Loïc ARMAND
Président de la commission Europe du Medef, président de L’Oréal France.
Les élections régionales en France ont été l’occasion de donner un avertissement de plus à la classe politique de notre pays, gauches et droites confondues. On peut fustiger le vote Front national, il n’en reste pas moins une expression de l’un de nos biens les plus précieux, la démocratie. Si on n’aime pas, il faut en tirer les conséquences dès maintenant. Renouveler le personnel politique et donner de l’espace aux jeunes pour laisser éclore de nouvelles idées et se développer de nouvelles pratiques. Reconnaître que le monde a changé et redevenir capables d’inventer l’avenir. Débattre et non pas exclure. Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. S’engager au lieu de seulement commenter l’actualité.
Au niveau européen, il en va de même. Le sentiment diffus que quelque chose ne marche pas, que l’Europe n’offre plus un avenir radieux, que les jeunes sont laissés pour compte fait peser de lourdes menaces sur notre rêve européen. Nous avons l’Europe que nous méritons. Si elle ne nous plaît pas, apportons notre pierre à l’ouvrage. Il est encore temps d’agir.
Changer la gouvernance de la zone euro pour sauver l’euro : c’est en cours mais il faut aller plus vite et plus loin vers plus d’intégration économique et sociale, et donc politique des pays qui ont choisi le destin partagé de la monnaie commune. Changer les moyens de mise en oeuvre de Schengen pour sauver Schengen : on y vient avec l’établissement d’une police européenne des frontières de l’Union. Changer l’Europe pour sauver l’Europe : c’est tout de suite qu’il faut y penser pour que le projet européen vive et garder nos amis britanniques dans l’Union européenne, ce que je souhaite de tout coeur. En septembre 2016, date probable du référendum chez nos voisins d’outre-Manche, il sera déjà trop tard.
Parmi les revendications de David Cameron, certaines méritent d’être retenues, toutes méritent d’être respectées. L’Europe doit en effet montrer qu’elle peut changer et faire preuve de flexibilité. Le rêve d’une Europe fédérale à 28 Est mort, vive l’Europe nouvelle ! Pas une Europe à deux vitesses car nous n’allons pas au même endroit. Pas non plus une Europe supérieure ni une Europe inférieure. Deux projets concentriques. Deux ambitions quand même, cohérentes et complémentaires.
Oui à une zone euro qui s’intègre plus rapidement autour de la dynamique franco-allemande, condition sine qua non du succès, dans le respect du rythme démocratique des nations qui la composent. Le faire avec le Parlement européen mais aussi avec le concours des Parlements nationaux des pays de la zone euro. Il s’agit d’accélérer la convergence économique et de bâtir une convergence sociale et politique ambitieuse, capable de décréter l’état d’urgence économique et social lorsque près d’un quart de sa jeunesse n’arrive pas à accéder au marché du travail, sachant aussi faire preuve de solidarité entre ses ressortissants lorsque l’un de ses membres est en difficulté passagère ou lorsque nous sommes confrontés aux défis géopolitiques des migrations massives, du changement climatique ou à celui du terrorisme, ou encore à d’autres menaces à ce jour inconnues. L’Europe de la volonté commune en quelque sorte. La France et l’Allemagne doivent montrer le chemin et entraîner résolument les autres membres de la zone euro.
Mais oui aussi à un grand marché unique européen organisé, à 28 ou à plus, avec la Turquie peut-être, en tout cas avec le Royaume-Uni. Ce n’est pas une simple zone de libre-échange, c’est aussi un vrai projet européen, le lieu d’expression des quatre libertés de circulation consacrées par les traités, celle des biens, des services, des capitaux et celle des personnes. Oui donc à la flexibilité retrouvée pour ceux qui ne souhaitent pas aller vers une Union sans cesse plus étroite ni rejoindre l’euro qui ne saurait, pour eux, être la monnaie unique. Oui donc à la subsidiarité dans l’Europe du marché commun.
Il est temps d’entendre la voix des Peuples et d’en respecter le message. On ne fera pas leur bonheur malgré eux. On ne fera définitivement pas l’Europe contre eux. Le projet fédéral à 28 était un rêve, qu’il ne devienne pas une lubie technocratique. Changeons l’Europe, donc, pour sauver l’Europe.
Html code here! Replace this with any non empty text and that's it.