Jean-Louis MARCHAND
Président de la Fédération de l’industrie européenne de la construction (FIEC)
Le Plan d’Investissement pour l’Europe (« Plan Juncker ») demeure encore trop axé sur des projets importants, de plus de 10 millions d’euros. Le défi est de donner davantage de visibilité aux projets de dimension plus modeste, en particulier à l’échelle régionale et locale.
La visibilité est un aspect déterminant pour faciliter le financement et la réalisation des projets d’infrastructures. La mise en place de réserves de projets ouvertes à tous est en effet susceptible de convaincre des investisseurs potentiels et d’améliorer les sources de financement, en complément ou en alternative aux subventions publiques.
Au cours de ces dernières années, de nombreuses recommandations provenant d’instances internationales et nationales (G20, MEDEF, Paris Europlace…) ont mis l’accent sur la nécessité de disposer d’un minimum de visibilité sur les réserves (« pipelines ») de projets, bien préparés en amont, de façon à renforcer leur attractivité auprès des investisseurs.
C’est dans cet esprit que la Commission européenne a lancé, en juin 2016, son Portail européen des projets d’investissement (EIPP), s’inscrivant dans le cadre du Plan d’investissement pour l’Europe, dit « Plan Juncker ». La finalité de ce portail est de présenter des projets d’infrastructures, en attente de financement, en mettant en ligne une description de leurs principales caractéristiques.
L’objectif est avant tout d’atteindre les investisseurs potentiellement intéressés. En effet, l’inclusion des projets ne donne en aucun cas un accès privilégié aux financements européens. Dans cette démarche, les critères d’admission à cette base de données sont limités. Pour figurer sur le portail, le montant du projet doit être d’au moins 10 M€, il doit pouvoir démarrer dans les trois ans suivant sa mise en ligne sur le portail et être soutenu par une entité juridique publique ou privée établie dans un État membre de l’Union européenne. Il doit, enfin, être compatible avec les législations européennes et nationales en vigueur.
Pour une gouvernance régionale des infrastructures
La mise en place d’un site internet présentant les projets portés par des promoteurs individuels est une étape importante. Elle peut contribuer à de plus grandes synergies entre différentes sources de financement (fonds structurels européens, financements régionaux/ nationaux avec des apports du secteur privé).
Elle ne répond cependant que de façon partielle à la vocation initiale d’une réserve transparente de projets à l’échelle européenne. Un aspect encore insuffisamment développé est la mise en valeur des projets de dimension régionale et locale. L’expérimentation d’un portail adapté à la dimension régionale de projets d’infrastructures pourrait contribuer plus facilement au financement de projets de taille modeste (inférieurs à 10 M€) et faciliter l’établissement de financements conjoints public/privé. La plate-forme de projets, instance de coordination prévue dans le « Plan Juncker », pour agréger des projets de petite taille afin d’obtenir un volume suffisant (condition indispensable pour bénéficier de la garantie du Fonds européen pour les investissements stratégiques, instrument financier du Plan Juncker), est un moteur intéressant qui pourrait parfaitement s’intégrer dans ce dispositif.
Il est en effet fondamental de tirer profit de l’intérêt des investisseurs privés pour les orienter vers des investissements de plus faible taille (mais très nombreux) afin de développer un véritable marché des infrastructures de dimension régionale à l’échelle européenne.
Plus largement, il s’agit d’accompagner le mouvement vers une gouvernance régionale des infrastructures. Cette démarche repose sur un véritable partenariat entre acteurs publics et acteurs privés dans la détermination des priorités et la conduite des projets au plus près des territoires.
Au moment où se précise la prolongation du Plan d’investissement pour l’Europe, l’Union européenne a un rôle important à jouer pour favoriser une mise en contact entre investisseurs, porteurs de projets et acteurs publics à l’échelle des régions, espaces de proximité des citoyens.