Tribune | Les Échos – Le Cercle : « Trump II : une chance pour l’Europe »

L’élection de Donald J. Trump à la présidence des États-Unis confirme sans conteste « l’attractivité » du projet « America First » qu’il incarne auprès de l’électorat américain.  

Les risques de cette victoire pour l’Europe sont connus : remise en cause de la solidarité atlantique ; insécurisation de la périphérie européenne ; confrontation ouverte avec la Chine, acculant l’Europe à choisir son camp ; tensions commerciales multiples et pressions baissières sur la croissance ; encouragement des forces illibérales au sein même des États membres. 

Mais ne noircissons pas au-delà le tableau ! Soyons au contraire fiers de notre héritage démocratique européen, et considérons plutôt que la victoire de Trump incite l’Europe à accélérer ses efforts vertueux dans un certain nombre de domaines. 

En matière de sécurité et de défense, même si la perspective de voir nos alliés quitter l’OTAN ou de cesser immédiatement leur aide à l’Ukraine n’est pas certaine, une remise en cause de la sécurité euro-atlantique parait inéluctable. L’Europe doit donc, très vite, engager le lancement d’un grand programme industriel, coordonné par le futur Commissaire à la Défense et à l’Espace, et conserver une position unie de soutien vis-à-vis de Kyiv. Des efforts en matière de sécurité intérieure (cyber, contrôle des frontières extérieures …) devront aussi, dans le même esprit, être mis en œuvre. 

Par ailleurs, les risques de guerre commerciale mondiale généralisée existent. Mais ne constituent-t-ils pas, d’une certaine manière, un formidable aiguillon pour déployer notre politique commerciale européenne plus affirmée ? Face au protectionnisme trumpiste, nous devons préparer dès à présent, secteur par secteur, les mesures de rétorsions idoines, applicables au cas par cas dès janvier prochain, maintenir une vigilance de tous les instants à l’égard de Pékin, sans pour autant lui fermer totalement la porte, et conserver une ouverture au libre-échange … pour peu que cette règle du jeu soit appliquée par nos partenaires !  

Dans le droit fil du « climatoscepticisme » ambiant, l’Amérique sous Trump 2.0 va sans nul doute aussi porter un nouveau coup aux efforts globaux de lutte contre le changement climatique. Voilà une raison de plus pour l’Europe de rester un leader raisonné dans ce domaine, en défendant nos valeurs, nos engagements, et un momentum international. Car la décarbonation est aussi un levier de croissance, dont nous aurons besoin dans un contexte de freinage renouvelé du commerce.  

L’agenda énergétique demeure tout aussi crucial : efficacité énergétique, déploiement des énergies renouvelables, renforcement des interconnexions énergétiques, soutien à l’ensemble des technologies européennes innovantes ; fin de la naïveté des Européens face à l’entrisme des américains en Europe (réacteurs SMR). Dans ce domaine comme dans d’autres, le drapeau de la « souveraineté » ou de l’« autonomie stratégique » devra sans hésitation être brandi, fièrement.  

Il faut enfin souligner que les risques de dérive illibérale généralisée au sein de l’UE ne sont pas une fatalité. Certes, la victoire de Trump va certainement enhardir les gouvernements populistes et durcir les positions de nombreuses capitales sur l’immigration, le soutien à l’Ukraine, le commerce, entre autres. Mais l’Europe peut pérenniser son dispositif de lutte contre les atteintes à l’état de droit, mieux traiter le dossier migratoire, et tenir un discours de vérité sur l’Ukraine et le protectionnisme.  

Le retour de Donald Trump est certainement une menace pour la stabilité et la cohésion de l’Europe, aux plans sécuritaires, économiques, politiques. Mais ce contexte de risques majeurs ne doit pas nous laisser aller au renoncement et à la résignation. L’Europe doit au contraire s’affirmer et se montrer inventive dans l’exercice effectif des outils de puissance dont elle s’est dotée, dans le défrichage de solutions nouvelles pour maintenir son unité et dans la défense de ses choix et de ses valeurs.  

Signataires : Michel Derdevet, Président de Confrontations Europe et Olivier Marty, Président d’Educ-EU, société de formation sur l’UE.

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