L’investissement social, le socle des droits sociaux et ses 20 principes

Dans cette contribution inédite pour Confrontations Europe, Nicolas Schmit, Commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux, démontre la nécessité et l’importance primordiale d’un
agenda pour une Europe sociale et illustre l’action européenne en la matière à partir des 20
principes du socle européen des droits sociaux.

Les 20 principes du socle européen des droits sociaux nous guident vers une Europe équitable, inclusive et riche en opportunités. Les droits sociaux doivent s’appliquer à tous : du droit à l’égalité des chances, à l’aide à l’emploi, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée aux soins de santé.

Lors du sommet social de Porto en mai 2021, les chefs d’État et de gouvernement, les institutions ainsi que les partenaires sociaux de l’UE sont convenus de fixer trois objectifs sociaux à l’échelle de l’UE à atteindre d’ici à 2030 en matière d’emploi, de formation et de réduction de la pauvreté. Les 20 principes doivent être traduits en actions concrètes au profit des citoyens.

La pandémie de COVID-19 et la crise du coût de la vie nous ont rappelé l’importance de notre modèle social européen. Il faut veiller à ce qu’il soit résilient et favorise une convergence sociale ascendante.

Les effets de la pandémie sur les inégalités, la pauvreté et les disparités territoriales ont été — et restent — considérables. Le renforcement de la résilience économique passe également par les investissements sociaux.

Selon les estimations de la Commission européenne, les besoins d’investissement supplémentaires dans les infrastructures sociales s’élèvent à 192 milliards d’euros par an, les soins de santé et les soins de longue durée représentant 62 %.

Des investissements sociaux ciblés et de qualité dans notre capital humain sont essentiels au bon fonctionnement de l’économie sociale de marché.  L’Europe fait face à de nombreux défis.

Par ailleurs l’Europe doit maîtriser les pénuries de main-d’œuvre et de compétences et les conséquences du vieillissement de sa population. Il s’agit d’abord d’organiser une transition écologique et numérique juste qui prend pleinement en considération les conséquences sociales.

La pauvreté à laquelle sont exposés plus de 100 millions d’Européens dont 20 millions d’enfants représente une véritable menace pour la cohésion sociale.

De nombreuses études montrent que les inégalités ne constituent pas seulement un problème social mais entravent également le développement économique.

Les investissements sociaux dans des domaines tels que l’éducation, les compétences, les politiques actives du marché du travail, la garde d’enfants et l’inclusion active contribuent à accroître le potentiel économique et la productivité conduisant à une augmentation de l’emploi, des salaires plus élevés et à terme à une réduction des inégalités.

Les 20 principes du socle des droits sociaux couvrent trois grands sujets : l’égalité des chances et l’accès au marché du travail, l’équité des conditions de travail et la protection et l’inclusion sociales. Pendant le mandat de cette Commission, nous avons bien progressé dans chacun de ces domaines comme l’illustrent ces quelques exemples :

  • Principe 1. L’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie.

Plus de trois quarts des entreprises de l’UE déclarent avoir des difficultés à trouver des travailleurs possédant les compétences nécessaires. La Commission a lancé plusieurs initiatives pour faire évoluer les attitudes vers l’apprentissage tout au long de la vie. Il s’agit d’aider les citoyens à acquérir les compétences nécessaires en fonction de l’évolution du marché du travail. Les fonds européens s’élèvent à environ 65 milliards d’euros de fonds de l’UE consacré à la formation. L’objectif de Porto vise à ce qu’au moins 60 % de la population adulte suivent au moins un cours de formation continue par an d’ici à 2030. Une certaine dynamique positive se dessine car depuis le lancement en 2020 du Pacte pour les compétences, plus de 3,5 millions de personnes ont bénéficié d’une formation ou d’une requalification. Le Pacte réunit 1,500 partenaires dans toute l’Europe qui ont recensé les pénuries de compétences et collaborent secteur par secteur à organiser les formations requises.

  • Principe 2: l’égalité hommes-femmes.

L’égalité de salaire est inscrite dans le Traité de Rome depuis 1957. Pourtant il subsiste toujours un écart de rémunération de 13 % dans l’UE. La nouvelle législation de l’UE sur la transparence des rémunérations aidera les femmes à obtenir le même salaire que les hommes pour le même travail. Les employeurs devront fournir des informations sur la rémunération des candidats à un emploi. Les salariés auront le droit de demander à leur employeur des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens. Les grandes entreprises devront publier des informations sur l’écart de rémunération entre travailleurs féminins et travailleurs masculins. En soutenant des projets d’accueil précoce des enfants et en fixant des objectifs en matière d’accueil, l’UE aide également les femmes à participer pleinement au marché du travail.

