Edouard SIMON
Directeur du bureau de Bruxelles, Confrontations Europe
Alors que le 3 mai marque la date ultime de dépôt des listes pour les prochaines élections européennes, retour sur un des enjeux majeurs du futur parlement européen : face à la montée des eurosceptiques et annoncé du PPE et des Socialistes, quelle majorité le 27 mai prochain ?
Croyez-le ou non, mais le principal enjeu politique des élections européennes qui auront lieu du 23 au 26 mai prochain partout en Europe n’est pas de savoir si Emmanuel Macron sera sanctionné ou conforté par les électeurs français. Malgré la prégnance des enjeux nationaux, cette élection risque bien d’être historique d’un point de vue européen, puisque les sondages annoncent que la coalition entre les Conservateurs du Parti Populaire Européen et les Socialistes risque bien de ne plus être majoritaire dans la future assemblée. Rappelons qu’à la différence de l’Assemblée nationale française (qui est élue selon les règles du scrutin majoritaire), le Parlement européen est lui élu selon la règle de la proportionnelle intégrale. Ce qui veut dire que chaque vote compte. Mais, ce qui veut également dire qu’il est quasi impossible pour un parti seul d’avoir la majorité.
Or, c’est une petite révolution qui s’annonce si ces sondages se réalisaient, car depuis 1989, c’est quasiment systématiquement une alliance entre le PPE de Droite et les Socialistes qui domine le Parlement européen…
Mais si la gauche et la droite « traditionnelles » deviennent minoritaires, cela veut-il dire qu’une majorité alternative est possible ? Plus précisément une majorité eurosceptique est-elle possible ?
Non, car avec respectivement plus de 180 et plus de 120 sièges annoncés dans un Parlement qui en compterait toujours 751, le PPE et les Socialistes représenteraient tout de même plus de 40% des élus européens. Et, si les Europhobes devraient progresser globalement un peu partout en Europe (spectaculairement dans certains pays comme l’Italie), ils ne devraient pas représenter plus du tiers de la nouvelle assemblée. Sans compter que ces partis n’ont pas été capables jusqu’à présent de s’allier dans un seul groupe. En effet, pas moins de trois groupes eurosceptique et europhobe coexistent aujourd’hui. Notons que les députés élus sur la liste du Front national en 2014 sont eux-mêmes éclatés dans deux de ces groupes… Peu de chances donc de voir le PPE faire alliance avec le Parti Droit et Justice polonais ou la Lega italienne, et ce même malgré les efforts du Fidesz, le parti de Victor Orban dont les élus sont précieux pour un PPE aux abois.
Il faudra donc élargir la coalition sortante, probablement aux libéraux, mais il faudra surtout aller chercher des majorités au-delà des groupes politiques traditionnels, dépasser des clivages parfois artificiels et donc construire des compromis si chers à nos amis allemands et si étrangers à notre culture politique française.