COMPTE RENDU : « ALLONS DE L’AVANT AVEC ÉNERGIE ! – IMPULSIONS FRANCO-ALLEMANDES POUR UNE UNION EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE”

Le 20 janvier 2025, Confrontations Europe et le Deutsch-Französisches Institut, en partenariat avec la Maison de l’Europe de Paris et l’association des alumni du mastère spécialisé « Expert(e) en Affaires publiques européennes » de l’ENA et de l’INSP, ont organisé une conférence intitulée « Allons de l’avant avec Energie ! Impulsions franco-allemandes ».

À l’occasion de la Journée franco-allemande 2025, Frédéric Petit, député des Français établis hors de France, et Stefan Seidendorf, directeur adjoint de l’Institut franco-allemand, ont présenté et commenté la résolution du groupe de travail de l’Assemblée parlementaire franco-allemande sur la souveraineté énergétique, rapportée par l’élu français et l’Allemand Andreas Jung.

Ce document, fruit de deux ans de collaboration entre plus de cent experts et parlementaires, analyse les défis structurels auxquels fait face l’Union européenne dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques croissantes, la montée des prix de l’énergie et l’urgence climatique.

La coopération franco-allemande : un moteur indispensable pour l’Europe de l’énergie

La coopération franco-allemande a toujours été un pilier fondamental dans la construction européenne, notamment en incarnant une volonté commune d’aborder les défis globaux de manière concertée. Elle a été renforcée par le Traité d’Aix-la-Chapelle qui a permis la création de l’Assemblée parlementaire franco-allemande.

Dans un contexte où les enjeux énergétiques et climatiques se révèlent être essentiels pour l’avenir de l’Europe, cette alliance prend une importance singulière. La France comme l’Allemagne démontrent leur rôle moteur dans cette quête d’une souveraineté énergétique européenne.

L’Assemblée Parlementaire Franco-Allemande (APFA), selon Stefan Seidendorf, représente une avancée méconnue du traité d’Aix-la-Chapelle. Elle offre une méthode parlementaire innovante permettant à des députés français et allemands de travailler ensemble.

Frédéric Petit a souligné qu’en 2022, l’APFA n’exerçait pas de grande fonction législative, se concentrant principalement sur des outils comme les groupes de travail. Depuis décembre, elle a cependant évolué avec l’introduction de déclarations communes émanant de son bureau, renforçant ainsi son rôle et son impact.

Les intervenants ont souligné l’importance de l’APFA dans le suivi de l’application des traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle. Composée de 50 députés français et 50 députés allemands issus du Bundestag, elle joue un rôle clé. Frédéric Petit a d’ailleurs salué les avancées notables obtenues grâce à cette collaboration, notamment par la rédaction d’une résolution commune après un an et demi de travail.

Une nécessaire coopération et politisation des débats

Toutefois, il a souligné le déficit de gouvernance franco-allemande et plaidé pour une amélioration de la coopération, notamment en matière énergétique. Il a souligné que les parlementaires, bien qu’essentiels, ne sont pas toujours des experts en énergie. Cette lacune met en lumière le besoin de mieux structurer la gouvernance des systèmes transfrontaliers. À cet égard, il appelle à un contrôle plus efficace des exécutifs par les parlements, condition nécessaire pour franchir une étape cruciale dans la coopération entre les deux pays.

Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, a déploré la dégradation des relations franco-allemandes autour de l’énergie, alimentée par des caricatures mutuelles. Il a plaidé pour une politisation du sujet afin de reconstruire la confiance sur des bases solides.

Frédéric Petit a critiqué le manque de sincérité de certains partis politiques face à la réalité des défis énergétiques, dénonçant un décalage entre les discours et les actes. Il a appelé ainsi les décideurs politiques à un débat plus réaliste et éclairé pour trouver des solutions pérennes face ces défis énergétiques.

La transformation du paysage énergétique européen

A la suite du retour au pouvoir de Donald Trump, Michel Derdevet a souligné qu’il ne fallait pas sous-estimer la question de la dépendance énergétique, en particulier vis à vis des Etats-Unis.

En répercussion de l’invasion russe en Ukraine, la part des importations de gaz naturel en provenance de Russie au sein de l’Union européenne a chuté, passant de 39,7 % en 2021 à 18 % au quatrième trimestre 2024. Cela a poussé l’Union européenne à augmenter considérablement ses approvisionnements en gaz naturel liquéfié (GNL) américain, passant de 18,9 milliards de mètres cubes (bcm) en 2021 à 56,2 bcm en 2023. En 2023, le GNL américain représentait 27 % des importations totales de GNL de l’UE, plaçant les États-Unis en tête des fournisseurs, devant la Russie, l’Algérie et le Qatar.

En 2024, les principaux clients du GNL américain étaient les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni, et, dans une moindre mesure, l’Allemagne.

