L’occasion manquée d’un budget pour la zone euro

Auteur : Lorène Weber

chargée de mission Finance à Confrontations Europe

Les 13 et 14 juin derniers, les ministres des Finances de l’Eurogroupe ont finalement trouvé un accord sur les grandes lignes d’un budget de la zone euro. Les ambitions de cet « instrument budgétaire de convergence et de compétitivité » ont néanmoins été revues largement à la baisse.

En réalité, le budget de la zone euro n’a pour l’instant pas dépassé le stade du symbole. Dans son état actuel, cet instrument budgétaire est bien loin des ambitions affichées au début des négociations, en particulier par la France, que ce soit en termes d’enveloppe financière, d’autonomie, de gouvernance ou de nature des projets financés.

Au vu des termes de l’accord, le « budget » de la zone euro sera intégré au budget de l’UE. Il ne sera donc pas autonome et ne disposera pas de ressources propres. Son montant sera décidé dans le cadre financier pluriannuel (2021-2027), et donc à 28 (27 après le Brexit), et non à 19. En théorie, rien n’empêche ce budget de se doter plus tard de ressources propres, issues par exemple d’une taxe sur les transactions financières, d’une taxe carbone aux frontières ou d’une taxe GAFA, mais ce point tarde à aboutir.

Par ailleurs, l’enveloppe globale restera très limitée. Elle ne financera ni services publics européens ni politiques sociales européennes, et ne sera pas en mesure d’appuyer une politique et une stratégie industrielle. Un mécanisme de stabilisation est absent, et la possibilité d’apporter une aide financière urgente à un pays en difficulté en est écartée… Difficile de croire donc, que cet instrument permettra à la zone euro de devenir plus compétitive et plus solidaire, alors même que de nombreux observateurs et décideurs mettent régulièrement en avant les faiblesses de l’UE face aux États-Unis et à la Chine.

 Le rejet de la nouvelle « ligue hanséatique »

La présidente de la Commission Ursula von Der Leyen a cité cet instrument budgétaire dans la présentation de ses priorités politiques, mais dans un entretien accordé aux journaux du réseau Europa, elle a déclaré qu’il était « trop tôt pour parler de chiffres » et s’est montrée prudente sur les capacités de cet instrument à réaliser des investissements amenant davantage de croissance(1). Quoi qu’il en soit, la décision finale est entre les mains de l’Eurogroupe, d’où le blocage actuel.

La raison d’être d’un budget propre à la zone euro serait de lui permettre d’être plus résiliente face aux chocs et crises à venir, de favoriser les investissements, et de partager les risques. L’obstacle majeur à une zone euro plus ambitieuse, compétitive et solidaire, se situe du côté de certains États membres de l’Eurogroupe, ceux de la nouvelle « ligue hanséatique »(2), un groupe d’États fiscalement conservateurs menés par les Pays-Bas et rassemblant l’Irlande, les pays baltes et scandinaves. L’Allemagne, ne souhaitant pas froisser son partenaire français, n’est pas membre de la ligue, mais lui accorde un soutien tacite.

Ces États souhaitent notamment une surveillance accrue de certains États membres dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce fonds de sauvetage qui vise à venir en aide aux pays de la zone euro en situation de détresse financière, et sont ­traditionnellement favorables à des mesures d’austérité. Ils sont par ailleurs opposés à davantage d’intégration et d’instruments de dépenses au niveau de la zone euro. Or, un accord sur le budget de la zone euro requiert l’unanimité des membres de l’Eurogroupe. Le Parlement européen n’a aucun pouvoir sur le sujet, mais ­seulement la possibilité d’émettre des résolutions.

Tant que demeurera la règle de l’unanimité et que certains États membres seront toujours réticents à partager les risques et à éventuellement venir au secours d’autres pays en situation de détresse financière, un budget « zone euro » ne semble pas près de voir le jour. Un défi pour la nouvelle Commission sera alors de parvenir à convaincre et rassurer les États membres de l’Eurogroupe (et plus largement de l’UE) de la nécessité d’allier compétitivité et solidarité, investissements et partage des risques.

1) Le Monde, « Ursula Von Der Leyen : « Nous devons tout faire pour aller vers un Brexit ordonné », 18/07/2019.

2) “New ’Hanseatic’ states stick together in EU big league”, The Financial Times, 26/11/2018.

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