Christophe Béguinet, Conseiller Energie de Confrontations Europe et chargé d’enseignement à l’Université de Montpellier, a piloté un travail de recherche sur la capacité des interconnexions électriques à répondre à la demande française. Retrouvez ci-dessous la synthèse de cette étude.
Cette étude, réalisée par Inès Dupuis, Julie Landes, Emilien Marco, Adrien Silvester, sous la direction de Christophe Béguinet et Boris Solier, se penche sur le rôle des interconnexions aux frontières pour répondre aux besoins énergétiques européens de 2030, en étudiant le cas de la France et de l’Allemagne.
Alors que l’Union européenne s’est fixée comme objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050, ses infrastructures dédiées à l’énergie ne sont pas encore prêtes pour un changement stratégique aussi drastique. Depuis plusieurs décennies, l’Europe a développé de nombreux projets autour des énergies renouvelables. Cependant, le caractère intermittent de la production d’énergies renouvelables constitue un risque de manquement de production dans des périodes de besoins importants (pics de consommation…). Des solutions doivent ainsi être imaginées pour pallier cette problématique énergétique.
L’étude se penche sur l’une de ces solutions : les interconnexions permettant les échanges d’électricité entre pays. À l’heure actuelle, nous comptons environ 400 interconnexions au sein de l’UE, qui relient plus de 600 millions de citoyens en Europe. L’étude propose d’intensifier l’utilisation des interconnexions en Europe. Le recours massif à ce système présente de nombreux intérêts sont présentés. Tout d’abord, elles constituent le principal pilier de la création d’un marché de l’énergie européen en permettant les échanges d’électricité entre Etats membres. En outre, ce système d’interconnexions favorise la mutualisation des productions énergétiques et joue un rôle essentiel dans la sécurité d’approvisionnement.
Toutefois, la question du recours à ces interconnexions implique nécessairement la question du mix énergétique des Etats membres. Chaque Etat doit trouver l’équilibre entre le développement des capacités de production d’énergies pilotables, c’est-à-dire, une énergie qui peut être produite en fonction de la demande (cf. l’énergie nucléaire), et le développement des capacités de production d’énergies non-pilotables (cf. l’énergie éolienne et l’énergie solaire).
Développer la capacité de production d’énergies non-pilotables, notamment les énergies renouvelables, présente de nombreux avantages, selon l’étude. Une fois les installations mises en place, le vent et le soleil ne nécessitent pas de coûts additionnels pour produire de l’énergie. De plus, sur le temps long, l’empreinte carbone d’un parc éolien devient inférieure à celle d’une centrale nucléaire, à production annuelle équivalente, s’alignant avec les objectifs du Pacte vert européen. Néanmoins, une production d’énergies non-pilotables ne peut pas faire preuve de flexibilité dans les capacités de production d’électricité ; un caractère pouvant être particulièrement handicapant en cas de pics de consommation. Alors, l’étude estime que la transformation du mix électrique sera un déterminant central de l’évolution du recours aux interconnexions.
Dans le cadre de son analyse comparée, l’étude met en avant la complémentarité des mix énergétiques allemand et français. D’un côté, la France dispose d’un statut d’exportateur net grâce à son parc nucléaire. De l’autre côté, l’Allemagne substitue les énergies renouvelables non-pilotables à un rythme plus élevé. En réalisant des projections à l’horizon 2030, l’étude estime que 30,24% de la production allemande sera pilotable contre 73,87% pour celle française. De plus, la France est un pilier pour les interconnexions sur le marché européen puisqu’elle est fortement connectée par le nombre d’infrastructures la connectant à ses voisins. Dès lors, une voie symbiotique se dessine entre les deux États. L’étude préconise une hausse générale de la part des énergies renouvelables non-pilotables, tout en prenant en compte les différents mix énergétiques de l’Allemagne et de la France et plaçant les interconnexions comme une réponse à leur intermittence. Ce système permettrait d’améliorer leur résilience face à des pénuries d’énergies.
Cependant, l’étude estime que les perspectives de développement des interconnexions sur le marché européen doivent faire face à des contraintes technico-économiques concernant et impactant directement les prix. L’hétérogénéité des mix énergétiques européens développe les différentiels de prix sur le marché commun européen qui sera plus facilement transmis par le développement de ces interconnexions. Lors des pics de production des énergies renouvelables, la rentabilité des lignes d’interconnexions est conditionnée par le différentiel de prix entre les deux pays échangeant de l’énergie et par le volume d’énergie échangée à la frontière. L’équilibre entre ces deux variables constitue l’optimum des projets d’interconnexions.
Suivant les différents arguments qu’elle présente, l’étude fait le constat suivant : au travers de son objectif « Energie-Climat » et de la création d’un marché unique européen, l’Union européenne doit se saisir de l’enjeu multidimensionnel que représente le développement des interconnexions de manière symétrique à l’intégration des énergies renouvelables dans les mix énergétiques des États européens. En outre, le recours massif interconnexions aux frontières peut accroître considérablement la sécurité d’approvisionnement du système électrique à l’échelle européenne, s’appuyant sur la complémentarité des mix énergétiques pour intégrer au mieux les énergies renouvelables. Enfin, le développement de ces interconnexions permettrait, à court terme, de mettre fin à la production de centrales carbonées et, à moyen-terme, de développer la production d’électricité décarbonée. L’objectif est d’augmenter les capacités d’importations des États de l’Union européenne, en atteignant 15% des capacités installées pour chaque pays en 2030. L’étude met en avant le fait que le financement de ces projets d’interconnexions européennes est soutenu par le programme « Connecty Europe Facilities » dont 5,84 milliards d’euros sont réservés aux projets énergétiques pour la période 2021-2027.
L’étude expose ses propres limites, précisant notamment que la comparaison n’est qu’entre deux États européens. De plus, celle-ci s’est réalisée entre des documents allemands et français qui ne traitent pas nécessairement les mêmes types de données et qui, pour certains, étaient encore sujets à modification lors de leur analyse. Enfin, l’étude manque de variables de contrôle sur ses calculs.