Eva PAUNOVA
Députée européenne (PPE, BG)
Malgré la contradiction que semble porter cette question, la réponse est oui. Les régulateurs ne peuvent eux-mêmes créer de l’innovation, mais ils peuvent créer un environnement propice à l’innovation. Pour savoir quelles approches réglementaires sont susceptibles de favoriser l’innovation, nous devons appréhender la façon dont celle-ci se produit. Elle nécessite en effet de remettre en cause nos certitudes, de prendre des risques et de changer les perceptions établies. C’est là que la réglementation entre en jeu :
Les régulateurs peuvent faciliter l’innovation en développant la formation de manière à stimuler des compétences comme l’imagination, la créativité, les aptitudes en technologies numériques, la pensée critique et la résolution de problèmes complexes. C’est un concept que je défends avec ferveur. En 2015, en collaboration avec les partenaires publics et sociaux, nous avons lancé l’initiative Education Bulgaria 2030, dont l’objectif est d’élaborer des systèmes d’éducation et de formation de qualité afin que les jeunes gagnent en compétitivité sur le marché du travail en évolution constante et acquièrent les compétences requises pour trouver des emplois décents, mais aussi devenir les futurs innovateurs.
L’innovation passe par la remise en cause des vérités et des mythes établis et répandus. Les régulateurs peuvent favoriser ce processus en proposant des mesures incitatives suffisantes comme la simplification des procédures administratives pour la création d’entreprise. Ainsi, nous permettons à davantage de personnes de s’introduire sur le marché. Toutefois, pour prospérer, elles doivent offrir un meilleur produit que ceux déjà disponibles ; elles doivent proposer quelque chose de nouveau et d’innovant. Il a été maintes fois prouvé que les ententes entravaient l’innovation, et l’on n’insiste pas suffisamment sur ce point. À l’abri derrière leurs accords illicites, les membres de cartels n’ont peu ou aucun intérêt à investir dans l’innovation. À cet égard, la réglementation européenne en matière de concurrence est le meilleur outil qui soit pour développer un environnement propice à l’innovation. Nous savons tous que personne n’est aussi intelligent seul que tout le monde ensemble. La réglementation sur les transferts de technologies de l’université à l’industrie peut faciliter la mise en application des idées innovantes via le brevetage, l’acquisition et le transfert de ces idées de l’université au secteur privé. Les brevets stimulent l’innovation ex ante en incitant les personnes à inventer dans l’objectif de profiter de ces innovations. Ils améliorent également l’allocation des ressources en favorisant une expérimentation rapide et un transfert des connaissances ex post efficace aux entreprises.
Le projet récemment dévoilé par la Commission européenne de créer un nuage ouvert européen au service de la science illustre parfaitement les efforts des décideurs européens en la matière. Cette initiative offrira aux chercheurs et aux professionnels dans les secteurs scientifique et technologique un environnement virtuel leur permettant de stocker et de réutiliser leurs données.
Il est essentiel de maintenir les incitations à la recherche et à l’innovation destinées aux entreprises, aux universités et aux instituts de recherche. Il est tout aussi important que nous assurions la disponibilité des financements, en particulier pour les domaines de recherche les moins attrayants pour l’industrie (car n’apportant pas de plus-value immédiate aux entreprises). L’UE est sur la bonne voie avec son programme Horizon 2020, le plus important jamais adopté en matière de recherche et d’innovation : 80 milliards d’euros de financements sont prévus de 2014 à 2020.
Cela nous montre que, dans certaines circonstances, la réglementation publique peut donner une impulsion majeure à l’innovation. En tant que régulateurs, nous nous devons d’identifier ces circonstances et de prendre les bonnes mesures pour que l’innovation devienne la nouvelle norme dans l’économie européenne. (Mai 2016)
Dans son « Rapport sur la nature et l’impact des ententes injustifiables et sanctions prévues contre les ententes par les législations nationales de la concurrence » (2002), l’OCDE conclut : « une entente tient ses membres à l’abri des risques liés au jeu des forces du marché, réduisant l’incitation pour eux à maîtriser les coûts et à innover ».