L’Union européenne – au-delà du Brexit

Michel Barnier

Négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit

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L’encre de l’accord obtenu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, après des négociations serrées, longues, difficiles, est tout juste sèche et l’avenir de l’Union à 27 va désormais s’écrire. Michel Barnier, l’artisan de cet accord historique, inlassable défenseur des valeurs européennes et de l’unité de l’Europe, revient sur ces neuf derniers mois, la signification d’un tel divorce, ses conséquences, et la nouvelle page qui s’ouvre pour l’Europe. A Confrontations Europe, nous sommes honorés de publier ce texte de Michel Barnier, qui est un compagnon de route du think tank depuis des années. Philippe Herzog a été pendant cinq années son Conseiller spécial lorsque Michel Barnier était Commissaire européen. Au lendemain du Brexit, Michel Barnier était déjà venu évoquer le référendum aux côtés de l’ambassadeur britannique à notre comité de parrainage et Michel Barnier avait écrit l’éditorial de la revue commémorant les 25 ans de Confrontations Europe.

L’année 2020 restera de triste mémoire pour beaucoup d’hommes et de femmes, en Europe et dans le monde. Elle s’est néanmoins terminée sur deux notes d’espoir, qui nous permettent d’aborder cette nouvelle année un peu plus sereinement.

D’abord, évidemment, l’arrivée de plusieurs vaccins contre la Covid-19, qui montrent ce dont est capable la science quand des chercheurs du monde entier travaillent pour un objectif commun. En passant des commandes groupées de ces nouveaux vaccins, l’Union européenne a une fois de plus montré l’intérêt que nous avons à être ensemble, pour protéger nos citoyens et faire preuve de solidarité avec nos partenaires.

À l’échelle de l’Europe, une autre note d’espoir est arrivée la veille de Noël, après neuf mois de négociations intenses, avec l’accord de commerce et de coopération conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

L’accord de retrait, conclu en octobre 2019, avait permis au Royaume-Uni de quitter formellement l’Union européenne, le 31 janvier 2020, de manière ordonnée. Avec ce premier accord, nous avions garanti les droits des citoyens établis de part et d’autre de la Manche. Nous avions réglé nos obligations financières réciproques. Et nous avions trouvé une solution opérationnelle pour éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande.

Ces points étaient fondamentaux. Mais ils ne réglaient pas notre future relation, ni en matière économique, ni en matière de sécurité. Sur ces sujets, un « no deal » à la fin 2020 aurait eu des effets très négatifs, pour le Royaume-Uni principalement, mais aussi pour certains secteurs économiques de l’Union européenne.

L’accord du 24 décembre, entré en vigueur de façon provisoire, dans l’attente de sa ratification par le Parlement européen et le Conseil, permet d’éviter cela. Il comprend d’abord un accord de libre-échange ambitieux et équitable, sans tarif ni quota. Et au cœur de cet accord, de nouvelles règles du jeu économique, le « level playing field », qui garantiront un commerce juste, sur la durée.

Notre accord comprend aussi un partenariat économique et social dont le champ est sans précédent puisqu’il couvre les transports aérien et routier, l’énergie, la lutte contre le changement climatique, et évidemment la pêche, pour laquelle nous avons trouvé une solution juste, permettant d’assurer globalement une base d’accès réciproque aux eaux et aux ressources. Notre partenariat comprend aussi une coopération en matière de recherche et d’innovation, de sûreté nucléaire et sur l’espace, dans le cadre des programmes de l’Union. Dans ce domaine, notre accord contient aussi une clause de non-discrimination entre les citoyens européens, qui s’applique également aux visas, aux services et à la coordination de la sécurité sociale.

Le troisième pilier de notre texte concerne la sécurité des citoyens. Nous l’avons toujours dit : notre sécurité – celle de nos citoyens – ne se marchande pas. La lutte contre le terrorisme et le crime nécessite une coopération étroite entre l’Union européenne et ce grand pays qu’est le Royaume-Uni. Cette coopération sera fondée sur deux préalables : le respect de la protection des droits fondamentaux et le respect des données personnelles.

