Confrontations Europe
Annoncée comme un chantier majeur du quinquennat, la réforme du système professionnel est sur les rails. Les partenaires sociaux remettront au gouvernement le résultat de la négociation interprofessionnelle le 18 février prochain. Retour sur notre réunion du groupe de travail « Mutations industrielles et investissement humain » du 8 novembre dernier autour, notamment, de Pierre Ferracci, président du groupe Alpha.
Régulièrement décrié, le système français de formation professionnelle n’en finit plus d’être réformé. Il est jugé inefficace, incapable d’assurer que les actifs possèdent les compétences leur permettant d’avoir accès à des emplois de qualité, gage pourtant indispensable de compétitivité pour les entreprises et pour les territoires. Malgré quatre réformes en 15 ans, la formation professionnelle souffre toujours des mêmes maux : trop grande complexité, manque de qualité et de structuration de l’offre de formation, inadaptation des formations aux besoins des entreprises, mauvais ciblage. Cette nouvelle réforme devra s’attaquer à ces faiblesses, sous peine de ne pas être – une fois encore – à la hauteur des enjeux, pourtant immenses.
40 % des employeurs européens rencontrent des difficultés à recruter des profils répondant à leurs besoins, selon la Commission européenne(1). En France, l’absence quasi-totale de liens entre les branches professionnelles et le système éducatif (Éducation nationale et universités en tête) est préoccupante. Rapprocher ces deux univers qui s’ignorent très largement et responsabiliser les entreprises quant à la formation de leurs salariés est souhaitable. Permettre au monde économique de participer à la définition des corpus de formation doit permettre une meilleure adéquation entre offre et demande de compétences. La question de la qualité et de la structuration de l’offre de formation doit également être traitée et il faut se féliciter du projet de création d’une certification des organismes de formation destinée à garantir la capacité du prestataire de formation à dispenser une formation de qualité.
Prise en compte des besoins des entreprises
En outre, un système de formation professionnelle performant doit répondre aux besoins futurs des entreprises, ce d’autant plus dans un contexte de transformation profonde des tissus productifs (digitalisation, automatisation, transformation écologique, etc.). Il doit s’articuler avec une stratégie industrielle concertée et partagée par les acteurs privés et publics et se baser, comme c’est le cas en Allemagne, sur la prise en compte des besoins des entreprises. Or, cette dimension semble aujourd’hui absente du débat, alors même que l’Union, avec son approche de coopérations sectorielles en matière de compétences, s’efforce de mettre en œuvre, dans des secteurs stratégiques, des outils de prospective.
Mais le système de formation professionnelle ne peut pas se limiter au seul renforcement de la compétitivité des entreprises. En cherchant à donner plus de liberté à chacun dans le choix des formations, l’ambition du gouvernement est importante : donner aux individus l’autonomie suffisante pour leur permettre de construire leur propre trajectoire professionnelle, et donc leur parcours de vie. Pour autant, il faut entendre les partenaires sociaux lorsqu’ils avancent que cette plus grande liberté ne doit pas se traduire par un abandon de ceux-ci à leur sort. Sinon, les inégalités déjà existantes entre les sachants et les autres s’accentueront. La question de l’accompagnement des actifs, et en particulier de leur information – en lien avec les stratégies industrielles évoquées, est centrale.
Enfin, le système de formation professionnelle ne peut pas continuer à se concentrer de manière aussi déséquilibrée sur les seuls salariés. L’élargissement du dispositif aux chômeurs, en particulier ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi, est essentiel. L’effort d’investissement massif dans la formation des chômeurs de longue durée est ainsi un pas dans le bon sens, qu’il faudra poursuivre.
La réforme de la formation professionnelle ne sera une réussite que si elle réussit à prendre en compte l’ensemble des personnes, en activité ou non, salariés ou non.
1) Commission européenne, A new skills agenda for Europe, COM(2016) 381, 10 juin 2016.