Par Michel Derdevet, Président de Confrontations Europe
En ce premier semestre 2022, l’Europe s’impose dans notre pays au cœur d’une ardente actualité. À la faveur de la Présidence française du Conseil de l’Union, ce « retour de l’Europe en France » amène les médias nationaux à consacrer (enfin) aux débats européens la place légitime qu’ils méritent, et à éclairer par là-même des sujets considérés trop souvent (à tort) par nos concitoyens comme « techniques », éloignés de leur vie quotidienne.
Nous avons souhaité quant à nous, consacrer ce premier numéro de l’année de la revue Confrontations Europe aux quatre défis majeurs auxquels l’UE sera confrontée dans les mois et les années à venir, et dans lesquels le projet européen peut et doit s’incarner auprès de nos concitoyens. Avec en frontispice le diagnostic de Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ».
La relation – ambigüe et complexe – entre l’Europe et les Français est brillamment documentée en ouverture, à travers un sondage de Kantar Public sur la confiance des citoyens dans leurs institutions, avec ses vicissitudes, notamment depuis deux ans, la pandémie de Covid-19.
Notre premier chapitre est en droit fil dédié à l’Union de la Santé, sujet structurant des deux dernières années et dans lequel l’Union européenne a démontré sa faculté d’adaptation et son efficacité dans son rôle de protection des citoyens, malgré les soubresauts du printemps 2020. Tous nos remerciements à la Commissaire Kyriakides, notre grand témoin, d’éclairer de son regard privilégié ce moment important et inédit.
Le deuxième chapitre est consacré à la transition environnementale, sujet fondamental au cœur de l’agenda de l’UE et des préoccupations des Européens. Cette exigence s’incarne à court terme à la fois dans la réponse que l’Europe peut apporter à la flambée des prix de l’énergie, et à la problématique de la précarité énergétique. Plus largement, elle reposera sur des choix technologiques de long terme, concernant la place des renouvelables dans le mix énergétique européen, le développement des « Small Modular Reactors » ou de l’électromobilité au sein du marché unique.
La relance de l’économie européenne sera égale-ment au cœur de l’agenda européen des prochaines années, pour faire du plan NextGenerationEU un levier d’investissement de long terme, au service des ambitions environnementales et numériques de l’Union.
Les mois à venir devront enfin être l’occasion de replacer les valeurs européennes et l’État de droit au cœur de l’intégration de l’UE, face aux défis posés par certains de ses États membres.
Le « momentum européen » du 1er semestre 2022 sera aussi propice à rappeler les enjeux fondamentaux portés par le projet européen. À l’heure où les bruits de bottes raisonnent aux confins orientaux de l’Union, il est temps de mettre en œuvre une véritable autonomie stratégique et militaire européenne, à même de nous garantir une paix durable, « depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural ».
La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir ». Cette formule de François Mitterrand, prononcée dans le cadre de la campagne pour les élections européennes de 1989, mérite d’être rappelée à ce moment de notre Histoire. François Mitterrand complétait son propos en dénonçant « une France nationaliste qui oblige ses partenaires ou bien à l’imiter et donc à s’isoler, ou bien à s’abolir dans un atlantisme qui, sous le couvert du « plus grand Occident », étouffera ce que la civilisation de l’Europe contient d’irremplaçable ».
En 2022, tels restent, dans notre pays, les éléments du débat sur l’Europe. Distinguons bien en ce sens, en reprenant le célèbre aphorisme de Romain Gary, le patriotisme, qui consiste à aimer son pays, du nationalisme qui consiste à détester celui des autres. Le choix des mots est essentiel, et nous avons l’obligation de redonner dans le débat public, national et européen, aux termes de nation et de patrie leur signification initiale, en rappelant notamment que le patriotisme est civique, alors que le nationalisme, lui, pousse au conformisme, à la massification et à la démission de la raison.
Dans ce contexte, si l’on souhaite combler le fossé entre les Français et l’Europe, il faut sans doute agir dans trois directions : souligner d’abord les bénéfices concrets, tangibles, liés à l’appartenance de la France à l’Europe, plutôt que systématiquement « diaboliser » l’Union (cf. le discours ambiant sur le marché intérieur de l’énergie) ; privilégier ensuite une compréhension de la complexité et de la diversité culturelle des Européens, en rompant avec le fantasme d’une Europe qui serait la France en grand ; éviter enfin de donner le sentiment que la parole des citoyens français n’est pas prise en compte, en misant sur la richesse issue des processus participatifs et citoyens. De ce dernier point de vue, l’existence des associations et think tanks européens, liens indispensables entre les citoyens et les décideurs, est un atout et une force dont une démocratie comme la nôtre doit se servir – dans la durée – pour agir.
L’Europe est plus que jamais notre avenir, même si la réalité européenne est souvent chaotique, parfois en crise, quelquefois illisible. Mais l’Union européenne reste malgré tout un gage de paix avec la réconciliation devenue amitié franco-allemande, et l’euro, monnaie unique acceptée très majoritairement depuis vingt ans par toutes et tous. Nous devons désormais continuer à nous mobiliser pour qu’elle avance, au-delà des blocages, des crises et des doutes !