Par Olivier Marty, Président d’Educ-EU, société de formation et de conseil sur les politiques publiques de l’Union européenne
En adoptant, le 5 juin dernier, à Bercy, le nouveau label « Finance Europe », une dizaine d’États membres de l’Union, emmenés par la France et l’Espagne, ont rendu un service notable à l’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI / SIU). On savait cette dernière relancée par la Commission dans une Stratégie idoine, mais toujours en peine, depuis des années, de réaliser des avancées majeures, qui restent soumises aux divisions techniques et politiques des capitales. Ne boudons pas notre plaisir ici, et voyons comment, à l’instar des récents progrès sur la centralisation des données financières, ce nouveau label peut être vue comme une réalisation concrète très positive.
Un nouveau label favorisant l’investissement en actions et à long terme
Rappelons d’abord de quoi il s’agit. En réponse aux besoins de financements massifs de l’économie européenne, en particulier dans les transitions énergétiques et digitale et dans les infrastructures critiques, Paris et Madrid, suivies par d’autres, n’ont pas voulu créer un nouveau produit financier, mais bien un repère utile fléchant l’épargne vers le financement des entreprises. L’objectif est essentiellement d’offrir une boussole claire et fiable pour le choix de placements de long terme, alors que l’abondante épargne européenne est trop orientée vers des placements sans risque, à capital garanti, et de durée moyenne.
Avec « Finance Europe », les produits alloués à 70% en Europe, principalement en actions, et avec un horizon de long terme (5 ans minimum) seront explicitement labellisés. L’absence de garantie publique en capital et une fiscalité accommodante complètent les critères du nouveau dispositif.
Épargnants, entreprises et institutions financières y trouveront chacun leur compte avec, respectivement, une quête de rendement mieux satisfaite, de nouvelles solutions de financement, et une meilleure visibilité des produits éligibles. De façon plus générale, ce sont les priorités européennes qui seront mieux financées.
« Finance Europe » a quatre véritables avantages
Ce nouveau label est une excellente nouvelle, pour quatre raisons. La première est évidente : il va clairement dans le bon sens. Avec « Finance Europe », les États membres agissant de façon totalement intergouvernementale, en dehors des dispositions européennes classiques, répondent à l’enjeu essentiel qui consiste à réorienter l’épargne européenne vers le long terme et le risque. Une économie forte ne peut de toute évidence pas se satisfaire de voir moins d’un tiers de ses 35.000 milliards d’épargne alloué à longue échéance et 50% de cette manne placée sur des dépôts bancaires ou des produits liquides et garantis !
Ce nouveau label est aussi une façon de légitimer le projet d’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI / SIU) « par le bas », en le rendant accessible et tangible pour les populations, ce qui reste une gageure. De la même façon, il peut alimenter un certain patriotisme en matière financière et économique. Les récentes dynamiques des marchés financiers, qui ont vu les bourses européennes, l’euro, et les actifs souverains européens bénéficier du chaos provoqué par l’administration Trump vont dans ce sens. Comme l’indiquait un participant à Bercy, « L’Europe doit être fière de ce qu’elle est » !
Troisièmement, ce nouvel outil est de nature à émuler les parties prenantes (États, entreprises, épargnants, institutions financières, régulateurs) pour qu’il y ait progressivement plus de demandeurs (toutes catégories confondues), une communautarisation éventuelle de l’outil et une convergence progressive des règlementations encadrant les produits visés. C’est en faisant la preuve de son succès que « Finance Europe » pourra « faire des petits » dans d’autres pays, éventuellement pour d’autres types d’investissements, et que les meilleures pratiques, notamment fiscales, seront bien partagées.
Enfin, l’initiative montre bien, fût-ce de façon accessoire, que « lorsque l’on veut, l’on peut », que la volonté ouvre bien la voie aux solutions. Si l’expression peut paraitre parfois simpliste, elle n’en demeure pas moins valide et utile pour ce qui nous occupe. A défaut de trouver des solutions communautaires, il est possible d’avancer en plus petit nombre, sur ce sujet comme sur d’autres, pour ancrer une dynamique. Par ailleurs, les petites réalisations peuvent aussi en amener de plus grandes. L’extension du champ de compétences de l’ESMA, le régulateur européen, aux crypto monnaies, pourrait peut-être être un levier de sa réforme.
Ne brisons pas l’élan !
« Finance Europe » doit désormais vivre sa petite vie de label technique. Il faudra s’assurer du bon respect, par les acteurs de marché (banques, assurances, sociétés de gestion) du référentiel qui l’encadre et garantir la crédibilité des contrôles des autorités ou agences nationales, qui attesteront de l’intégrité de l’outil. Il faudra aussi analyser ses évolutions, ses points faibles et la façon dont il incite à réduire les autres obstacles concrets placés sur la voie d’une intégration plus forte des marchés. Enfin, les travaux du « Competitiveness Lab », l’outil intelligemment pensé par l’Espagne et à la source du label, devront être suivis. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le sujet essentiel de l’Union de l’Épargne et de l’Investissement (UEI / SIU) demeure celui de la supervision unifiée des marchés. A cet égard, la réforme de la gouvernance de l’ESMA et l’extension progressive de son champ de supervision sont essentielles. Par ailleurs, un label et des fiscalités avantageuses ne peuvent masquer le manque relatif de rendements des actifs européens. Ce problème implique de poursuivre résolument les réformes porteuses de croissance, de l’approfondissement du marché unique au maintien d’une ouverture au commerce international !
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