Edouard SIMON
Directeur du bureau de Bruxelles, Confrontations Europe
Ce devait être le Conseil européen de la refondation du projet de l’Union. Cela aura finalement été une réunion informelle des 27 Chefs d’Etat et de Gouvernement, absence de Brexit oblige. Et de refondation, il aura finalement été peu question…
Vous en souvenez-vous ? C’était il y a presque trois ans. Quelques semaines après le référendum sur le Brexit, les chefs d’Etats et de gouvernements se réunissaient à Bratislava en Slovaquie, pour la première fois à 27 et non pas à 28, pour parler d’avenir. De l’après-Brexit. Du futur de l’Europe et du projet européen.
Il semblait alors qu’une prise de conscience avait eu lieu sur la fragilité et l’unicité du projet européen. Mais également sur la nécessité pour les Européens de se réapproprier leur projet commun et de l’adapter aux défis de notre temps : retour des politiques de puissance, régulation des flux migratoires, sécurité de l’Union à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, révolution numérique, écologique, etc.
Ils s’étaient alors fixés l’objectif de se retrouver à Sibiu le 9 mai 2019, le jour de la première fête de l’Europe post-Brexit, pour porter sur les fonts baptismaux leur nouvelle vision partagée d’un avenir à 27 ; vision qui devait assurer sécurité et prospérité aux Européens. Il s’agissait alors de refonder l’Union pour redonner confiance aux citoyens.
Pourtant, trois ans après, les choses ne se sont pas déroulées exactement comme prévues. Le Brexit n’a pas encore eu lieu. Et, les ambitions d’ « offrir aux citoyens une vision d’une UE plus attrayante » semblent quelque peu oubliées. Les chefs d’Etat et de Gouvernement des 27 se sont bien rencontrées hier et ont bien adopté une déclaration sur leur avenir commun, mais il faut convenir que celle-ci sonne un peu creux.
Dans la déclaration elle-même, il n’y a malheureusement pas grand-chose à sauver. Il y a peu de choses de cet ‘Esprit de Sibiu’ qu’il n’y avait déjà dans les déclarations de Bratislava de 2016 et de Rome de 2017. Il faut dire que les divisions très profondes entre les Européens demeurent sur les sujets fondamentaux. Et, en vérité, tout le monde aujourd’hui est plus focalisé sur la prochaine Commission et le prochain Parlement que sur cette refondation du projet…
S’il faut reconnaitre que l’essentiel a été sauvé, aucun autre Etat ne semble vouloir quitter l’Union, ne nous berçons pas d’illusions : dans le monde violent de Trump, Jinping, Poutine mais aussi des GAFA et autres BATX, l’absence de projet finira par coûter très cher aux Européens. La refondation n’est pas à l’ordre du jour, prenons garde à ce que l’obsolescence ne le devienne pas.