  • Principe 5: emplois sûrs et adaptables.

L’économie des plateformes de travail numérique se développe, mais dans de nombreux cas les personnes travaillant sur ces plateformes de travail numériques sont classées comme des travailleurs indépendants. De ce fait ils ne bénéficient pas des protections sociales ni des droits du travail tels que l’assurance maladie et accident, le salaire minimum, les congés payés et les allocations de chômage. En décembre 2021, la Commission a proposé une directive visant à classifier correctement ces travailleurs et à améliorer leurs conditions de travail. Elle a désormais été approuvée par le Parlement européen et les États membres. Outre l’examen du statut professionnel, la directive introduit la transparence et le contrôle humain de la manière dont les algorithmes sont utilisés.

  • Principe 6: les salaires.

À un moment où près d’un tiers (31 %) des travailleurs du salaire minimum peinent à joindre les deux bouts, il est essentiel que les travailleurs perçoivent des salaires équitables qui garantissent un niveau de vie décent. La directive de l’UE relative à des salaires minimaux adéquats, en vigueur depuis 2022, établit un cadre commun pour lutter contre la pauvreté des travailleurs et promouvoir la négociation collective. De nombreux États membres ont mis en œuvre la directive pour adapter les salaires minimum à la hausse du coût de la vie.

  • Principe 11: garde d’enfants et aide aux enfants.

Dans l’UE, 20 millions d’enfants sont confrontés au risque de pauvreté ou de l’exclusion sociale. La pauvreté infantile conduit à un cercle vicieux. La pauvreté se perpétue de génération en génération. La garantie européenne pour l’enfance vise à briser ce cercle vicieux de l’inégalité, en veillant à ce que les enfants issus de ménages défavorisés aient accès aux services essentiels dont une bonne éducation, améliorant ainsi l’égalité des chances. Les États membres ont présenté des stratégies nationales pour mettre en œuvre la garantie pour l’enfance et ont désigné des coordinateurs qui sont chargés de la mise en œuvre de la garantie.

  • Principe 14: revenu minimum.

En 2021, plus d’une personne sur cinq en Europe  étaient exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’UE. Les filets de sécurité sociale, tel que le revenu minimum, jouent un rôle essentiel pour aider ces personnes dans le besoin et les aider à (ré) entrer sur le marché du travail si elles sont en mesure de le faire. La recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir l’inclusion active guide les États membres sur la manière de moderniser leurs régimes de revenu minimum afin de les rendre plus efficaces et de sortir les personnes de la pauvreté, tout en favorisant l’intégration sur le marché du travail de ceux qui y sont aptes.

  • Principe 17: l’inclusion des personnes handicapées.

Environ 87 millions de personnes dans l’UE souffrent d’une forme de handicap. La stratégie de l’UE en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 vise à permettre aux personnes handicapées de vivre de manière autonome, d’apprendre dans des environnements inclusifs et de travail de qualité. Une nouvelle réglementation européenne introduit une carte européenne du handicap et une carte européenne de stationnement pour personnes handicapées afin de faciliter l’accès à un traitement préférentiel et à des droits de stationnement lorsqu’elles se rendent dans d’autres États membres.

  • Principe 18: l’accompagnement de longue durée.

L’Europe est confrontée à une grave crise des soins, marquée par de graves pénuries de personnel, un manque d’attrait du secteur des soins et un vieillissement de la main-d’œuvre. L’UE a publié de nouvelles orientations visant à rendre les soins de longue durée plus largement accessibles et de meilleure qualité. Il s’agit notamment d’améliorer les conditions de travail et de rémunération et d’attirer davantage de personnes vers le secteur des soins où l’immense majorité sont des femmes.

Pour conclure, les investissements sociaux sont essentiels et entraînent un double dividende à moyen terme. Elles devraient réduire les dépenses publiques consacrées à la protection des revenus, grâce à une augmentation de l’emploi dans des emplois de meilleure qualité et à des modes de vie plus actifs et plus sains, tout en élargissant l’assiette fiscale pour financer la protection sociale. En mettant en œuvre le socle des droits sociaux, nous construisons une Europe sociale forte qui protège les personnes et offre des perspectives à tous.

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