Jean Hornain, Directeur général de Citeo
Les derniers rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous rappellent une nouvelle fois les menaces que fait peser le réchauffement climatique sur l’environnement et l’urgence de mobiliser l’ensemble de la société pour répondre à la crise écologique et sociale que nous vivons. La pandémie et le contexte géopolitique ont également mis en exergue les dépendances de l’UE auprès des pays non européens pour l’approvisionnement en matières premières et la nécessité de rendre notre économie plus résiliente et autonome. Dès lors, la transition vers une économie circulaire est cruciale si l’Union européenne souhaite atteindre ses objectifs climatiques, notamment la neutralité carbone d’ici 2050 en application du Pacte vert européen. Dans cette perspective, le nouveau plan d’action pour une économie circulaire (2020) se donne pour ambition de rendre les produits plus durables, de réduire les déchets, de responsabiliser les consommateurs et de réduire les impacts sur l’environnement et la biodiversité. En ce sens, le déploiement de la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), qui consiste à rendre les entreprises responsables de l’ensemble du cycle de vie des produits qu’elles fabriquent et commercialisent, est un élément essentiel dans la transition.
Depuis 30 ans, Citeo œuvre, dans le cadre de la REP, et avec l’ensemble des parties prenantes pour que production, distribution et consommation nationale et européenne puissent se faire en préservant notre planète, ses ressources, la biodiversité et le climat grâce au modèle d’économie circulaire. Grâce à la REP, la contribution des entreprises finance l’économie circulaire. Depuis 1992, 12 Mds€ ont été versés par les entreprises afin de créer différentes filières de recyclage en France et financer les programmes de réduction et de réemploi des emballages.
La REP, au service de la durabilité des produits
Selon la Commission européenne, jusqu’à 80 % des impacts environnementaux des produits sont déterminés lors de la phase de conception. Cette dernière est donc cruciale pour sortir du « tout jetable » et atteindre la neutralité carbone. Si la directive plastique à usage unique a initié un premier changement en 2019, la priorité reste de favoriser la réduction, le réemploi et le recyclage en créant un cadre légal à la hauteur des enjeux industriels et environnementaux.
L’écoconception, en tant qu’élément-clé de la durabilité des produits et de la réussite de l’économie circulaire, doit être au cœur des stratégies d’entreprise. La mise en œuvre de l’Initiative sur les produits durables de la Commission européenne pourra ainsi aider les industries à intégrer systématiquement les enjeux environnementaux, dès la conception, apporter les conditions techniques pour intégrer du contenu recyclé et réduire les impacts négatifs sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie.
L’écoconception doit également passer par des incitations prix. Par son système de bonus-malus, l’éco-modulation, pour laquelle Citeo a été pionnière en 2011 dans sa mise en œuvre, s’illustre comme étant un des outils pouvant contribuer à cet objectif. Pour être efficace et être déployé à l’échelon européen, ce modèle doit reposer sur des principes communs, tendant à répondre aux enjeux de réduction, de réemploi et de recyclage.
La REP, au service d’un marché secondaire de matières premières européen
Le marché secondaire de matières premières doit être favorisé pour devenir compétitif avec les matières d’origine vierge, réduire les dépendances et renforcer un marché européen résilient et autonome.
Si les taux de recyclage doivent considérablement augmenter pour atteindre les objectifs européens d’ici 2035, la condition sine qua non reste d’améliorer les taux de collecte. Tel est notamment le rôle de Citeo qui accompagne financièrement et techniquement les collectivités territoriales dans l’optimisation et l’harmonisation de l’organisation de la collecte, la modernisation des centres de tri et l’encouragement au déploiement de filières de recyclages spécifiques. Tant l’augmentation des performances de collecte sélective, que la structuration des filières de recyclage, doivent être stimulées.
La compétitivité matière doit également être encouragée par les investissements. La finance est un levier essentiel pour atteindre les objectifs ambitieux de prospérité économique, d’inclusion sociale et de régénération environnementale. Dans cette perspective, le système de classification des activités économiques durables, tel que prévu par la taxonomie européenne, devrait reconnaître la complémentarité entre les activités relevant de l’économie circulaire et les actions en faveur du changement climatique.
Enfin, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE permettra une gestion efficace de l’utilisation des ressources au sein du marché intérieur, tout en contribuant à l’objectif de neutralité carbone. Il sera cependant, nécessaire d’appuyer la complémentarité entre le MACF, la taxonomie européenne et l’initiative sur les produits durables.
La REP, au service de la mobilisation du citoyen et consommateur, des entreprises et des collectivités territoriales
Face aux changements colossaux auxquels nous faisons face, la participation active des citoyens et la confiance qu’ils mettront dans la transition écologique sont déterminantes dans la réussite des politiques et leur acceptation.
Dès lors, les citoyens doivent, d’une part, disposer d’une information claire, transparente, vérifiable et accessible par l’intermédiaire de l’affichage environnemental pour avoir connaissance des impacts environnementaux des produits et être sensibilisés à une consommation plus responsable. D’autre part, les consommateurs devraient être accompagnés vers des pratiques vertueuses. En effet, si le recyclage est un point clé d’amélioration, les enjeux de réduction et de réemploi doivent tout autant, être pris en compte et valorisés. Avec le déploiement du plan d’action pour une économie circulaire, l’UE peut fixer le cadre permettant de renforcer le rôle du consommateur et des acheteurs publics à travers l’Initiative Produits Durables et la révision des règles en matière d’allégations environnementales afin d’éviter toute pratique de « greenwashing ».
Pour un déploiement de la REP à l’international
La REP a permis d’améliorer considérablement le recyclage des déchets en Europe. Le projet de traité international de lutte contre la pollution plastique, en cours de négociation et qui doit être finalisé pour 2024, pourrait intégrer le principe de la REP afin de promouvoir une économie circulaire englobant l’ensemble du cycle de vie des produits plastiques. La France, tout comme l’Union européenne, en tant que précurseurs des politiques publiques en lien avec l’économie circulaire, doivent être à l’avant-garde d’une réponse internationale face à cet enjeu du XXIe siècle.