Bruno Cavagné, Président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP)
Les 8 000 entreprises de Travaux Publics, de toutes tailles, spécialités ou régions, représentées par notre fédération sont particulièrement attentives aux deux grandes priorités de l’Union européenne que sont le Pacte vert européen (« Green Deal ») et la transition numérique. Ces priorités constituent en effet deux défi s indissociables. Elles requièrent des évolutions vers des solutions plus durables qui soient circulaires, neutres pour le climat et efficaces dans l’utilisation des ressources. Dans ce tournant, la formation joue un rôle fondamental.
L’engagement fort de la profession en faveur de la transition écologique
Les Travaux Publics jouent un rôle déterminant dans la transition écologique des territoires. À cet égard, notre fédération a initié une démarche inédite, en évaluant l’empreinte carbone du secteur. Alors que la part des émissions de CO2 liées aux usages des infrastructures (mobilités, énergies…) constitue 50 % des émissions hexagonales, l’acte de construire les infrastructures représente 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre. Fort de ce constat, la FNTP a défi ni un objectif et une trajectoire chiffrés de décarbonation des chantiers et de l’activité du secteur, auxquels chaque entreprise, selon son métier, pourra se référer. Notre ambition : la réduction de 40 % des émissions de GES pour l’ensemble de la profession à horizon 2030, par rapport à 1990. En outre, un véritable « mode d’emploi » sera déployé pour aider les entreprises à réaliser concrètement cette trajectoire, au plus près du terrain. Cette ambition repose sur le développement de nouvelles compétences, liées à la transition écologique dans les cycles de formation aux métiers des travaux publics, mais aussi à l’adaptation des connaissances et des compétences au niveau des acheteurs et des agents des collectivités territoriales, le secteur public représentant 70 % du chiffre d’affaires de notre profession.
L’importance du numérique pour favoriser la décarbonation
Le déploiement des outils numériques dans notre domaine est fondamental pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, le BIM (« Building Information Modeling »), outil regroupant dans une base de données toutes les informations liées à un chantier, permet d’optimiser la conception, la réalisation ainsi que l’exploitation et la maintenance des ouvrages. Ces nouveaux outils numériques participent aussi à valoriser notre secteur, en pleine mutation et à attirer les jeunes vers un secteur innovant et dynamique. Le lien fort entre transition numérique et transition écologique constitue un attrait supplémentaire pour des futurs collaborateurs qui font de l’enjeu écologique une priorité. La mutation vers des infrastructures intelligentes demandera de nouvelles compétences pour les exploiter à tous les niveaux : de leur conception en passant par leur construction jusqu’à leur exploitation.
La nécessité d’un plan d’investissement massif
Pour réussir la transition écologique et numérique, il faut off rir un cadre favorable aux investissements de long terme, dans le prolongement des priorités européennes. Car les besoins sont immenses, tant pour la construction de nouvelles infrastructures que pour l’entretien et la régénération des réseaux. Si nous prenons le cas de la France, notre pays est passé, selon le « World Economic Forum », de la 1re à la 18e place en matière de qualité des routes, entre 2012 et 2019. Le seul réseau transeuropéen de transport nécessite, d’après la Commission, des besoins en investissement évalués à 350 Mds€ pour la seule période 2021-2027. Dans cette démarche, il faut être imaginatif, comme l’Union européenne a su l’être avec la mise en place du plan de relance européen. Pour réduire la congestion et faire face au vieillissement criant de nos infrastructures, l’Europe pourrait notamment lancer des actions communes, ciblées et ambitieuses, destinées à améliorer l’accessibilité et la compétitivité du réseau transeuropéen de transport. Grâce aux nombreuses compétences existant au sein de nos entreprises, notre profession sera en mesure d’accompagner cette mutation.
Plus que jamais, nous devons promouvoir l’Europe du concret, l’Europe des réalisations. C’est cette même ambition qu’il faut porter avec la création d’un espace européen de l’apprentissage comme il en existe aujourd’hui un pour l’enseignement supérieur.