Auteur : Edouard Simon
Directeur du Bureau de Bruxelles
Cette semaine aura été riche en péripéties pour le Brexit : nouveau report de 3 mois accordé par les 27 et annonce d’élections générales qui auront lieu le 12 décembre prochain. L’annonce de ces élections est-elle une bonne nouvelle ? Et, peut-on espérer qu’elles permettent de mener le Brexit à son terme ?
Boris Johnson, qui avait clamé partout que le Brexit aurait bien lieu, accord ou pas, hier au soir, a dû se résoudre à demander un nouveau délai aux 27. Pourtant, il faut lui reconnaitre d’avoir réussi l’exploit de convaincre la Chambre des Communes qu’il était nécessaire que les Britanniques retournent aux urnes. Et, il me semble qu’il faut plutôt saluer la tenue de ces élections, qui pourraient (je dis bien ‘pourraient’) clarifier la situation politique britannique. Rappelons que depuis les dernières élections de 2017, la Chambre des Communes s’est opposée à toute solution faisant, du Brexit un problème quasi-insoluble.
Boris Johnson part avec une belle avance dans les sondages (plus de 10 points par rapport aux travaillistes) mais l’histoire récente a montré que l’électorat britannique pouvait être extrêmement volatile. En d’autres termes, malgré l’avance importante de Boris Johnson aujourd’hui, il se pourrait bien qu’aucune véritable majorité ne se dégage au Parlement britannique…
Vous voulez dire qu’on pourrait ne pas être plus avancé le 13 décembre au matin sur la position de la Chambre des Communes sur le Brexit ?
Exactement. D’autant plus que les solutions proposées par la classe politique britannique sont extraordinairement diverses. Les Conservateurs proposent donc de soutenir l’accord négocié par Boris Johnson. Le Parti du Brexit de l’inénarrable Nigel Farage, lui, plaide pour un Hard Brexit, au motif que le deal de Johnson ne permettrait pas un Brexit effectif. Les travaillistes, quant à eux, proposent de renégocier l’accord de sortie – si, si – et de soumettre le nouvel accord à référendum. Les nationalistes écossais proposent également de faire un second référendum mais sur le Brexit lui-même. Les Libéraux-démocrates, enfin, s’ils arrivaient au pouvoir, tireraient purement et simplement un trait sur le Brexit en restant dans l’Union.
Si cette situation a le mérite de proposer aux électeurs britanniques de voter en connaissance de cause, cette fois, on voit mal aujourd’hui comment une majorité pourrait émerger et sur quel type de compromis.
Ce résultat ne serait-il pas de nature à générer un certain agacement chez les 27 qui ont déjà montré de l’impatience vis-à-vis des Britanniques ?
Il est certain qu’un parlement sans majorité ajouterait à la fois à la confusion du paysage politique britannique et à la lassitude des Européens, qui ne veulent toutefois pas assumer la responsabilité d’un Brexit sans accord. Alors, à moins que Boris Johnson ne décide de bloquer la machine européenne en refusant de nommer un Commissaire britannique, condition à l’entrée en fonction de la nouvelle Commission, il est tout à fait probable que la devise des Européens demeure : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ».