Pour de nouvelles règles monétaires et budgétaires flexibles adossées à la taxonomie européenne

Par Dimitri Droit, Président et Co-fondateur d’Eco-Systémique, et Arthur Seitz, Chargé d’étude au sein d’Eco-Systémique

Le budget alloué à la transition écologique est souvent la première victime des mesures d’austérité budgétaire, comme l’illustre la récente coupe de 2 milliards d’euros décidée par le gouvernement français en février 2024.

Alors que la France est entrée en procédure pour déficit excessif à Bruxelles avec un montant en 2023 atteignant 5,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) et que le taux obligataire à 10 ans est à plus de 3 %, les futurs budgets pour la transition écologique pourraient plus que jamais être fragilisés. 

Il est grand temps de mettre en place un indicateur national vert qui permettrait de tenir compte des efforts de transition d’un pays pour repenser les règles budgétaires et monétaires de l’Union européenne. Ces règles étaient incontestablement nécessaires mais sont devenues obsolètes à l’heure de l’impératif environnemental.

Le ratio taxonomique : un indicateur national vert ?

Initialement créée pour réorienter les flux financiers vers des activités durables, la taxonomie européenne pourrait bien nous apporter les fondements d’un indicateur national « vert ». 

Centrée sur l’offre et les entreprises, la taxonomie européenne pourrait devenir une nouvelle forme de comptabilité environnementale commune. En 2027, plus de 50 000 entreprises européennes donneront leur ratio vert, créant ainsi une comptabilité commune de durabilité environnementale au sein du secteur privé. Le secteur public doit également s’imprégner de cette dynamique en s’appuyant sur le cadre taxonomique. 

Un ratio national adossé à la taxonomie européenne permettrait d’avoir un indicateur homogène et systémique pour mesurer les dynamiques de transition des différents pays européens. Un tel ratio rendrait pilotable et mesurable la transition écologique d’un pays.

Au contraire du bilan carbone national qui est restreint à la mesure des émissions de gaz à effet de serre d’un pays, l’indicateur taxonomique national serait un indicateur systémique. Il permettrait de rendre compte de l’ensemble des impacts positifs et négatifs sur l’environnement (atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, circularité, biodiversité, pollution, eau) et permettrait de sortir d’une écologie d’hyper-responsabilisation de l’individu. 

Pour créer cet indicateur national vert, il faudrait sommer les valeurs ajoutées vertes (VAV) alignées à la taxonomie européenne (VAV = chiffre d’affaires des activités durables au sens de la taxonomie – consommation Intermédiaire liée à des activités durables au sens de la taxonomie). Cet indicateur pourrait servir de boussole pour de nouvelles politiques monétaires et budgétaires. La taxonomie européenne deviendrait ainsi la pierre angulaire de politiques publiques en faveur de la transition écologique. 

Flexibiliser la cible d’inflation de la BCE avec l’indicateur taxonomique 

La transition écologique pourrait provoquer une inflation plus forte en raison des taxes carbone, de la raréfaction des ressources minérales, des désinvestissements dans le pétrole ou le gaz et des investissements publics massifs. La mise en place de plusieurs réglementations en faveur d’un prix du carbone (Réserve de Stabilité du Marché, Mécanisme Ajustement Carbone aux Frontières, SEQE2) pourrait créer des pressions inflationnistes à court et moyen terme.

Une inflation plus élevée obligerait la Banque Centrale Européenne (BCE) à casser la dynamique de prix si l’objectif statique de 2 % était conservé. Mais casser la dynamique de prix casserait aussi la dynamique de transition environnementale des pays européens.

Disposer d’une cible d’inflation flexible en fonction de l’augmentation de l’indicateur taxonomique européen permettrait de juguler l’inflation sans casser les dynamiques de transition. En d’autres termes, plus la valeur ajoutée verte dans l’économie augmenterait, plus la BCE pourrait tolérer une inflation supérieure à 2 %, reconnaissant que les investissements alignés à la taxonomie pourraient avoir des bénéfices économiques et environnementaux à long terme qui compensent les risques inflationnistes à court terme. 

Cet assouplissement de l’objectif d’inflation permettrait de soutenir les investissements nécessaires à la transition écologique sans compromettre la stabilité économique et les exigences de stabilité financière. 

Flexibiliser les critères de Maastricht avec l’indicateur taxonomique

Face aux enjeux imposés par le défi écologique, il devient impératif de repenser et flexibiliser les critères de Maastricht. Introduire un critère taxonomique permettant un pourcentage supplémentaire de déficit public dans le cas d’une augmentation de la valeur ajoutée verte au niveau étatique pourrait permettre de financer massivement la transition écologique sans apeurer les marchés financiers. 

L’UE autoriserait X % de déficit supplémentaire en cas d’augmentation de Y % de l’indicateur taxonomique nationale. Les États membres se verraient ainsi offrir une marge de manœuvre budgétaire pour financer des projets écologiques ambitieux, tout en restant dans le cadre des règles européennes et le sérieux budgétaire.

Le défi environnemental nous invite à la mise en place d’un indicateur taxonomique national et à sortir de la rigidité excessive des règles monétaires et budgétaires actuelles pour aller vers des règles dynamiques et flexibles de politique publique. 

Ces dispositifs seraient le fruit d’un compromis inédit entre les nécessaires politiques d’investissement d’inspiration keynésienne et la rigueur budgétaire et monétaire des libéraux.  

En savoir plus sur Eco-Systémique

Eco-Systémique s’engage pour l’alignement des politiques publiques à la taxonomie européenne. Notre conviction est claire : réussir la transition environnementale nécessite la diffusion d’un langage et d’une compatibilité de durabilité environnementale.

Eco-Systémique accompagne et forme l’ensemble des acteurs privés ou publics dans l’initiation et le perfectionnement de ce langage commun de durabilité.

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