Auteur : Gabrielle Heyvaert
Chargée de mission Energie & Numérique
Bureau de Bruxelles de Confrontations Europe
Chaque jeudi matin, Confrontations Europe intervient sur les ondes d’Euradio pour un édito consacré à l’actualité européenne.
EURADIO : Peu relayée dans les médias nationaux, l’adoption de la 4ème liste des Projets d’Intérêt Commun de l’Union européenne par les eurodéputés a soulevé une vague de critiques à Bruxelles. Et pour cause : cette liste contient des projets gaziers très controversés, qui seraient incompatibles avec les objectifs climatiques européens. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
En effet, cette liste des Projets d’Intérêt Commun, les PCI, a fait l’objet de vifs débats depuis sa présentation en octobre dernier. Pour expliquer à vos auditeurs de quoi il s’agit, les projets d’intérêt commun sont des projets d’infrastructure de transport d’électricité et de gaz visant à aider l’Union européenne à atteindre ses objectifs en matière de politique énergétique. Ces projets pourront notamment bénéficier de procédures d’autorisation facilitées et seront éligibles aux financements dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe.
Et, dès la fin octobre 2019, les eurodéputés des groupes Verts/ALE et GUE de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement ont fait part de leurs critiques quant à la version provisoire de la liste présentée par la Commission. Les reproches portaient déjà à l’époque sur le nombre très important de projets gaziers. Plus précisément, cette liste comprend 32 projets d’infrastructure gazière qui seraient en contradiction avec l’objectif de transition énergétique de l’Union européenne.
Le ministre de l’Énergie du Luxembourg et ancien eurodéputé, Claude Turmes, a d’ailleurs déploré que ces futurs projets gaziers « enlisent » le système énergétique européen dans une dépendance au gaz fossile pour les 40 prochaines années à venir.
Le Directeur général adjoint de la Direction Générale de l’Energie à la Commission, Klaus-Dieter Borchardt, avait défendu cette liste en indiquant que le gaz permettra à certains États membres de sortir du charbon, tout en garantissant leur sécurité d’approvisionnement, ce qui serait impossible avec les énergies renouvelables. Il a précisé que les futures infrastructures gazières devraient servir au transport de gaz dit « vert » comme l’hydrogène ou le bio méthane.
EURADIO : Malgré les critiques, les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg ont approuvé le 12 février cette liste de projets controversée. Va-t-il y avoir un recours ?
Cette liste a été effectivement approuvée par un large spectre des groupes politiques du Parlement européen– notamment le PPE de centre droit, le S&D socialiste, le groupe centriste Renew Europe, l’ECR conservateur et l’ID d’extrême-droite, qui ont invoqué l’enjeu de garantir l’approvisionnement énergétique et de finaliser l’Union européenne de l’énergie.
De ce fait, plusieurs ONG écologistes, dont l’organisation Food & Water Europe, ont déposé une plainte selon laquelle l’exécutif européen n’a pas suffisamment évalué la soutenabilité des projets gaziers. C’est pourquoi la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a écrit à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, pour que celle-ci justifie les projets gaziers de la liste des PCI.
Il est important de noter que le règlement indique que pour figurer sur la liste des PCI, un projet doit remplir seulement l’un de quatre critères suivants : l’intégration au marché, la sécurité de l’approvisionnement, la concurrence et la durabilité. La médiatrice européenne a souligné que cette règle risquait, de, je cite, « saper la confiance des citoyens dans la capacité de l’UE à établir la liste des PCI de sorte que celle-ci soit en accord avec la politique énergétique européenne et les objectifs climatiques »
La Commission a jusqu’au 31 mars prochain pour répondre par écrit. Cette enquête pourrait conduire à la révision d’urgence des critères des PCI, à la lumière des nouveaux engagements climatiques européens. Frans Timmermans, Vice-Président exécutif en charge du Green Deal, a d’ailleurs d’ores et déjà promis de financer uniquement les projets conformes aux objectifs européens en matière de climat.