GRÈCE : À la recherche de successeurs sensibles au climat à la direction de l’UE

Par le Dr George Dikaios et le Dr Othon Kaminiaris, Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère

En période électorale, de nombreuses déclarations sont faites. Par exemple, Ursula von der Leyen, Présidente sortante de la Commis sion européenne et candidate à un second mandat, a déclaré mi-février 2024, selon Politico (21 février 2024), que son principal objectif pour le second mandat est de rendre l’Union européenne plus « compétitive », affaiblissant son  profil climatique. Mais qu’implique cette déclaration pour la politique verte de l’UE? Cela va t-il modifier la direction actuelle de la  Commission, caractérisée par le Pacte vert pour  l’Europe (PVE)? 

L’UE s’est établie comme un leader mondial dans la lutte contre le changement climatique, en premier lieu, en proposant et en mettant en œuvre des actions climatiques audacieuses, surtout par rapport à d’autres pays ou régions du monde. Durant le mandat actuel (2019-2024), la Commission européenne a considérablement avancé l’agenda climatique. En décembre 2019,  le PVE a été présenté comme la nouvelle stratégie de croissance de l’UE, visant à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone  d’ici à 2050. Le PVE offre un plan complet pour intégrer des stratégies vertes dans la plupart  des politiques européennes. Pour s’assurer que  le PVE porte ses fruits, la loi européenne sur le climat a été adoptée en juin 2021, rendant l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 juridiquement contraignant. De plus, la loi a fixé un objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici  à 2030 par rapport à 1990. Le paquet « Fit for 55 » a été lancé pour mettre en œuvre l’objectif  susmentionné en révisant à la hausse la législation et les mesures déjà existantes en matière  de climat et énergie, et en introduisant de  nouvelles mesures concernant un large éventail  de différents secteurs. 

Ces efforts ont rencontré et ont dû rivaliser avec le grave déséquilibre créé par la pandémie de Covid-19, depuis le début de 2020, dans la vie quotidienne. Cette crise sans précédent pour les années récentes coïncidait avec le PVE et  aurait pu le faire dérailler. Cependant, l’UE y a répondu en introduisant un schéma de relance verte et en affectant d’importantes sommes  d’argent. Elle a introduit, dans son cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 et dans son  paquet ad hoc pour la relance postpandémique, « Next Generation EU », des objectifs de dépenses climatiques robustes de 30 % et 37 %  respectivement. Ainsi, elle a activement démontré son adhésion à son ambition climatique. Est-ce suffisant pour que l’UE soit un leader et un pionnier dans l’atténuation de ses émissions  de gaz à effet de serre (GES)? 

Selon le Programme des Nations unies pour  l’environnement, les émissions mondiales devraient diminuer de 7,6 % annuellement de 2020 à 2030 pour atteindre l’objectif de 1,5 ℃. Pour  l’UE, cela se traduit par une réduction de 65 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Ainsi, la barre  n’est pas fixée assez haut pour commencer. De plus, les mesures existantes de l’UE sont loin  d’atteindre l’objectif de -55 %, comme le souligne  le Conseil consultatif européen sur le changement climatique. En effet, selon les dernières  données disponibles de l’Agence européenne pour l’environnement, en 2021, l’UE avait réduit ses émissions de 30,4 % par rapport à 1990. Cela signifie que les émissions doivent être réduites  d’environ 20 % en moins de neuf ans, alors que la réduction déjà observée d’environ 30 % a été  réalisée en trente et un ans. Cela révèle le défi : l’UE doit renforcer ses efforts pour atteindre son objectif de -55 % et les intensifier encore plus pour atteindre des réductions de 90-95 % d’ici à 2040 pour atteindre l’objectif de 1,5 ℃, comme le souligne à nouveau le Conseil. 

En même temps, en plus de ses objectifs  internes, qui, malgré les lacunes, sont parmi les plus ambitieux au niveau mondial, l’UE doit re lever un autre défi : elle doit préserver une diplomatie climatique intense pour persuader d’autres acteurs de s’engager et de mettre en œuvre des politiques climatiques tout aussi ambitieuses. L’UE-27 est le quatrième émetteur  mondial, comptant pour environ 7 % des émis sions mondiales, tandis que les trois premiers  émetteurs sont des États « individuels ». Plus précisément, la Chine, les États-Unis et l’Inde comptent pour environ 30 %, 11 % et 7 % des émissions mondiales, respectivement, tandis que d’autres États comme la Russie, le Japon et le Brésil viennent plus bas dans la liste des dix premiers, avec environ 5 %, 2,4 % et 2,2 % chacun.  

Ainsi, avec la tendance à la baisse des émissions de l’UE, il est dans son intérêt que d’autres acteurs s’engagent également à des réductions substantielles des émissions. Sinon, le reste du monde continuera d’émettre et de mener ses activités comme d’habitude, tandis que l’UE essaie d’utiliser de moins en moins d’énergie; donc des défis pour la compétitivité de l’UE surgiront. À l’heure actuelle, le poids géopolitique et géo-économique de l’UE reste au sommet du monde, mais avec une tendance à la baisse prétendue. Il pourrait falloir des décennies pour que l’UE devienne obsolète.

Néanmoins, on devrait se demander : les politiques et objectifs plus verts sont-ils compatibles avec une présence internationale forte et une prospérité interne robuste? 

Cette équation complexe devient encore plus compliquée compte tenu de la guerre en Ukraine depuis début 2022 et de la guerre à Gaza depuis mi-2023. Dans le cas des objectifs plus verts, les externalités créent des besoins qui luttent contre les objectifs climatiques. Un exemple de cette situation concerne les subventions aux combustibles fossiles que la Commission européenne a augmentées ces dernières années alors que la sécurité énergétique devient plus précaire. De plus, les externalités ont également un impact sur les fronts internes dans un monde où presque tout est interconnecté. Par exemple, la réforme verte de la Politique agricole commune, qui a commencé quelques mois avant les élections européennes de 2024, a entraîné une opposition excessive, conduisant les décideurs politiques à se rétracter. 

Actuellement, l’UE a réussi dans une certaine mesure à découpler sa croissance économique et sa compétitivité de la consommation intense de ressources et des émissions élevées de GES. Le PVE vise à perfectionner ce découplage. La nouvelle direction européenne (2024-2029) sera chargée de la tâche de l’implémenter encore plus strictement. Cette situation deviendra encore plus byzantine en raison de la montée prévisible des populistes, ainsi que des membres du Parlement européen qui n’ont pas le changement climatique comme priorité. Dans ce cadre, le nouveau Président de la Commission européenne devra faire des choix courageux vers la croyance bien ancrée que l’UE est, et doit continuer d’être un leader climatique. Sinon, des décennies d’efforts resteront lettre morte. 

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