L’économie circulaire, outil de l’autonomie stratégique européenne

Jean Hornain, Directeur général de Citeo, revient sur l’articulation entre éco-conception, résilience du marché unique et compétitivité des matériaux afin de consolider l’autonomie stratégique de l’UE.

Dans son nouveau rapport, Circle Economy constate que l’économie circulaire n’est que de 8,6% pour l’ensemble des produits en 2021 Faisant le lien entre économie circulaire et changements climatiques, il démontre qu’il faudrait doubler le taux de circularité si l’on veut atteindre nos objectifs climatiques. Si le taux est légèrement plus élevé en Europe, 12,8% selon Eurostat, le défaut de circularité conduit inévitablement à une dépendance des matières premières, notamment pour 137 produits utilisés dans 14 secteurs industriels (ex. électronique, aérospatial, industries énergies-intensives ou automobile).  Leur extraction et leur utilisation, pour répondre à des besoins de plus en plus importants au niveau mondial, contribue à la destruction de l’environnement et au réchauffement climatique.

Sources : Eurostat, Global Resources Outlook 2019, EU Action Climate Progress Report 2019

Si l’Union européenne souhaite approfondir son marché intérieur, pilier de son économie, et atteindre ses objectifs climatiques, elle doit développer un approvisionnement en matières premières plus dynamique et plus résilient. Accentuées par la pandémie et les instabilités géopolitiques, les réflexions sur le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union ont été largement portées par Thierry Breton et le Parlement européen. Elles doivent désormais s’appuyer également sur les bénéfices de l’économie circulaire.

En effet, pour Citeo, entreprise française chargée de la responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et de papiers graphiques, l’autonomie stratégique européenne doit concilier les enjeux économiques et bénéfices écologiques en s’appuyant sur une économie circulaire réduisant nos dépendances à l’égard des pays hors Union européenne et renforçant ainsi notre résilience. Pour ce faire, Citeo estime que les efforts européens devront s’accélérer en :

  • Intégrant les enjeux d’éco-conception au centre des stratégies d’entreprise, favorisant l’innovation et les investissements pour faire émerger des nouvelles filières de recyclage;
  • Développant des outils économiques accélérant la compétitivité matière et la durabilité des matériaux ;
  • Instaurant des mesures complémentaires pour assurer la résilience du marché européen et au bénéfice des pays hors Union, notamment en lien avec l’Alliance mondiale pour l’économie circulaire et l’efficacité des ressources (GACERE).

Une écoconception au service de la durabilité des matériaux

 La résilience du marché se fonde sur une intégration systématique des enjeux environnementaux dès la conception et le développement de produits mais également sur la réduction des impacts négatifs sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie. Dans cette perspective, Citeo soutient l’initiative sur les produits durables de la Commission européenne publiée le 30 mars dans le cadre de son « paquet économie circulaire », pour que l’écoconception soit au cœur des ambitions des entreprises lorsqu’elles commercialisent, au sein du marché intérieur, des produits et emballages totalement réutilisables, réparables et recyclables.

L’écoconception, facteur de la durabilité des matériaux, pourra être favorisée grâce à l’éco-modulation, système mis en œuvre par Citeo depuis 2011 – par exemple, le bonus de 8% associé à la réduction du poids des matériaux et de la quantité d’emballages – et dont les autres filières à Responsabilité Elargie du Producteur se saisissent afin d’encourager les metteurs en marché à une meilleure conception des emballages. Pour être au service de l’autonomie stratégique européenne, cette incitation doit dès lors reposer sur des principes communs tendant à répondre aux enjeux de réduction, de réemploi et de recyclage.

Les entreprises doivent prendre en compte leurs impacts environnementaux et aider à construire des chaines d’approvisionnements plus résilientes et plus durables au sein du marché intérieur. Cette responsabilisation environnementale doit être, grâce à l’écoconception, au cœur de la stratégie d’entreprise afin d’assurer une production durable et renforcer l’autonomie stratégique de l’Union.

