Anne MACEY
Déléguée générale, Confrontations Europe
Résolument pro-européen, le programme du nouveau président de la République française met en exergue des propositions visant à renforcer une « Europe qui protège » et qui investit pour l’avenir. Des propositions qui, sur les grandes lignes répondent aux défis, reste à voir comment elles vont pouvoir se décliner. Il s’agit à la fois de réconcilier les citoyens avec l’Europe et de s’accorder avec nos partenaires européens sur l’Europe que nous voulons.
Les priorités européennes du nouveau président
Si les Français demeurent attachés au projet européen, ils ne s’en sentent pas partie prenante. Ce n’est pas tant l’Europe elle-même que la manière dont elle se construit et la direction que prend le projet européen qui est questionné. Des conventions démocratiques sont annoncées dès 2017, mobilisant les citoyens sur les territoires afin d’engager le débat sur l’Europe que nous voulons. Confrontations Europe milite pour une dynamique de ce type ; modalités et objectifs devront être précisés pour réussir l’exercice. Il faudra convaincre les autres pays européens d’engager des processus similaires. Renouer avec l’Europe, c’est aussi donner les moyens à tous de faire l’expérience concrète de l’Europe. L’engagement est de généraliser le programme Erasmus + à 25% d’une classe d’âge. Il s’agit surtout de démocratiser le programme à travers l’Erasmus de l’apprentissage.
Concrètement, renforcer l’Union européenne se traduit par cinq priorités. D’abord, l’Europe de la sécurité, avec un renforcement du corps européen de garde-frontières pour consolider nos frontières européennes, la construction progressive d’une Europe de la défense et le renforcement de la coopération européenne en matière de renseignement et lutte contre le terrorisme.
Ensuite, une Europe qui développe nos emplois et notre économie. Mais réformer la France et l’Europe sont deux défis liés pour redonner confiance en notre pays et dans le projet européen. Le président s’est engagé à la fois à remettre notre économie en mouvement et à respecter nos engagements européens. La mise en place d’un budget de la zone euro, un ministre de l’économie et des finances de la zone euro sous le contrôle d’un parlement de la zone euro, est de longue date fortement soutenue par Confrontations Europe, parce qu’elle combine maîtrise de la dette et mutualisation de l’investissement de long terme en Europe. Mais c’est dans toute l’Union européenne qu’il s’agit de susciter une dynamique européenne concertée et d’investir massivement pour permettre à chaque pays, à chaque territoire de monter en compétitivité et tirer son épingle du jeu dans la mondialisation.
Troisième priorité, promouvoir nos intérêts stratégiques européens face aux autres régions du monde et à Google, Apple, Facebook… à travers un contrôle des investissements étrangers dans les secteurs et maillons stratégiques, un Buy European Act, exigeant que 50% des marchés publics auxquels candidatent des entreprises soient réalisés sur le sol européen avec des emplois en Europe. Garantir le respect sur le marché européen par les entreprises étrangères de nos normes devrait aussi être une priorité dotée des moyens nécessaires (coopérations entre autorités de régulation et avec les douanes) pour contrôler et sanctionner le dumping. La lutte contre les arrangements fiscaux entre multinationales et Etats membres est un combat de longue haleine. L’objectif de convergence en matière sociale passe par des réformes du marché du travail, de la formation et de la protection sociale pour dynamiser les mobilités géographiques, professionnelles, sécuriser les parcours professionnels, vers un marché paneuropéen du travail. Une démarche qui ne peut faire fi des cultures nationales et de la complexité des problèmes et devrait conduire à articuler orientations européennes et négociations entre partenaires sociaux nationaux. Mettre un terme aux concurrences déloyales est indispensable mais difficile, on le voit notamment à propos des travailleurs détachés.
Les deux derniers chantiers ont trait au développement durable et au numérique. Ils passeront par une réforme du marché carbone, avec l’objectif d’un prix plancher du carbone (il faudra convaincre nos partenaires européens !) et des mécanismes de stabilisation des prix pour une agriculture plus durable. Ils passeront aussi par le financement européen en capital-risque de nos starts-ups et un cadre de protection des données des Européens et de régulation des plateformes.
L’Europe est la réponse possible aux défis communs à relever. Le chemin de sa refondation nécessite que chacun prenne sa part parce que ce qui se joue c’est notre avenir et plus encore celui des jeunes générations qui construiront et vivront dans l’Europe de demain.
Cet article a été publié en premier sur Toute l’Europe.