Complexités et enjeux de l’identification de l’ingérence étrangère

Dans un entretien pour Confrontations Europe, Nicolas Quénel, journaliste indépendant spécialisé dans la guerre de l’information et auteur du livre “Allô Paris ?! Ici Moscou”, opère un état des lieux de l’ingérence étrangère en France et plus largement en Europe.

♦ Vous écrivez dans votre livre « Allo Paris, Ici Moscou » que la guerre de l’information est tombée dans l’oubli à la fin de la guerre froide mais n’a jamais cessé. La France et l’Union européenne ont-elles été trop naïves ?

Nicolas Quénel : Quand on dit « la France et l’Union européenne », on a tendance à raisonner en matière d’Etat. Je pense que c’est plutôt une naïveté qui a été très collective et qui a été impulsée évidemment par le politique pour diverses raisons. Avec la chute de l’URSS, on avait quand même l’espoir de faire rentrer la Russie dans le giron des démocraties. 

Finalement, je ne pense pas que c’était de la naïveté, certainement pas pour cette période. Là où il y a eu de la naïveté, ça a été vraiment au moment de l’accession au pouvoir du régime de V. Poutine et il faut quand même constater qu’on a un nombre de guerres, un nombre d’invasions, d’interventions militaires russes à partir de ce moment-là qui auraient dû pousser à se poser quelques questions. De la Tchétchénie en passant par la Géorgie, par la Syrie, puis l’Ukraine en 2014 etc. 

Oui, il aurait peut-être fallu se poser quelques questions et remettre en cause, peut-être, je dis bien peut-être, cette idée un peu latente, qu’il y a eu au sein de l’État français, de normalisation des relations avec le régime de V. Poutine.

Ça a commencé avec le Président Jacques Chirac qui fait grand-croix de la Légion d’honneur Vladimir Poutine en 2006, malgré la Tchétchénie. Ce qui est intéressant c’est que tous les autres qui ont conduit cette politique, à l’exception de F. Hollande, que ce soit N. Sarkozy ou E. Macron, avaient encore moins de raisons d’être naïfs que Jacques Chirac. N. Sarkozy a vu la guerre de Géorgie, E. Macron, je ne parle même pas de tout ce qu’il a vu depuis. 

Enfin, il y avait quand même un historique qui s’est développé à partir de là, qui culmine au climax de la naïveté, le discours de Brégançon en 2019, où il faudrait retrouver un peu les termes précis employés par E. Macron. Dans mes souvenirs, c’était « la Russie européenne, profondément européenne », je crois qu’il parlait de « la Russie des lumières », au vu de l’histoire, cela me semble un peu contestable. 

En parallèle des interventions militaires, il y avait effectivement la désinformation russe, de ce côté, ça n’a jamais cessé non plus, selon divers agendas et divers objectifs stratégiques. Mais là encore, il y a eu de la naïveté. C’est à dire qu’en plus des interventions militaires, il y a eu de la naïveté aussi vis-à-vis de comment V. Poutine considérait les démocraties libérales et les pays européens, c’est pour moi évident. 

♦ Quel est le profil d’un agent d’influence travaillant pour les intérêts du Kremlin ?

NQ : Je pense tout d’abord qu’il faut faire la distinction entre un agent d’influence, quelqu’un qui agit de manière consciente et qui en tire un bénéfice, de ce que l’on appelle aussi « les idiots utiles ». Les deux catégories sont cependant assez poreuses, mais du côté de l’agent d’influence il y a quand même cette idée systématique d’un deal, explicite ou implicite, le fait que la personne en retire un bénéfice. Ce bénéfice n’est pas forcément financier, cela peut être un bénéfice au regard du prestige ou de nature très diverse. Il peut aussi y avoir une question de coercition. 

En tout cas, il y a l’idée « d’une transaction ». Cela étant, je ne pense pas qu’il y ait un profil type de l’agent d’influence. Il y a des catégories de personnes vers lesquelles vont les Russes, au sens très large, parce que ce n’est pas juste l’Etat russe ou ses représentants, cela peut être des institutions, des organismes parapublics, des organismes privés. Le plus signifiant est qu’il y a des profils qui se dégagent. 

Généralement, les personnes visées sont celles qui ont un accès à l’espace public d’informations, qu’ils soient politiciens, journalistes ou avocats. Il y a toujours cette idée d’un accès au débat public, qui permet d’infléchir des politiques publiques. Avec l’émergence des influenceurs, les opérateurs russes ont essayé de corrompre des Youtubeurs pour en faire des agents d’influence. On retrouve encore cette idée d’accès à l’espace public. 

Les catégories que je viens de viser bénéficient, de plus, d’une certaine protection, en ce que les services de police, la justice, les services de renseignement, ont quand même plus d’hésitation, plus de difficultés, à travailler sur ce type d’individus.

