qu’il nous faut prendre notre destin en mains.
À l’extérieur même des frontières de l’Union européenne, les pays dotés du consensus social le plus fort, comme la Suisse ou la Norvège, l’ont bien compris et s’arriment à l’Europe, y reconnaissant des valeurs que nous ne mettons pas suffisamment dans la colonne « actifs » du vivre ensemble, quand certains États membres ne voient souvent en elle qu’une pompe à subventions. C’est cette Europe qui offre des cadres dans lesquels peuvent s’inscrire les politiques nationales que nous mettons en avant dans ce numéro. Un budget européen réduit – du fait du départ du Royaume-Uni – peut être démultiplié s’il est mis au service d’opérations transfrontières (de Recherche&Développement, par exemple) et si chaque État membre cesse de raisonner en retour net de sa contribution. Une Union économique et monétaire qui favorise la transversalité est appelée de nos voeux. Aux citoyens qui attendent de l’Europe des contributions concrètes en matière de sécurité, on dira ce que l’Europe peut faire en démultipliant les politiques nationales si les États membres font preuve de plus de volonté politique.
L’Europe va sans doute moins mal que les populistes de tout poil veulent nous le faire croire. Les élections du printemps prochain devraient aussi être l’occasion de rappeler tout ce qu’on lui doit au quotidien dans les grandes et les petites choses et au sein du cadre juridique le plus sûr de la planète, ce qui n’est pas le moindre de ses actifs. Il faudrait, pour cela, que les candidats, quelle que soit leur étiquette politique, aient un peu d’humilité et beaucoup d’intelligence et admettent que l’union, la complémentarité, le partage rendent plus riche que le repli sur soi et les égoïsmes. La démocratie, française, européenne, en sortira alors renforcée. Décongelée.