Par Michel Kaluszynski,
Cofondateur et Directeur Stratégie de la société KOB (Kind Of Blue)
et Étienne Morin,
Associé Relations institutionnelles de la société KOB
Problématique des ressources rares : sable, eau… et abondantes : les déchets…
D’ici à 2050, le monde consommera comme s’il existait trois terres. La consommation mondiale de matières dont les minéraux comme le sable naturel devrait doubler au cours des quarante prochaines années, tandis que la production annuelle de déchets devrait augmenter de 70 % d’ici à 20501.
Par ailleurs une ressource vitale comme l’eau, qui est la pierre angulaire de notre hygiène et de notre alimentation via l’agriculture, utilise dans ses systèmes de captation et de distribution une autre ressource essentielle : le sable, massivement utilisé par ailleurs dans le BTP. Des « techniques » de purification ont été développées selon les besoins d’usage moderne associé à la santé publique, la filtration primaire avec du sable étant généralement le premier maillon de la chaîne.
Cet usage du sable comme média entraîne des bouleversements. Le sable en effet, au travers de son exploitation et son « marché », a des impacts environnementaux importants et des effets sur les équilibres naturels, souvent irréversibles. Ceci est sans compter les déséquilibres entre pays producteurs « pauvres » en relation avec des pays consommateurs « riches » pour un développement fréquent de constructions urbaines, globalement très impactant par ailleurs sur l’environnement, et le changement climatique. Le développement du monde occidental et urbain a mis en place des usages, sans prendre en compte les externalités négatives de ces usages, à des époques ou la ressource était considérée comme naturellement infinie. Au gré des demandes d’usages, l’utilisation du sable pour la filtration des eaux a entraîné, dans des configurations spécifiques très répandues dans le monde développé, une utilisation majoritairement non optimale de la ressource eau.
Tentative d’une approche nouvelle l’économie circulaire
Dans son nouveau plan d’action pour une économie circulaire « Pour une Europe plus propre et plus compétitive », élaboré en 2020, l’Union européenne a tenté de donner les lignes directrices d’un plan d‘action. Un des axes d’action majeurs consiste à soutenir un modèle de développement économique plus durable, plus coopératif, plus local aussi : l’économie circulaire. Le plan d’action de l’UE vise à mettre l’économie circulaire au service des citoyens, des régions et des villes et à garantir qu’elle contribue à la neutralité climatique et qu’elle exploite le potentiel de la recherche, de l’innovation et de la numérisation. Le plan prévoit le développement d’un cadre de suivi solide qui contribue à la mesure du bien- être, au-delà du seul PIB. S’appuyant sur le marché unique et sur le potentiel des nouvelles technologies, l’économie circulaire peut aussi renforcer l’industrie de l’UE et stimuler la création d’entreprises et l’entrepreneuriat parmi les petites et moyennes entreprises (PME) avec des modèles innovants fondés sur une relation plus étroite avec la clientèle, la personnalisation de masse, l’économie du partage et l’économie collaborative.
En France pour le verre un déploiement encourageant et de la non-optimisation
En moyenne, les Français jettent 22 kg/an/habitant de verre avec leurs ordures ménagères. C’est dans les zones d’habitats verticaux et denses que sont retrouvés les quantités les plus importantes de verre non-triés2. Ce sont donc, chaque année, plus de 1 000 000 de tonnes de verre qui échappent au tri. Ces contenants en verre seront incinérés, source importante de CO2, ou mis en décharge où ils resteront alors enfouis des milliers d’années. Ces deux solutions coûteront aux collectivités près de 250 millions d’euros par an3.
Constater et accepter que plus 1 million de tonnes de verre ne soient pas triés, c’est accepter de déverser 1,5 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère et de gaspiller 3 millions de m3 d’Eau.
L’eau un besoin mondial et des pratiques d’usage et de filtration à améliorer
L’eau devient une ressource parfois rare, chère et objet de conflits. Nous devons donc observer les méthodes employées, et les moyens mis en œuvre dans son utilisation. Certaines méthodes, apparemment plus vertueuses, seraient en particulier les méthodes d’irrigation de précision (économie d’eau de 30 à 70%). Tout comme pour les « piscines », les systèmes de filtration des eaux pompées pour l’irrigation nécessitent des « rétro lavages », des filtres pour désagréger les amalgames de saletés et donc l’utilisation d’une eau filtrée pour nettoyer. Ce phénomène est d’ailleurs présent dans tous nos usages domestiques de l’eau. La raréfaction donc le coût à terme devrait conduire vite à des changements de comportements et de pratique, préoccupation de l’UE parmi d’autres4.
L’entretien des filtres à sable constitue une consommation inutile si l’on se penche sur le phénomène physique (la filtration de l’eau dans du sable en vrac entraîne la création d’une « galette » qui doit être ensuite morcelée) et le « rétro lavage » nécessaire entraîne une consommation d’eau et d’électricité pour l’envoi sous pression de l’eau de lavage, dans une conjoncture où l’eau et le sable sont des ressources sensibles.
De plus, pour des usagers professionnels (agriculteurs ou industriels), ces ressources font parties intégrantes de leur charges d’exploitation même si, pour le particulier, ces « surconsommations d’eau de lavage et d’électricité « sont « noyées » dans les factures globales de la maison. Quant à l’usage du sable il n’est pas pris en compte de manière macroéconomique.