Il est délicat d’aller mener des enquêtes sur des journalistes qu’on soupçonne d’être des agents d’influence, parce qu’il y a un risque assez violent de « backlash ». On a vu la débandade médiatique qu’a pu être l’affaire des micros cachés au Canard enchaîné, alors même que les agents de l’Etat avaient des très bonnes raisons d’agir. Je pense qu’ils espéraient aussi avoir un peu plus que ce pour quoi ils étaient venus poser des micros à la base. 

Mais en tout cas, leur action était justifiée, il y avait bien un d’agent d’influence au Canard enchaîné qui a sévi pendant des décennies. On voit bien, lorsqu’ils se font attraper la main dans le pot de confiture, les retombées médiatiques que cela peut engendrer. 

De même pour les politiciens, les services de renseignement sont aujourd’hui assez rétifs à l’idée d’aller mettre le nez dans les affaires des parlementaires. Dans un système démocratique, tout n’est pas permis, et les Russes tirent pleinement parti de cet état de fait. Je ne pense donc pas qu’il existe à proprement parler de profil type, mais certains critères cumulatifs se retrouvent pratiquement dans l’ensemble des agents d’influence : l’accès au débat public, qui découle sur une capacité à infléchir les politiques de l’Etat, et une protection relative face aux services de renseignement et de police. 

Il existe aussi des personnalités qui sont tout simplement très convaincues par la cause. D’ailleurs, si l’on revient deux secondes sur la catégorie des « idiots utiles », je trouve ça amusant de remarquer que les propagandistes français du Kremlin sont beaucoup plus convaincus de la cause qu’ils défendent que les propagandistes russes eux-mêmes. Les propagandistes russes sont dans une optique de business et assument pleinement leur hypocrisie. En effet, la vérité n’est qu’une marchandise comme une autre pour eux, ils sont très peu empreints d’idéologie, contrairement aux propagandistes français qui sont eux généralement beaucoup plus endoctrinés et prosélytes dans leur approche.

♦ A-t-on les outils, les compétences pour identifier ces agents d’influence, les idiots utiles, les faux sites web, faux comptes de réseaux sociaux et diverses stratégies ? Et réagissons-nous à temps ? 

NQ : On a les moyens nécessaires à la détection, sur le papier on peut dire que c’est possible. Maintenant, quand il s’agit de faire autre chose que de la détection, cela devient compliqué et cela, pour plein de raisons. Généralement l’infraction est quand même très difficile à caractériser. 

Par exemple, certains élus français tiennent des discours qui, on le sait désormais depuis plus de vingt ans, sont justifiés et financés par des donations venant de puissances étrangères. Pourtant, il est très difficile d’obtenir de la justice pénale une quelconque inculpation. 

En effet, si l’on opposait à ces élus leurs liens de connivence avec la Russie, ils rétorqueraient simplement que le discours qu’ils tiennent reste inchangé depuis 25 ans. Même s’ils reconnaissent que l’association « le Dialogue franco-russe » est financée par des institutions ou entreprises parapubliques russes, il est souvent impossible de faire le lien entre le discours tenu et les financements perçus. 

La caractérisation de l’infraction « d’intelligence avec puissance étrangère » reste donc très difficile à caractériser. Les magistrats n’ont d’ailleurs pas forcément les outils, je n’ai pas envie de parler de compétences car ils en disposent largement, mais les textes ne sont absolument pas abordés dans le cadre de leur formation de magistrat. Du fait du manque de connaissance du texte sur l’intelligence, qui s’appuie sur un manque d’outils législatifs efficaces, les magistrats s’orientent naturellement vers des infractions qu’ils connaissent, type corruption. 

La corruption est une infraction que l’on sait appréhender, où il n’est pas nécessaire de faire le lien entre des financements étrangers et la tenue d’un discours. Dans le cadre des procédures en corruption, ce n’est pas tant la réception d’argent qui intéresse les juges, mais plutôt la manière dont il est reçu. Or, pour l’ingérence étrangère, la seule réception d’argent devrait constituer un élément déterminant, c’est là que se situe le vrai problème. 

Pour revenir à la question, on arrive donc bien à détecter, mais les obstacles apparaissent au moment de la judiciarisation des cas. Le fait, d’une part, que l’infraction soit difficile à caractériser, le fait qu’il faille, aussi et malgré tout, connaître ce type de sujet, et puis, enfin, l’empêchement global de judiciarisation. Je parle sur ce dernier point de l’absence de moyens qui a cours plus largement dans la justice.

C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de l’ingérence qui rend le sujet passionnant, elle fait la connexion entre plusieurs problématiques, elle se trouve au carrefour d’une multitude d’autres sujets. La lutte contre l’ingérence étrangère force à se poser des questions qui vont de la préservation de liberté d’expression, sujet tout de même compliqué à traiter, jusqu’à celui de l’absence chronique de moyens dans la justice. 

