Odile RENAUD-BASSO
Directrice générale du Trésor
Alors que le Premier ministre, Theresa May, n’a toujours pas déclenché, en ce début 2017, l’article 50, les acteurs de la City ont déjà demandé le maintien du « passeport européen ». Ce maintien supposerait de respecter des règles et principes dont le Royaume-Uni souhaite s’affranchir… La négociation, qui n’a toujours pas débuté, s’annonce périlleuse.
Le Brexit ne constitue pas une bonne nouvelle, mais il s’agit d’une décision claire du peuple britannique que nous devons respecter en recherchant la meilleure solution pour l’Union européenne et pour la France. Pour les marchés financiers, le Brexit aura plusieurs conséquences.
Tout d’abord, le marché intérieur signifie, pour les services financiers, la possibilité pour les acteurs économiques d’offrir librement, ou de manière facilitée, des services dans tous les États membres depuis leur État d’origine : liberté d’établissement et libre prestation de service sont rendues possibles par le mécanisme du « passeport européen », qui repose sur la reconnaissance de l’agrément délivré à un acteur économique dans son pays d’origine par les autres États membres, le cas échéant.
En l’absence d’accord rééditant le cadre actuel entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, le Brexit signifierait la disparition du principe de libre prestation de service (possibilité pour les entités britanniques de servir le marché européen depuis Londres) et la disparition de la liberté d’établissement (possibilité de servir le marché européen par le biais de succursales dans l’Union européenne).
En tant que pays tiers, le Royaume-Uni pourrait vouloir se voir appliquer les régimes d’équivalence prévus dans les textes européens pour certaines activités. Néanmoins, ces régimes sont variables et reposent en général sur une décision de la Commission européenne de reconnaissance de l’équivalence de la réglementation du pays tiers avec les règles européennes et sur un agrément individuel octroyé par les autorités de supervision de l’Union européenne aux entités des pays tiers reconnus équivalents. Or, ces régimes n’ont pas été définis pour garantir l’accès au marché intérieur de pays dotés d’un secteur financier aussi important et avec un degré d’interconnexion élevé que celui du Royaume-Uni, ce qui n’est pas sans soulever des problématiques spécifiques en matière de stabilité financière. Une adaptation, pour tenir compte du nouvel état créé par le Brexit, pourrait s’avérer nécessaire.
Cohérence du marché intérieur
Concernant la négociation d’un accord redéfinissant les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, la position du gouvernement britannique n’est pas encore connue. Les acteurs de la City se sont exprimés pour demander le maintien du « passeport européen », au moins à titre transitoire. Une telle demande ne saurait, en tout état de cause, être compatible avec la possibilité pour le Royaume-Uni de recouvrer une autonomie réglementaire et de supervision, de ne pas être soumis à la Cour de Justice de l’Union européenne, d’introduire des restrictions aux quatre libertés de circulation ou encore de renoncer à contribuer au budget européen. La cohérence du marché intérieur tient justement au lien indissociable entre l’accès au marché et le respect de l’ensemble des règles communes et des institutions chargées de les faire appliquer afin d’assurer l’égalité de concurrence entre tous les acteurs économiques.
La négociation à venir avec le Royaume-Uni pour redéfinir le cadre de ses relations avec l’Union européenne, devra nécessairement trouver un équilibre entre l’application de ces principes, sans lesquels le marché intérieur ne peut exister, et la recherche de liens économiques étroits.
En outre, les impératifs de stabilité financière devront être pris en compte dans la préparation du Brexit, ce qui peut impliquer un contrôle particulièrement étroit de certaines activités systémiques ou de souveraineté, telles que les chambres de compensation. La question de la localisation de ces activités aura vocation à être réexaminée.
Enfin, dernier chantier à ouvrir et non des moindres, la nécessaire réorientation du projet d’Union des marchés de capitaux (UMC), engagé en 2015 par la Commission européenne, étant donné la place du Royaume-Uni dans ce secteur. La réalisation de ce projet demeure essentielle pour apporter à nos entreprises un marché des services financiers plus profond au niveau européen et des financements diversifiés et innovants.