La pollution plastique : s’attaquer à la source

par Bénédicte Garbil, Senior Vice-Présidente Affaires Institutionnelles et Développement Durable, Carbios

L’eau, bien commun essentiel, est au centre des préoccupations dans cette ère de transition environnementale. Préserver la ressource aquatique c’est mettre en œuvre une gestion durable qui repose bien entendu sur une utilisation plus rationnelle mais également la préservation de sa qualité. Nous avons tous hélas en tête ces images de déchets plastiques flottant dans les océans ou coincés sur les berges des cours d’eau. Nous en connaissons les conséquences néfastes sur la biodiversité, la qualité des eaux et nous commençons à découvrir les impacts sur la santé.

C’est non seulement un enjeu environnemental mais également économique : un rapport de 2021 de l’Organisation des Nations Unies évaluait entre 6 et 19 milliards de dollars l’impact de la pollution marine liées aux déchets plastiques.

Alors que l’Europe s’engage dans une démarche de gestion durable de l’eau, il faut repenser nos pratiques, nos politiques ainsi que nos technologies car face à l’enjeu, il est urgent de s’appuyer sur tous les leviers dont nous disposons.

S’attaquer à la pollution plastique terrestre pour résoudre la pollution des eaux

On estime aujourd’hui que les pastiques représentent 85% des déchets marins, soit 75 à 199 millions de tonnes. Loin d’être épargnés, les cours d’eau sont les premiers touchés et sont à l’origine de 80% de la pollution marine.

Même si cela peut paraître évident, rappelons que 80% des déchets marins proviennent des activités à terre.

Ajoutons à cela que la récupération des déchets dans les milieux aquatiques est aujourd’hui techniquement compliquée et coûteuses.

Dès lors, il est facile de comprendre que résoudre le problème de la pollution des eaux requiert d’agir à la source du problème : prévenir la production de déchets plastiques et améliorer la gestion de leur fin de vie.

La première action à mettre en œuvre est de réduire la production de déchets plastiques en réduisant l’utilisation du plastique. L’Europe s’est engagée dans cette voie depuis plusieurs années déjà avec le Green Deal qui s’est traduit par l’adoption de la Directive « Single Use Plastic » en 2019 et devrait être prochainement renforcé par la « Packaging and packaging waste regulation » (PPWR).

Mais cela ne suffira malheureusement pas : selon l’OCDE, environ 460 millions de tonnes de plastiques sont produits chaque année et malgré les efforts engagés, cette production devrait atteindre 1200 millions de tonnes en 2060. Moins de 10% des déchets plastiques sont actuellement recyclés. Le reste finit pour moitié en décharge et, pire, près d’un quart n’est pas pris en charge dans un système de collecte. En 2060, malgré les efforts engagés, cela sera un milliard de tonnes de déchets plastiques qu’il faudra gérer.

Après la prise de conscience, c’est l’heure des solutions

Complémentaire à la réduction, le recyclage des plastiques est un puissant levier qui n’a pas encore montré pleinement son potentiel. En effet, des innovations technologiques européennes ouvrent de nouvelles solutions pour accroître les possibilités du recyclage. C’est le cas de la technologie de biorecyclage enzymatique développée par la société française CARBIOS. Cette technologie valorise les déchets PET (parmi les plastiques les plus répandus au monde), qu’ils soient sous forme de plastiques ou de fibre textile (polyester) en les réintégrant dans le cycle de production comme ressources primaires. Elle permet de recycler des emballages qui ne le sont actuellement pas par les technologies existantes (bouteilles colorées ou opaques, barquettes alimentaires) avec un haut niveau de qualité permettant de refabriquer des produits en PET recyclé aptes au contact alimentaire et de qualité identique à ceux d’origine pétrolière.

Cette technologie ouvre également la voie au recyclage fibre-à-fibre des textiles en polyester pour lesquels il n’existe aucune solution pour gérer leur fin de vie si ce n’est l’incinération ou la décharge. Aujourd’hui, moins de 1% des textiles sont recyclés ; les marges de progrès qu’ouvrent cette circularité du polyester sont donc énormes.

