Mari-Noëlle JEGO-LAVEISSIERE et Pierre LOUETTE
Directrice exécutive de l’innovation et directeur général adjoint et secrétaire général chez Orange
Trois questions à Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, directrice exécutive en charge de l’innovation chez Orange et Pierre Louette, directeur général adjoint et secrétaire général d’Orange.
Comment le groupe Orange a-t-il construit sa relation avec les start-up alors que l’innovation s’avère essentielle à la survie de l’entreprise, au sein d’un écosystème d’open innovation ?
Mari-Noëlle Jégo-Laveissière : L’engagement d’Orange aux côtés des écosystèmes de recherche et d’innovation est depuis toujours dans son ADN d’opérateur. Aujourd’hui plus que jamais, la collaboration avec les start-up nous permet d’accélérer les innovations au bénéfice de nos clients, notamment dans certains domaines clés comme les solutions de stockage distants (Cloud), les objets connectés, les services de communication ou le big data.
Nous avons l’ambition d’accompagner pas moins de 500 start-up à travers le monde d’ici à 2020. Notre programme Orange Fab, présent dans dix pays d’Europe, d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, a déjà accéléré le développement de 107 start-up depuis 2013. Pour les aider à se développer dans des géographies où Orange n’est pas présent, nous avons noué des partenariats avec d’autres opérateurs : Deutsche Telekom, Telefonica, le Coréen KT et Singapore Tele- communications (Singtel).
Pierre Louette : Nous avons aussi renforcé nos outils d’investissement avec la création, en janvier 2015, d’Orange Digital Ventures, un fonds pour les jeunes start-up, qui vient compléter nos activités de Corporate Development dans le numérique (comme Deezer) ou nos investissements dans des fonds. Pour sa première année, Orange Digital Ventures, doté d’une enveloppe de 20 M€, a déjà permis de réaliser plusieurs investissements dans les objets connectés et la data. Mais nous avons vocation à soutenir d’autres domaines : la finance digitale ou les nouvelles connectivités et cela partout dans le monde.
Quels sont les enjeux d’une telle approche collaborative ? Quelles sont les attentes de vos partenaires ? Existe-t-il encore des freins à de telles pratiques ?
M.-N. J.-L. : L’innovation, en nous appuyant sur nos équipes internes et sur une démarche d’open innovation, est un levier de notre stratégie d’entreprise Essentiels2020 qui nous permet de connecter nos clients. Notre soutien aux start-up s’inscrit dans une logique « gagnant- gagnant ». Celles-ci sont à l’avant-garde des dernières tendances du marché et leur fonctionnement agile leur permet de développer dans des délais courts des services innovants qui pourront bénéficier à nos clients. En retour, elles s’appuient sur la puissance des réseaux d’Orange, son accès privilégié à plus de 240 millions de clients à travers le monde et aux expertises de ses collaborateurs.
Cette collaboration est le fruit d’un apprentissage mutuel : il s’agit pour les start-up d’apprendre à travailler avec un grand groupe, et pour nous de transformer notre culture d’entreprise. C’est une facette de notre responsabilité sociétale à long terme : encourager l’entreprenariat et la créativité de nos partenaires, pour favoriser la croissance économique et la création d’emplois.
Quelles politiques publiques – notamment à l’échelon européen – pourraient soutenir les collaborations entre start-up et grands groupes ? Faudrait-il relancer une stratégie européenne d’innovation actualisée ?
P. L : L’open innovation existe depuis plus de dix ans aux États-Unis et depuis aussi longtemps en Europe où Orange a d’ailleurs été pionnier. Elle est naturelle, dans le « nouveau monde » qui résulte de la transformation numérique, dans lequel les business model et les industries centenaires peuvent être perturbés par trois personnes dans un garage. Les marchés domestiques ne suffisent pas toujours à financer un développement international. Cette collaboration est donc non seulement naturelle mais a vocation à s’intensifier.
Il est certain que les politiques publiques pour- raient permettre d’aller encore plus loin, par exemple en mettant en place des dispositifs favorables à l’investissement dans ce type de structure ou en facilitant leur entrée en bourse, favorisant ainsi l’émergence en Europe d’acteurs mondiaux. Par ailleurs, la naissance d’un Digital Single Market (DSM) pourrait stimuler l’investissement dans des start-up issues de secteurs comme ceux de la data ou des données personnelles, en mettant fin au patchwork de règles propres à chaque État. Cela atténuerait les distorsions de concurrence avec les géants du numérique. Réciproquement, le DSM renforcerait l’intérêt pour une start-up de collaborer avec un grand groupe, consolidant les perspectives d’accéder rapidement à un marché plus important.
Questions de Carole ULMER, directrice des études à Confrontations Europe
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