Vigilance quant à la mise en œuvre des accords

Enfin, notre accord comprend des règles de gouvernance, fondées sur le dialogue et la consultation politique, sur des mécanismes de règlement des différends contraignants, sur une mise en œuvre crédible dans chacun de nos ordres juridiques et sur des remèdes ou des sanctions, y compris unilatérales, rapides et efficaces quand cela est nécessaire.

Ainsi, avec cet accord, nous avons évité des disruptions trop importantes au 1er janvier 2021. Mais le Brexit a néanmoins des conséquences importantes et immédiates pour un grand nombre de citoyens et d’entreprises en Europe et au Royaume-Uni. Un État membre qui quitte l’Union européenne ne peut pas s’attendre à avoir les avantages de l’intégration.

Les conséquences, mécaniques, sont nombreuses. Par exemple, un passeport est désormais nécessaire pour voyager au Royaume-Uni ; un visa est requis pour les séjours de longue durée. Les marchandises circulant entre l’Union européenne et Royaume-Uni sont dorénavant soumises à la TVA et doivent faire l’objet de déclarations en douanes. Les entreprises et professionnels font face à une série de procédures et de formalités nouvelles. S’y adapter nécessite du temps, de l’énergie, des ressources qui auraient sans doute été mieux investis ailleurs. Mais le Brexit a été le choix démocratique d’une majorité du peuple britannique. Nous devons respecter ce choix et vivre avec du mieux que nous le pouvons.

Aujourd’hui, même si nous serons vigilants sur la mise en œuvre de nos accords avec le Royaume-Uni, nous pouvons enfin mettre le Brexit derrière nous et nous concentrer pleinement sur l’avenir de notre Union.

Malgré toutes les prophéties, le Brexit n’a pas mené au déclin du projet européen. Au contraire, il a révélé l’unité et la solidarité des États membres pour défendre ce projet commun et pour consolider nos progrès et nos réussites. Il a renforcé la conviction que, ensemble, nous sommes plus forts pour faire face aux grands défis globaux comme le changement climatique, les crises sanitaires, la menace terroriste ou les risques pour la stabilité financière. Ensemble, notre voix continue à porter sur la scène internationale, où émergent de nouvelles puissances. Ensemble, nous pouvons mieux défendre nos intérêts et promouvoir nos valeurs.

Avancer ensemble comme l’Union de 27 Etats membres

Mais le Brexit nous montre aussi que la construction européenne n’est jamais définitivement acquise, et que nous devons sans relâche en démontrer la valeur ajoutée. C’est ce que fait la Commission européenne et sa Présidente Ursula von der Leyen, avec le Pacte vert, qui vise à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, les nombreuses initiatives pour la transition numérique ou encore le plan de relance économique historique, NextGenerationEU qui nous permet d’emprunter en commun 750 milliards d’euros pour soutenir les initiatives et la croissance sur notre continent.

Ces choix politiques audacieux, parmi d’autres, ne porteront leurs fruits que si nous avançons ensemble comme l’Union de 27 États membres, du Parlement européen et des citoyens européens. Une Union basée sur la confiance, qui se nourrit elle-même de transparence et de débat public. Pas seulement tous les cinq ans, à l’occasion des élections au Parlement européen, mais au quotidien, et à l’occasion d’initiatives comme la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, qui sera lancée cette année. Pas seulement dans les capitales, mais aussi dans les plus petites villes et dans les zones rurales. Pas seulement en mobilisant des commissaires ou des députés européens, mais aussi au niveau des hommes et des femmes politiques de chacun de nos pays, de nos régions et de nos territoires. Ils et elles ont le devoir de s’engager de manière responsable sur les questions européennes. Si nous ne le faisons pas, d’autres, souvent moins européens, parfois moins démocrates, le feront pour nous. Nous connaissons, ici en Europe, le dommage que ces mouvements populistes peuvent causer. Et nous l’avons vu de l’autre côté de l’Atlantique.

Ce projet européen, nous ne l’avons pas créé nous-mêmes. Nous avons eu la chance d’en hériter. Il nous a offert des décennies de paix et de prospérité. Il nous a permis de réunifier notre continent. Il nous a ouvert des horizons nouveaux. À nous de le nourrir, de le moderniser, de le renforcer par davantage de démocratie. Et de le transmettre à notre tour aux générations futures.

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