Nos déchets permettent de réduire notre dépendance aux hydrocarbures

La technologie de biorecyclage que nous développons ouvre donc de nouvelles perspectives pour traiter le problème de la pollution plastique des océans et des cours d’eau à leur source. Elle ouvre également de nouvelles possibilités pour réduire le recours aux hydrocarbures et la dépendance européenne. 99% des plastiques sont aujourd’hui fabriqués à partir de pétrole. Nos déchets vont devenir la matière première qui va remplacer ce pétrole. En parvenant à revenir aux composants de base du PET, le biorecyclage permet de ne plus avoir recours au pétrole pour fabriquer des emballages et des textiles. En outre, des analyses récentes du cycle de vie1 montrent une réduction de 57 % des émissions de CO2 par rapport à la production de plastique vierge2, et pour chaque tonne de PET recyclé produite, 1,3 tonne de pétrole est ainsi évitée.

La réglementation européenne, levier d’accélération de la transition environnementale

La réglementation joue un rôle pivot dans l’accélération du recyclage et l’utilisation de matériaux recyclés au sein de l’Union Européenne. La directive SUP établit un cadre réglementaire visant à réduire l’impact des plastiques à usage unique sur l’environnement. Un élément clé de cette directive est l’obligation d’incorporer 25 % de contenu recyclé dans les bouteilles en plastique d’ici 2025, 30 % en 2030, une cible ambitieuse qui reflète l’engagement européen envers la réduction de la pollution plastique et la promotion du recyclage. Le contexte européen, avec ses réglementations favorisant l’incorporation de matériaux recyclés dans les emballages, offre un terrain fertile pour une telle innovation technologique et ce d’autant que son adoption généralisée est essentielle pour atteindre voire dépasser les objectifs fixés.

Le biorecyclage n’est plus seulement une innovation, c’est une réalité industrielle qui s’incarne dans la construction en France à la frontière avec la Belgique et le Luxembourg, d’une première usine capable de traiter l’équivalent de 2 milliards de bouteilles ou 300 millions de t-shirts. Cette première usine CARBIOS ouvrira en 2025. Grâce au passage à l’échelle industrielle d’innovations développées sur son territoire, l’Europe a maintenant les moyens d’atteindre les objectifs de transition environnementale qu’elle s’est fixés.

Les efforts de CARBIOS et d’autres acteurs du secteur pour faire évoluer la législation européenne, afin qu’elle prenne en compte ces technologies innovantes de dépolymérisation dans le calcul du contenu recyclé, témoignent de l’importance de la collaboration entre l’innovation technologique et le cadre réglementaire pour atteindre les objectifs environnementaux de l’Europe. Cette synergie est cruciale pour assurer que la transition vers des pratiques plus durables soit à la fois viable et bénéfique pour l’environnement, l’économie et la société européenne dans son ensemble.

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Plastic pollution attacking the source

By Bénédicte Garbil, Senior Vice-President of Institutional Affairs and Sustainable Development, CARBIOS 

Water, an essential common good, is a key concern in this era of environmental transition. Protecting water resources means implementing sustainable development based not only on a more rational use of water but also on preserving its quality. Alas, we all have images in our mind of plastic waste floating in the oceans and clogging up river banks. We know the harmful consequences of this for biodiversity and for the quality of water and are now beginning to discover the impact on health. 

This is not only an environmental but also an economic issue: a 2021 report by the United Nations evaluated the impact of marine pollution linked to plastic waste at between $6and$19million. 

Now that Europe is committing to a more sustainable approach to water management, we need to reconsider our practices, our policies and our technologies; given the urgency of the situation, we need to harness all the tools at our disposal. 

Combating plastic pollution on land to resolve water pollution 

Plastic is now estimated to represent 85% of marine waste, i.e. 75to 199million tonnes. Waterways, far from being spared, are affected first and are at the origin of 80% of marine pollution. 