Il va véritablement falloir réfléchir aux moyens dans la justice, dans la police, dans la formation des magistrats, dans l’ensemble des différents services de l’Etat. En effet, tant que ce problème ne sera pas réglé, on ne pourra aller plus loin que la simple détection.

Pour autant, la judiciarisation n’est pas non plus le seul moyen de lutter contre l’ingérence. Quant à la question de l’exemplarité de nos élus par exemple, il faudrait peut-être songer à de vraies procédures qui verraient appliquer une sanction en cas de scandales révélés par la presse. 

L’exemplarité en politique renvoie à d’autres débats, mais reste une donnée centrale, selon moi, tant que les politiques continueront à se protéger entre eux, les enquêtes de presse ne mèneront à rien. 

♦ Est-ce que l’Union européenne agit de façon adaptée, suffisante, par rapport à cette menace et cette présence d’ingérence étrangère ? 

NQ : L’Union européenne a été la première à vraiment s’en préoccuper, dès 2014, avec la création de « EU vs Disinfo ». Est-ce que l’UE se saisit vraiment de ces problèmes ? Je l’espère. Mais lorsque j’ai trouvé des ingérences étrangères au Parlement européen dans les précédentes enquêtes, qui concernaient notamment des agents d’influence pour l’Inde, il n’y a eu strictement aucune sanction. Je fais référence ici à l’affaire des « indians chemicals ». Les personnes visées se sont simplement pris une petite tape sur les doigts et travaillent encore dans les sphères européennes aujourd’hui. 

Dans mon livre, je parle d’un ancien président du CESE, dont la femme est indienne, lobbyiste à Bruxelles et, au-travers cette dernière, l’Inde menait des opérations d’influence au cœur du Parlement européen. La blague durait depuis plus de quinze ans, on a écrit sur elle, on a montré les preuves, et je crois qu’elle s’est fait exclure trois semaines du registre des représentants d’intérêts pour ensuite reprendre son activité.

Ce genre de situation nous amènent à penser que l’UE a à peu près le même problème que la France, c’est-à-dire qu’ils arrivent bien à détecter, mais de là à agir en responsabilité, à prendre de véritables sanctions, c’est compliqué. 

L’Union européenne est tout de même une machine extrêmement lourde, qui présente parfois des blocages et imperfections, qu’on peine vraiment à comprendre et à accepter. Maintenant, est-ce que depuis le début de la guerre en Ukraine les choses ont changé, je le souhaite, mais je n’en suis pas forcément persuadé. 

Ceci-dit, l’exemple du Qatargate a tout de même montré un certain changement. Se pose aussi la question du degré politique de l’affaire, de l’application de cette logique à l’ensemble des acteurs. Il était peut-être plus facile de sanctionner le Qatar, que de s’occuper de l’Inde, qui est un partenaire commercial important de de l’Union européenne, et notamment de la France. 

♦ Est-ce qu’il y a des risques pour les prochaines élections européennes de juin et sommes-nous suffisamment préparés pour cette échéance ? 

NQ : En effet, je n’imagine pas que les Russes n’essaieront pas de peser sur le scrutin des Européennes. Je pense tout de même que la tâche va être plus compliquée pour eux, car nous sommes désormais bien au courant de la menace, les agents d’influence sont attendus. Les journalistes, et plus largement l’ensemble de l’Union européenne, vont se montrer assez vigilants. Pour autant, cela ne les empêchera pas d’essayer de faire de l’influence et de la propagande sur les réseaux sociaux, pour essayer de dévaluer les candidats qui ne les arrangent pas et booster les autres. Cela étant, les questions restent inchangées, quel degré d’efficacité et comment la mesure-t-on ? Parle-t-on d’armées de trolls pour insulter Glucksmann et encenser Jordan Bardella ? 

Est-ce vraiment utile ? Comment mesure-t-on ce genre de choses ? Je ne pense pas que ce soit forcément quantifiable, en revanche, ils vont agir et cela relève de l’évidence. 

♦ Est-ce qu’il existe des bonnes pratiques dans d’autres pays de l’Union européenne par rapport à la lutte contre l’ingérence étrangère ? NQ : Un grand nombre d’Etats, que l’on peut considérer comme efficace dans la lutte contre l’ingérence étrangère, partagent une même approche : la pensée horizontale. En France, nous avons vraiment cet esprit jacobin où, pour caricaturer, les décisions sont prises par le Président et sont appliquées en ligne droite par les fonctionnaires.

Que ce soit Taïwan ou les pays baltes, pour ne citer qu’eux, on se rend compte qu’ils adoptent une stratégie qui est au contraire très horizontale : dite de la « whole society approach ». Cette approche se pense comme inclusive, toutes les couches de la société sont concernées. Les médias collaborent « main dans la main » avec l’Etat, qui collabore avec les ONG. Ils s’intéressent à la justice collaborative.

