Edouard SIMON
Directeur du bureau de Bruxelles, Confrontations Europe
Ça y est, c’est officiel, les 28 sont enfin tombés d’accord sur les Tops Jobs.
Cet anglicisme, typique de la bulle bruxelloise, désigne les principaux postes de dirigeants européens, dont le mandat arrive à échéance cette année : les présidences de la Commission, du Conseil européen, du Parlement et de la Banque Centrale Européenne ainsi que le poste de Haut-Représentant, sorte de ministre des affaires étrangères de l’Union. Les négociations autour de ces postes, que nous avons suivis ensemble ces dernières semaines, avaient tout d’un véritable House of Cards européen.
Et, si c’est l’Allemande Ursula van der Leyen, cette conservatrice modérée, ministre de la défense et réputée très proche d’Angela Merkel qui devrait donc devenir la présidente de la Commission européenne en novembre, c’est Emmanuel Macron qui apparait aux yeux des observateurs comme le vrai vainqueur de cette séquence. Il faut dire que, non content d’avoir obtenu qu’une Française préside la BCE, Emmanuel Macron voit des alliés politiques prendre certains postes stratégiques ; ainsi le belge Charles Michel qui est sûr de prendre la tête du Conseil européen. Il voit également de nombreux francophones arriver à ces postes. Mais, méfions-nous des apparences… Car cette victoire pourrait bien être avoir un goût amer.
Tout d’abord, je voudrais souligner que le casting auquel on a abouti est loin de la catastrophe qu’on pouvait légitimement redouter et qu’il semble même plutôt prometteur. Mais, il faut voir dans quel contexte politique ces nouveaux dirigeants vont devoir prendre leurs fonctions.
Or, là, le président français ne leur a pas facilité la tâche. La brutalité dont Emmanuel Macron a fait preuve lors de ces négociations a braqué plusieurs de ses partenaires, dont certains ressortent humiliés. En particulier, son rôle assumé dans le rejet du système des Spitzenkadidaten et de la candidature de l’Allemand Manfred Weber a beaucoup de mal à passer en Allemagne et au sein du Parlement européen.
Il faudrait se réjouir du retour d’une France européenne après au moins 10 ans d’absence de vision française pour l’Europe. Mais, c’est plutôt le retour d’une France bonapartiste que plusieurs de nos partenaires voient, d’un œil inquiet ou agacé ; une France qui pense l’Europe comme une France en grand ; une France qui n’a pas encore appris les vertus de l’altérité. Emmanuel Macron n’est évidemment pas le seul responsable des tensions au sein de l’Europe. Mais, il voulait en être le grand rénovateur. Et, on ne rénove pas en brusquant et en braquant.
Je souhaite donc bon courage et bonne chance à Ursula von der Leyen, dont la première mission sera donc de recréer les conditions d’une confiance réciproque entre les Européens, confiance décidément très fragile ces jours-ci.