Although it may seem obvious, it is worth reiterating that 80% of marine waste comes from land-based activities. 

Add to this the fact that recovering waste from aquatic environments remains technically complex and costly.

Clearly, therefore, solving the problem of water pollution means addressing the source of the problem: preventing the production of plastic waste and improving its end-of-life management. 

The first action we need to take is to reduce the production of plastic waste by reducing the use of plastic. Europe has been committed to this goal for several years now with the Green Deal, which led in 2019 to the adoption of the Single Use Plastic Directive and is soon set to be reinforced by the Packaging and Packaging Waste Regulation (PPWR). 

Unfortunately, however, this will not be enough: according to the OECD, around 460million tonnes of plastics are produced each year, despite efforts made, and this figure is set to rise to 1,200tonnes by 2060. Less than 10% of plastic waste is currently recycled. Half of the rest ends up in landfills and, what is worse, almost a quarter is not disposed of via a waste collection system at all. In 2060, despite efforts made, a billion tonnes of plastic waste will have to be managed. 

After raising awareness, now is the time for solutions 

In addition to reducing the use of plastic, recycling is a powerful lever that has not yet demonstrated its full potential. European technological innovations are opening the way for new solutions for increasing the possibilities for recycling. One such innovation is enzymatic biorecycling technology, developed by the French company CARBIOS. This technology recovers polyethylene terephthalate (PET) waste (one of the most widespread plastics in the world), either in the form of plastics or textiles (polyester) and reinjects it into the production cycle as a primary resource. This makes it possible to recycle packaging not currently recycled using existing technologies (coloured or opaque bottles and food containers) to a high quality, which can then be used to manufacture recycled PET products suitable for food contact and of the same quality as the original petroleum-based products. 

This technology also opens the way for the fibre-to-fibre recycling of polyester textiles, for which no end-of-life solution currently exists apart from incineration or landfill. Today, less than 1% of textiles are recycled; the margins of progress offered by this polyester circularity are therefore huge.

Waste will enable us to reduce our dependence on oil 

The biorecycling technology that we are developing therefore opens the way for new solutions to deal with the problem of plastic pollution in our oceans and waterways at the source. It also offers new possibilities for reducing our use of oil and European dependence. 99% of plastics are currently produced from petrol. In the future, our waste will replace this petrol as the raw material. By breaking PET down into its basic components, biorecycling means no longer relying on petrol to manufacture packaging and textiles. In addition, recent life cycle analyses1 have shown a 57% reduction in CO2 emissions compared with the production of virgin plastic2 and 1.3 tonnes of petrol avoided for each tonne of recycled PET produced. 

European regulations, an accelerating force for the environmental transition 

Regulations play a key role in accelerating recycling and the use of recycled materials within the European Union. The SUP Directive established a regulatory framework aiming to reduce the impact of single-use plastics on the environment. A key aspect of this directive is the obligation for plastic bottles to contain 25% recycled plastic by 2025 and 30% by 2030, an ambitious target that reflects the European commitment to reduce plastic pollution and promote recycling. Thanks to its regulations encouraging the incorporation of recycled materials into packaging, Europe offers fertile ground for this type of technological innovation, particularly as its widespread adoption is essential if we are to achieve and possibly even surpass the goals set. 

Biorecycling is not only an innovation but an industrial reality embodied in the construction in France, on the border with Belgium and Luxembourg, of a first plant capable of processing the equivalent of 2billion bottles or 300million t-shirts. This first CARBIOS plant is set to open in 2025. By scaling up on an industrial scale innovations developed within its borders, Europe now has the means of achieving the environmental transition goals it has set itself. 

Efforts by CARBIOS and other players in the sector to change European legislation to take these innovative depolymerisation technologies into account in the calculation of recycled content demonstrate the importance of collaboration between technological innovation and the regulatory framework in order to achieve Europe’s environmental goals. This synergy is crucial for ensuring that the transition to more sustainable practices is both viable and beneficial for the environment, the economy and European society as a whole.

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