Carole ULMER
Directrice des études de Confrontations Europe
La politique monétaire ne suffit plus. Il faut aussi accroître la coordination des politiques économiques afin qu’un véritable front de convergences se mette en place dans tous les domaines : financier bien sûr, mais aussi économique, budgétaire, social et fiscal.
Il est plus nécessaire que jamais de repenser la gouvernance économique de la zone euro. La croissance stagnante, l’accumulation de vulnérabilités au niveau international, la multiplication des doutes autour de l’efficacité de la politique monétaire accommodante de la BCE et la persistance de divergences profondes entre États membres sont autant de raisons qui sous-tendent cet impératif. Ce n’est pas une lubie de quelques irréductibles fédéralistes ou de « Bruxelles », il en va de la croissance et des emplois pour nos pays. Les arguments de raison sont légion, il faut aussi – et surtout- redonner une flamme au projet européen, dans le contexte actuel d’euroscepticisme profond et de menaces de désintégration de l’Europe. « Toute la difficulté de l’exercice est qu’il faut économiquement plus de fédéralisme mais, politiquement, que cela n’apparaisse pas comme tel », souligne Jean Pisani-Ferry.
Certes, beaucoup a été fait depuis 2010. Mais on atteint les limites du système. La politique monétaire ne peut pas tout : elle ne peut pallier le manque de réformes structurelles et l’absence de coordination efficace des politiques économiques. Et le reste des apports apparaît souvent comme un empilement improvisé, bancal et en manque de légitimité.
Les points qui font débat sont identifiés : quel degré de partage des risques ? Coordonner mieux et/ou réformer ? Comment assurer une mise en œuvre effective des réformes au niveau des États ? Comment assurer un respect effectif des engagements ? Il est question non plus de « s’intégrer toujours plus », mais de « compléter » l’Union économique et monétaire en proposant une politique active de convergence sur le front financier, économique, social, budgétaire et fiscal .
Union d’investissement
Premier pilier : finaliser l’Union bancaire. Mais pour casser véritablement le lien entre dette bancaire et dette souveraine – encore faut-il donner à nos banques des opportunités d’investissements. Cela passe dès lors à nos yeux par un second pilier : la mise en œuvre d’une Union d’investissement au niveau européen. L’initiative d’Union de marché de capitaux va en ce sens, tout comme le Plan Juncker. Mais l’Europe a aussi besoin d’un instrument public d’investissement qui soit plus massif, et qui repose sur le choix de priorités d’investissements de long terme qui seraient des biens publics européens, comme le capital humain ou des priorités en terme d’industries du futur ou d’investissements en infrastructures.
Malgré les rénovations des dernières années, le processus du Semestre demeure trop complexe et surtout peu efficient. Assurer une « pleine coordination des politiques budgétaires et structurelles » à travers une « stratégie collective pour la zone euro » et « une supervision effective de sa mise en œuvre par les États membres » à travers des mécanismes de sanctions et incitations » est ainsi proposé par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. D’un côté, satisfaire les exigences de mises en œuvre effectives des réformes par les États; et de l’autre, construire un « Fonds européen de convergence » prémices d’un budget pour la zone euro. Il pourrait ainsi répondre aux besoins en matière d’investissements en biens communs, mais aussi évoluer, comme le propose notamment Agnès Benassy-Quéré, vers un budget de stabilisation économique pour la zone euro, pouvant le cas échéant prendre la forme d’une assurance ou réassurance chômage européenne. Cela va de pair, à nos yeux, avec un travail approfondi sur la coordination des compétitivités et la convergence des marchés du travail notamment.
De tels chantiers appellent nécessairement une légitimité démocratique accrue et une instance politique ayant pouvoir et mandat de conduire de telles réformes. Aussi, nous réitérons nos appels à la mise en place d’un Ministre de la zone euro et d’un Trésor.