LA TRANSITION CLIMATIQUE SE FERA AVEC LE NUCLÉAIRE, OU NE SE FERA PAS

Par CHRISTOPHE GRUDLER Député européen

QUELLE PLACE POUR LE NUCLÉAIRE DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

Alors que les annonces en faveur du développement du nucléaire de quatrième génération en Europe se multiplient, Christophe Grudler, député européen (Renew Europe, MoDem) et membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie soulève pour Confrontations Europe les enjeux de la mise en œuvre d’une telle filière en Europe.

L’Europe est à un tournant majeur dans son action climatique, au carrefour entre les objectifs de 2030, les ambitions de 2040 et l’horizon de neutralité carbone en 2050. La guerre en Ukraine, et la crise énergétique qui en a découlé en Europe, auraient pu refréner nos ambitions climatiques. Au contraire, elles n’ont fait que renforcer notre engagement climatique, et notre volonté de sortir des énergies fossiles. 

La transition énergétique revêt dès lors un intérêt stratégique de premier plan. Pour mêler lutte contre le changement climatique et autonomie stratégique, il est essentiel de recourir à toutes les technologies propres, sans discrimination. 

Face à ce double enjeu, l’Union européenne montre un regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire, comme en témoigne le lancement de l’Alliance industrielle européenne pour les petits réacteurs modulaires (SMR) le mois dernier faisant écho au projet de construction du premier projet Nuward sur le site de Marcoule, en France. 

1. Les SMR : marqueur du retour du nucléaire sur le devant de la scène européenne.

Après plusieurs décennies où elle fut délaissée, l’énergie nucléaire redevient une option envisageable et envisagée à travers les petits réacteurs modulaires (SMR), moins puissants mais forts de nombreux atouts, à commencer par la moindre quantité de déchets. 

En décembre dernier, le Parlement européen a adopté à une large majorité le premier texte 100% dédié à l’énergie nucléaire sous cette mandature. Le lancement officiel de l’alliance industrielle pour les SMR le 6 février dernier envoie aussi un signal fort : l’Europe renoue avec l’atome et entend stimuler le développement de nouvelles technologies SMR sur le sol européen. 

Cela ouvre la voie à d’autres mesures de soutien, telles que la création d’une liste de projets importants d’intérêt européen commun, les fameux PIIEC, permettant de déplafonner les aides d’État pour soutenir des projets stratégiques. Cela permettra de diversifier la chaîne de valeur en la rendant aussi européenne que possible, tout en stimulant l’investissement privé en donnant de la visibilité à de nouveaux projets à fort potentiel. 

Nous pouvons constater le succès de l’alliance européenne de l’hydrogène, les PIEEC ont permis la réalisation de plus de 250 projets dans 20 États membres et 50 milliards d’euros d’investissements privés attendus. 

Néanmoins, quelques inquiétudes persistent quant aux conditions d’accès à cette alliance, qui laissent la porte ouverte aux entités tierces leur permettant d’influencer l’écosystème nucléaire européen. Des pays comme la Bulgarie et la Pologne ont déjà préféré recourir à des technologies non européennes pour l’installation de futurs SMR. La course est lancée et l’Europe ne doit pas rester en queue de peloton, à l’image de notre industrie du solaire qui a totalement périclité face au concurrent chinois. 

Mais les signaux sont positifs et les acteurs européens du secteur se mobilisent comme en illustre le récent partenariat conclu entre Naarea et Newcleo. Ces start-ups innovantes promettent la possibilité de construire des mini-réacteurs nucléaires en France, dès 2030.

C’est donc maintenant que nous devons les soutenir, et non pas dans 5 ou 10 ans. 

L’Union européenne exprime aujourd’hui la volonté politique d’inclure le nucléaire dans sa feuille de route climatique, mais les actions concrètes ne vont pas assez loin ni assez vite. 

2. La prochaine étape : ouvrir les financements européens à l’atome 

Pour mener la transition climatique et enclencher un renouveau industriel, nous devons cesser d’être naïfs et mobiliser tous les instruments dont nous disposons. À l’heure actuelle, la plupart des fonds européens discriminent l’atome, même quand celui-ci entre dans leurs champs d’application. 

Un exemple concret avec la Banque européenne d’investissement (BEI). En tant que banque européenne du climat, la BEI contribue à concrétiser les engagements de l’accord de Paris et à accompagner le Pacte vert européen. Officiellement, l’énergie nucléaire est incluse dans les domaines d’investissement éligibles de la BEI, mais depuis 1987, aucun nouveau projet nucléaire n’a été financé sur les 500 milliards d’euros investis. 

Les États européens sont maîtres d’adopter le mix énergétique qu’ils souhaitent, mais l’unanimité est nécessaire quand il s’agit de décider si la BEI peut investir dans le nucléaire. Ce fonctionnement n’est plus viable. Je le rappelle, le double enjeu de neutralité climatique et d’autonomie stratégique doit constamment guider nos politiques. 

Repenser les financements européens afin de soutenir le déploiement des réacteurs à grande échelle et des SMR est, à cet égard, une étape clé pour renforcer notre autonomie stratégique et engager notre transition climatique. 

3. La prochaine mandature sera l’opportunité de mieux intégrer le nucléaire dans les politiques environnementales européennes. 

Cette dynamique autour des SMR est positive. Mais il faut maintenant une traduction concrète dans la politique climatique européenne. 

L’Union européenne ne devrait plus faire reposer sa politique énergétique sur des objectifs exclusivement renouvelables, mais privilégier une approche plus large, axée sur les énergies propres. Aujourd’hui, la France émet deux fois moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne. Mais c’est la France qui est épinglée parce qu’elle n’a pas atteint ses objectifs de renouvelables.

1.SMRvChristophe-Grudler

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