Le développement d’outils économiques accélérant la compétitivité matière

Environ 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont extraites dans le monde chaque année, correspondant à une hausse de près de 100 % depuis 1980 (pour satisfaire la fourniture d’énergie, la consommation, l’agriculture, etc.). Il résulte de cette exploitation un accroissement de la production mondiale de plastique depuis les années 1950 favorisant le développement d’un marché des matières premières ultra concurrentiel. Pourtant, la Commission européenne, avec la directive sur les plastiques à usage à unique et la prochaine révision de la directive emballages et déchets d’emballages ; et de nombreux Etats membres, réfléchissent à fixer des objectifs de plastique recyclé dans leurs produits, rendant ainsi urgente l’émergence d’un marché matières premières secondaires plus compétitif. Ce marché doit être facilité conjointement par la mise en œuvre de la contribution pour les déchets d’emballages en plastique non recyclé du Cadre Financier Pluriannuel européen afin d’inciter les Etats membres à une transition vers une économie circulaire.

La compétitivité matière doit également pouvoir être stimulée par l’investissement. Tel est l’objectif de la prochaine règlementation sur la taxonomie, qui, en classant des économies comme « vertes », orientera de facto les investissements vers des activités nécessaires à la transition d’une économie linéaire à une économie circulaire. C’est pourquoi Citeo a accueilli favorablement cette ambition européenne et souhaite que les activités liées à l’écoconception, le développement du réemploi et du recyclage moléculaire, la lutte contre les déchets abandonnés puissent être reconnues comme « vertes ». Cette taxonomie doit favoriser le « recyclable », ce qui permettra d’encourager l’émergence de filières industrielles européennes et apporter une réponse claire aux gestes de tri des citoyens.

En effet, la demande croissante de plastique recyclé est conditionnée au développement de nouvelles filières de recyclage. Dès lors, le recyclage moléculaire semble être une solution pour pallier les limites du recyclage mécanique. Les entreprises se sont déjà saisies de l’opportunité puisque de nombreux projets encourageants voient le jour en Europe, notamment aux Pays-Bas mais aussi en France, avec plusieurs projets, dont deux mis en avant par le programme « Choose France ». L’Union européenne doit être à l’avant-garde sur ces sujets en facilitant l’émergence de nouvelles solutions de recyclage tout en équilibrant les enjeux environnementaux et économiques.

La nécessité de mesures complémentaires pour assurer la résilience du marché intérieur

Construire un marché intérieur résilient nécessite également de limiter les externalités négatives causées à l’environnement telles que les exportations de déchets vers des pays ne disposant pas de technologies de recyclage similaires à celles de l’Union européenne. En ce sens, la révision du règlement transferts des déchets viendrait concrétiser les objectifs de restriction des exportations et dynamiser le marché européen.

Ceci permet également de lutter contre les fuites de carbone et de contribuer à atteindre les objectifs de neutralité fixée par l’Union européenne à horizon 2050. Ainsi, dès 2005, l’Union s’est doté d’un système d’échange de quotas d’émissions (ETS) qui permet aux entreprises d’acheter ou de vendre des « droits à émettre ». Afin de respecter pleinement la hiérarchie des déchets, tout en prenant en compte les spécificités locales (les territoires d’outre-mer notamment), l’incinération des déchets devrait être incluse au sein de la révision de l’ETS.

Enfin, le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui définit un seuil d’émission de GES acceptable sur tous les biens importés dans l’Union (sont actuellement concernés les secteurs du fer et de l’acier, du ciment, des engrais, de l’aluminium et de la production d’électricité), favorisera la compétitivité en limitant les délocalisations vers des pays où les normes environnementales sont moins contraignantes et atténuant le déséquilibre concurrentiel auquel sont soumis les entreprises. Citeo soutient l’intégration des polymères, du verre et du papier dans ce mécanisme. Cette mesure permettra de renforcer le marché européen du recyclage et soutiendrait un niveau de compétitivité-prix similaire entre les produits dont la source est recyclée et les produits provenant de matières premières vierges.

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