Les divergences anciennes sur le mix énergétique

Les enjeux énergétiques qui lient la France et l’Allemagne mettent en lumière des défis structurels importants, exacerbés par des divergences d’approches et des besoins spécifiques. Stefan Seidendorf, a notamment souligné la complexité du gaz dans les relations franco-allemandes, qualifiant cette thématique de constellation où les désaccords dominent.

Un rappel historique a éclairci le contexte actuel sur l’énergie. L’Union européenne a débuté par une coopération en matière d’énergie : la Communauté européenne du charbon et de l’acier, sous l’impulsion de Robert Schuman. Celle-ci a rapidement été suivie du traité Euratom, Communauté européenne de l’énergie atomique.

Toutefois, le rejet du nucléaire en Allemagne est le fruit d’une histoire longue et complexe. Héritage de la guerre froide, la peur que l’Allemagne devienne un champ de bataille nucléaire a nourri l’opposition forte à cette source d’énergie, a expliqué Stefan Seidendorf. Ce rejet, porté par une génération politique dépassant largement les clivages gauche-droite, s’est enraciné au fil des décennies. La question des déchets nucléaires, nécessitant un stockage sécurisé pendant un million d’années, illustre l’ampleur vertigineuse de ces enjeux.

Ce mouvement anti-nucléaire, qui a conduit à la fermeture de Fessenheim, s’est quelque peu infléchi dans la campagne électorale en cours. Pour autant, le directeur adjoint de l’Institut franco-allemand a souligné que ces convictions profondément ancrées ne disparaîtront pas en une seule élection.

Les défis énergétiques franco-allemands : entre infrastructures et enjeux politiques

Au-delà de la problématique du nucléaire, les intervenants ont souligné l’importance cruciale de prendre en compte les enjeux climatiques. Les discussions sur l’énergie, bien que marquées par des divergences, doivent impérativement s’orienter vers une transition écologique durable. Celle-ci constitue une condition essentielle pour garantir un avenir viable tout en renforçant la coopération et la confiance entre les partenaires européens.

Les discussions autour de l’énergie ont révélé des priorités différentes mais également des défis communs entre la France et l’Allemagne. Stefan Seidendorf a souligné que le débat ne devait pas exclusivement se concentrer sur le mix énergétique mais davantage sur les infrastructures, notamment électriques, qui constituent un pilier fondamental permettant de répondre aux défis énergétiques actuels.

Cependant, l’Allemagne, en tant que membre d’un système énergétique intégré au sein de l’Europe, ne peut pas ignorer sa place au cœur du continent. Frédéric Petit a, quant à lui, mis en lumière la volatilité des prix de l’énergie, avec des pics parfois extrêmes et des épisodes de prix négatifs, ce qui pose un problème collectif que les décideurs politiques doivent impérativement prendre en considération.

Des infrastructures au cœur de la transition énergétique

Pour l’Allemagne, le coût lié aux infrastructures nécessaires pour intégrer les énergies renouvelables reste un obstacle majeur. Les investissements en équipements, en réseaux de transport et en capacités de stockage sont indispensables pour garantir la transition énergétique. Dans ce contexte, le rapport insiste sur l’importance de la plateforme énergétique franco-allemande-polonaise, qui pourrait renforcer la coopération régionale et promouvoir une intégration énergétique efficace.

Un autre enjeu majeur, selon Stefan Seidendorf, est la “Dunkelflaute”, une période de forte baisse de production des énergies renouvelables, où le rendement peut descendre à moins de 10 % de la capacité du parc. Ces moments de crise énergétique nécessitent une solidarité accrue entre les États membres, renvoyant à l’urgence d’une coordination efficace des infrastructures européennes.

Les enjeux de la gouvernance énergétique et franco-allemande

Les défis énergétiques ne se limitent pas aux aspects techniques ou économiques : ils englobent également des problématiques de gouvernance et de coopération entre les pays, notamment entre la France et l’Allemagne. L’élu français a souligné l’importance de la clause de revoyure, un outil essentiel qui permet d’ajuster les décisions politiques dans un domaine aussi évolutif que l’énergie. Pour lui, cette approche reflète une forme de politique sage, capable de répondre aux besoins changeants sans s’enfermer dans des choix figés.

Frédéric Petit a mis en lumière un point essentiel : l’incompréhension du public sur ce que représente réellement l’énergie. Ce déficit de connaissances entrave les débats et les décisions politiques, rendant plus difficile l’adhésion collective aux solutions proposées. Stefan Seidendorf a ajouté que, même au sein de l’Allemagne, un débat intense a divisé les acteurs politiques et économiques sur les orientations énergétiques, souvent en oubliant l’interdépendance au sein du système énergétique européen.

En conclusion, cette conférence a mis en lumière l’importance de renforcer la stratégie énergétique franco-allemande, en particulier en matière d’infrastructures et de gouvernance. Les participants ont souligné que des efforts conjoints étaient essentiels pour relever les défis climatiques, économiques et énergétiques auxquels l’Europe est confrontée, tout en intégrant les perspectives et les intérêts des deux nations.

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