Auteur : Patrick Starkman
directeur général de Confrontations Europe
Editorial
Certains ont salué dans le discours d’Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne, les propositions innovantes en faveur d’une Europe équitable, sûre, ouverte et écologique. D’autres ont critiqué l’absence de bilan, la faiblesse de ses ambitions contre le détraquement du climat ou le manque de mesures pour lutter contre les inégalités qui s’accroissent. En votant aux dernières élections, en bien plus grand nombre qu’en 2014, des millions d’Européens ont montré à quel point ils ont conscience de l’incontournable dimension de l’Union européenne et qu’ils souhaitent que leurs représentants agissent pour faire face aux enjeux et menaces critiques pour eux et leurs enfants.
Qu’en est-il de ceux qui n’ont pas voté, souvent parce qu’ils ne savent pas à quoi servent et comment fonctionnent les institutions européennes ? Combien faudra-t-il de « Brexit » ou de « Salvini » avant que l’absolue nécessité d’une réduction de la distance, maintes fois soulignée, entre les institutions européennes et les citoyens soit comprise, que la question de l’enseignement de l’Europe soit prise au sérieux ?
Le constat est pourtant clair. Les citoyens refusent un système distant qui ne leur permet de s’exprimer que tous les cinq ans sur de grands thèmes ou des préférences générales. Aujourd’hui, l’Union européenne doit affronter un obstacle de plus, celui de la crise des démocraties, marquée durement en France par les manifestations des « gilets jaunes », à l’automne 2018. Ne pas considérer les citoyens comme des personnes informées, avisées, soucieuses de leur destin, c’est se tromper d’époque. Les citoyens veulent que l’Europe prenne en compte leurs préoccupations et souhaitent participer aux décisions qui impactent leur vie quotidienne. Les cultures démocratiques et les pratiques diffèrent d’un pays à l’autre, le mécanisme mis en place au niveau européen est un échec. Répondre à l’aspiration participative est nécessaire. Les consultations citoyennes constituent une réponse possible permettant une implication des Européens et les invitant à formaliser un point de vue sur ce qu’ils veulent partager ou bâtir ensemble, mais il convient d’en préciser les conditions, les contours et les limites. Les systèmes politiques européens et les institutions qui les animent sont complexes, les problèmes à traiter multiples et enchevêtrés. Comment penser la place des citoyens sans casser le fondement même de nos démocraties ?
De l’essoufflement du débat d’idées au sein de partis politiques sclérosés ou déconnectés et de l’étranglement des corps intermédiaires ont émergé des forces néo-populistes anti-européennes, dans pratiquement tous les pays de l’Union. Au-delà des déclarations de début de mandat, les institutions européennes devront porter l’espérance des Européens et leur rendre régulièrement des comptes. Il est temps de réanimer les débats politiques sur la base des valeurs et principes constitutifs de l’Union européenne, confronter les idées en matière de relance économique, solidarités inter-régionales, transition énergétique, migrations, défense commune européenne, etc. Confronter les idées pour ne pas tomber dans le piège de ceux qui n’ont comme promesse que celle de tout balayer, y compris les libertés fondamentales pour en finir avec l’État de droit. L’Union européenne s’intéressera à ses citoyens ou s’écroulera.