Hervé Jouanjean
Vice-président de Confrontations Europe
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La crise grecque a donné une nouvelle impulsion au débat sur la démocratie en Europe, les institutions étant accusées d’avoir agi sans considération pour le peuple, en l’occurrence le peuple grec. Il faut garder à l’esprit que l’Europe reste une construction juridique voulue par les États qui lui ont cédé des éléments de souveraineté pour l’exercer en commun. Elle n’est pas un État mais dispose aujourd’hui d’institutions organisées sur le modèle d’un État avec notamment un Parlement élu. Le pouvoir législatif appartient au couple Parlement européen/Conseil des ministres au sein duquel les États restent très influents.
La Cour de Karlsruhe, en son temps, a rappelé que les liens ainsi établis entre États étaient ceux d’un Traité, non d’une Constitution. C’est bien là que le bât blesse aujourd’hui. Étape après étape, la construction européenne s’est enrichie car telle était la volonté des États et de leurs Parlements ou de leurs peuples qui ont ratifié les nouveaux traités. Mais dans la vie quotidienne, comme au niveau des États, la mise en œuvre revient certes aux institutions mais aussi à leurs technostructures, dont l’Eurogroupe qui regroupe les ministres des Finances de la zone euro, eux-mêmes membres de gouvernements issus d’un processus électoral. On a bien vu combien ceux-ci avaient à l’es- prit les intérêts de leurs électeurs. Les citoyens ont cependant le sentiment d’être exclus de ce processus complexe alors que les instruments de contrôle et d’information sont là. De manière générale d’ailleurs, comment pourrait-on dire que la construction européenne est anti-démocratique alors qu’historiquement, aucun processus d’intégration, à commencer par la construction de nos propres États, n’a jamais fait l’objet d’autant de consultations des peuples ?
La convocation d’un référendum par Alexis Tsipras n’a pas constitué, en soi, une avancée pour la démocratie en Europe. Ceux qui ont vu à la télévision les danseurs de la place Syntagma au soir du vote ne pouvaient s’empêcher de considérer cet exercice de « démocratie » avec effroi en pensant au réveil du lendemain.
Beaucoup rêvent d’une « révolution démocratique » en Europe. Mais quelle substance mettre derrière cette belle ambition ? Fondamentalement il s’agit d’une question d’« appropriation ». Les hommes politiques nationaux favorables à l’Europe ont une responsabilité majeure. Ils doivent s’engager, non seulement pour dire qu’elle est une espérance et une nécessité mais ils doivent se battre pour cela, dans le respect de leurs engagements politiques. Ils doivent assumer les décisions prises à Bruxelles dans le cadre d’une souveraineté partagée. On ne peut pas sans cesse remettre en cause les fondements de l’Europe parce qu’une décision prise à Bruxelles par les États, conformément aux règles de vote, déplaît à l’un ou l’autre. Ceux qui pratiquent les institutions savent bien qu’un intérêt essentiel est toujours pris en compte, même si le compromis de Luxembourg est tombé en désuétude.
Les États doivent être tous également solides économiquement afin que les citoyens se sentent à leur place au sein de l’Union, chacun à sa manière. Cela passe par une gouvernance économique rigoureuse et une solidarité efficace. Le « Plan Juncker » offre une voie pragmatique. Les politiques doivent reprendre le pouvoir sur les technocrates. Ils doivent assumer les choix européens vis-à-vis de leurs électeurs. La mise en œuvre du droit européen est une priorité. À côté de l’intérêt national, il y a un intérêt européen qui, dans certains cas, peut être supérieur à l’intérêt national. Il faut le faire valoir avec fierté auprès des citoyens et accepter une souveraineté maîtrisée au sein d’un cadre construit largement autour de valeurs communes.
Les parlementaires européens doivent pouvoir être plus directement en prise avec leurs électeurs et être plus et mieux associés à la vie politique nationale pour éclairer les enjeux sous l’angle européen, notamment quand des législations importantes sont établies au niveau européen. Ils devraient être associés aux travaux du Parlement national lorsqu’il s’agit de transposer les textes européens en droit national.
Les membres de la Commission, enfin, doivent participer régulièrement aux débats sur les questions européennes dans les Parlements nationaux.
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