En France, la crise de confiance envers les institutions, les politiciens, les médias, s’est généralisée. Il est beaucoup plus difficile d’arriver à faire de la « whole society approach ». Cela étant, ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas essayer. Cependant, il serait plus intéressant de s’intéresser à la crise de confiance dans un premier temps, tant il est difficile de construire une maison sur du sable. Je sais que les services de l’État ont cette volonté d’avoir une approche un peu plus englobante, de faire intervenir toutes les couches de la société. 

Pour autant, il ne faut pas minimiser l’ampleur du choc que cela représente. Ce changement de philosophie va certainement se heurter à des réticences internes. La création de Viginum en a été un bon exemple, en ce que l’approche verticale initialement adoptée n’a absolument pas porté ses fruits. Désormais, nous sommes bien plus dans une logique d’ouverture, et c’est une très bonne chose, mais ce processus prend du temps. 

Et le retard accusé par nos systèmes est peut-être aujourd’hui si important que la transformation ne peut se réaliser sans que nous en voyions les réelles conséquences. Cela fait partie des questions qu’il faut aujourd’hui se poser. 

♦ Il existe des associations et autres fondations qui se sont montées dans le but d’inciter à la production de fake news, à la désinformation et qui sont en réalité financées par des agents étrangers. Faudrait-il interdire les financements étrangers ? Obliger à la transparence et comment ? Sachant qu’en Hongrie, Viktor Orban fait du « name and shame » avec des associations ou des fondations qui sont financées, soit par les États-Unis, soit par Georges Soros ? Donc où est la limite ? 

NQ : Il faut se concentrer sur l’aspect systémique du phénomène, au lieu de chercher à annihiler le dernier maillon de la chaîne. 

Cela veut dire mettre en place de vraies politiques publiques, soutenir les médias, cela veut dire plus d’exemplarité en politique, investir dans l’éducation aux médias, tous les éléments pour résoudre cette crise de confiance dont on parlait. Peut-être que dans ce cas, les gens seraient moins intéressés par des sites qui sortent des absurdités et qui prospèrent, en réalité, sur cette crise de confiance. La différence de temporalité entre la réponse répressive de l’Etat pour fermer un site, de trois ans, et le temps de création du site web, quinze minutes, justifie à elle-seule la nécessité d’un changement de mentalité. Il nous faut remonter aux racines du problème. 

Pour lutter efficacement contre ce phénomène, il nous faut réinvestir le champ public. 

Les médias ont complétement désinvesti, boudé certains espaces numériques. Lorsque les réseaux sociaux sont arrivés, et qu’on a eu l’émergence des influenceurs, beaucoup les regardaient avec des yeux d’OVNI et un peu de mépris. Ils s’en fichaient royalement de ces trucs de « jeunes », ils souhaitaient simplement faire du papier.

Le journal est un objet papier, ce serait déshonorer le journalisme que d’aller sur YouTube. Très peu de médias ont réalisé ce qui se jouait à l’époque et l’importance de l’émergence de ces nouvelles plateformes. 

Cela traduit une réalité véritable, les médias ont complétement désinvesti ces nouveaux espaces, ce qui a laissé le champ libre à un grand nombre d’opérateurs malintentionnés. Ce phénomène n’en finit pas de se répéter, et on peut en voir une nouvelle traduction avec TikTok, qui est le nouveau média regardé par les médias traditionnels comme quelque chose de débilitant. 

Plus de 50% des jeunes français utilisent TikTok ! Comment peut-on honnêtement se dire qu’il est pertinent de complétement désinvestir ce champ ? Cette erreur ne relève aucunement de la responsabilité de l’Etat, mais bien de celle des médias. 

D’ailleurs, c’est bien cet élément qui est particulièrement intéressant avec la guerre de l’information, c’est un phénomène qui ne touche pas que la sphère étatique, mais bien l’ensemble des acteurs : l’Etat en tant que machine administrative, l’Etat dans sa globalité, les autorités judiciaires, les citoyens. 

Si la guerre de l’information est l’affaire de tous, ce n’est donc pas seulement l’affaire de l’Etat, mais aussi celle des citoyens qui ont une responsabilité sur la manière dont ils s’informent, et à qui ils donnent leur confiance. 

Dans le cas de la guerre d’influence et de l’information, tout le monde est acteur de cette guerre, en ce que les puissances étrangères, chinoises ou russes, ont pour projet de faire des citoyens français des victimes de cette guerre. A chacun de lutter. Lorsqu’il y a un bombardement au-dessus de nos têtes, on ne reste pas à l’extérieur, on se rue dans la cave et on évite de regarder les obus tomber.

Interview-Nicolas-Qu‚nel

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