En effet, le filtre à sable en vrac « ancestral », agissant de manière naturelle s’est vu utilisé avec le développement de la distribution de l’eau pour divers usages, de la piscine au traitement des eaux usées. La mise en œuvre de processus de filtration plus sophistiqués, dits de microfiltration ou d’ultrafiltration selon la taille des particules retenues (voir schéma de principe ci-dessous), en termes de contrôle de la qualité de l’eau filtrée pour la consommation et pour un usage sans risques liés aux contaminations inhérentes aux eaux usées, s’est développée au niveau international (via les grands groupes spécialisés) et pour un accès généralisé.
La France a d’ailleurs dans ces domaines des groupes industriels de taille mondiale très reconnus, structurés naturellement aux usages, tant du côté des « déchets » que de celui des « eaux », à la fois pour la distribution vers les consommateurs que pour le traitement des effluents pollués, les « eaux usées ». Cependant, ces évolutions techniques bénéfiques, ont laissé de côté la possible optimisation du fonctionnement du « premier étage de filtration », le plus « rustique » et « primaire », fait de sable naturel en vrac. Les « filtres » de premier niveau sont utilisés par exemple dans le monde des loisirs des particuliers, la piscine. La France est « vice-championne du monde, après les Etats-Unis, avec 3,5 millions installées dont 2,5 enterrées, consommant pour la plupart via le système de filtration du sable, de l’eau et de l’électricité.
Avec une charge moyenne de 200 kg par filtre, ces installations stockent de l’ordre de 500 000 tonnes de sable, et consomment pour le « rétro lavage » plus de 12 millions de m3 d’eau par an. Il y a donc matière à « optimisation ». Nous retrouvons ces configurations peu optimisées dans le monde du tourisme ou du loisir collectif avec les piscines municipales ou de camping, la balnéothérapie et les spa. Il en est de même pour les usages planétaires de filtres destinés à la production de notre alimentation via l’agriculture, l’élevage et la transformation agro-industrielle.
Genèse de KOB : d’un garage à une usine, du constat au SANDBAG®
Nous avons démarré du constat de la non-optimisation des processus de collecte du verre et donc la présence de « gisements » de déchets pouvant devenir une « ressource ». En effet les politiques de récupération sélectives ont eu des effets positifs et majeurs … en partant de zéro, mais pour certains pays et certains type de déchets le tri plafonne. En 2017, les données d’analyse donnent pour le verre d’emballage (flacons, bouteilles, pots..) le chiffre de 75 % seulement des déchets d’emballage triés correctement. Le même constat est fait dans d’autres pays européens aussi bien structurés et volontaristes en récupération sélective (voir le Modecom de l’ADEME de 2017, celui de 2024 n’étant pas encore disponible).
Notre « intuition », née de l’observation du comportement des fluides au sein d’un filtre et du phénomène de création de la « galette de saletés » en haut du filtre qui implique le « rétro lavage », ainsi que des essais « artisanaux » sur le broyage et la ségrégation de la taille des « grains » nous a fait considérer une solution technique innovante, permettant le déplacement des particules du haut vers le bas sans créer ce bouchon à l’origine d’une dépense en eau et électricité en rétro lavage.
Il s’agit d’une solution industrielle légère « low tech » adaptable aux filtres existants, facile à mettre en place et à « nettoyer » pour maintenance, garantissant plusieurs impacts « vertueux ».
Le remplacement du sable par un déchet recyclé, diminuant drastiquement l’usage de l’eau pour nettoyer et donc la consommation d’électricité pour soutenir les cycles de nettoyage. Pour cela nous avons inventé, après trois ans de Recherche et Développement, d’essais variés sur la taille des grains et les modes d’ensachage, un produit adapté et un « kit » avec des tailles diverses de grains le SANDBAG® et sa déclinaison Rouge Vert Bleu ainsi que selon la taille des filtres (de 50 kg à plus de 400 kg de sable en vrac, la taille supérieure étant la norme en application industrielle et agricole pour des « batteries » de 5 ,10 voire plus de filtres).
Le chaînon manquant : du verre à l’eau
Nous avons conçu, développé, fait fabriquer, intégré et mis en opération à Toulouse l’unité industrielle qui met en œuvre le processus de transformation de déchets de verre d’emballage, et produit les SANDBAG® un média de filtration hydro-économe.
Cette invention représentative de l’économie circulaire identifie une nouvelle filière économique à portée mondiale : l’unité industrielle KOB de valorisation du verre perdu en solution innovante hydro-économe de filtration des eaux : le chaînon manquant permettant d’aller du verre (déchet valorisé) à l’eau (via un média filtrant innovant et efficace apportant une équation très positive par son impact sur le sable, l’eau, l’électricité pour tous les processus de filtration primaires).
- Rapport UE Green Deal 2020. ↩︎
- ADEME : MODECOM, 2019. ↩︎
- ADEME : Référentiel national des coûts du service public de gestion des déchets, édition 2017. ↩︎
- Article intitulé : « L’exploitation de l’eau en Europe: des enjeux quantitatifs et qualitatifs ». ↩︎