Clotilde WARIN
Rédactrice en chef de Confrontations Europe
Le Royaume désuni. L’Europe divisée. Le vote en faveur du Brexit a plongé, le 24 juin au matin, Européens et… Britanniques dans la sidération. Tous avaient évoqué cette possible issue, mais personne ne s’y attendait. Les conséquences de ce vote inouï, de ce divorce après plus de quarante ans de vie commune mouvementée, ne sont pas aisément envisageables. Une seule chose est sûre : l’onde de choc provoquée par le « non » à l’UE n’a pas fini de faire des vagues. Les premiers jours ont été marqués par des démissions en série : celle annoncée – mais différée à l’automne – du Premier Ministre, David Cameron, celle du Commissaire britannique, Jonathan Hill, celles, en série, des responsables politiques du Labour, déçus par leur leader, Jeremy Corbyn… Les bourses européennes se sont effondrées. La crainte d’une récession se fait jour. Le Royaume-Uni a même décidé de baisser l’impôt sur les sociétés afin de retenir les entreprises qui pourraient songer à partir en raison de l’incertitude que laisse planer cette sortie de l’UE. Cette mesure va entraîner une baisse des ressources et des politiques publiques et se retourner contre les électeurs qui ont voté pour le « out ». Les leaders populistes font souvent payer la facture à ceux qu’ils mobilisent…
Et comme si cela ne suffisait pas. Le camp du Leave a semblé tout aussi désarçonné. Certes, Nigel Farage, alors leader du parti europhobe, Ukip, s’est empressé de tweeter à l’aube du 24 juin : « We’ve got our country back ». Une petite phrase de plus mais qui cache mal l’absence totale de programme pour l’après Brexit. Nigel Farage, tonitruant député européen, a d’ailleurs rapidement opté pour la porte de… sortie, en annonçant sa démission de la tête de l’Ukip après avoir justifié sa décision d’un laconique : « J’ai accompli ma mission ». Aux autres de gérer l’après donc. L’ancien maire de Londres, Boris Johnson, devenu le ténor des partisans du « out », apparaît tout aussi abasourdi et, trahi en son propre camp, a aussi annoncé qu’il jetait l’éponge et ne se présenterait pas au poste de Premier ministre, vacant en septembre.
Alors que la classe politique britannique se déchire, c’est tout le pays qui est menacé de dislocation. La chef du parti national écossais, Nicola Sturgeon, a affirmé ne plus se reconnaître dans le Royaume-Uni post-Brexit. Et relance l’idée d’un référendum en vue de l’indépendance de l’Écosse. Tout avait de toute façon mal commencé : la campagne autour du Brexit s’était focalisée sur les thèmes de l’immigration et a peu parlé d’Europe. Il semble même que beaucoup d’électeurs n’en aient pas une idée très claire. De fait, les thèmes les plus recherchés sur Google au Royaume-Uni, aux premières heures du 24 juin, tournaient autour de questions essentielles telles : « Qu’est ce que l’UE ? ». Saine interrogation mais tardive…
L’Europe a frissonné d’une même frénésie, tout aussi désordonnée. Les dirigeants à Bruxelles et les ministres de Affaires étrangères des États Membres ont dès le lendemain du vote prié le Royaume-Uni de clarifier sa position au plus vite. L’UE a très mauvaise presse, et traîne, tel un boulet, une image d’attentisme, voire de mollesse. Aux yeux des citoyens, elle a, peu et mal répondu aux crises qu’elle a eues à affronter : la crise grecque qui s’est soldée par l’imposition d’une politique d’austérité mettant à mal la survie des citoyens les plus fragiles ; la crise des réfugiés qui a concentré des discours de haine, empreints d’une xénophobie qu’on pensait avoir enterrée à la fin de la Seconde guerre mondiale…
Il est temps, comme le rappelle Marcel Grignard, de refonder une UE plus humaine, plus sociale. Et aussi, de définir rapidement quels sont les liens que l’on entend tisser avec le Royaume-Uni post Brexit. Pour Philippe Herzog, c’est un statut d’ « État associé » qui s’impose. Dans tous les cas, il est grand temps de sortir de de ces moments d’incertitudes qui crée des angoisses au-delà des seuls marchés boursiers. Afin de dépasser cette période de flou, de trahisons et de volte-faces, il faut surtout retrouver un flegme que les Britanniques semblent avoir perdu, et définir l’Europe que nous souhaitons désormais porter à 27.
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