Quelle politique pour le futur de la politique agricole commune ?

Par Paul Devant,
Spécialiste des négociations commerciales agricoles et alumni du mastère spécialisé « Expert en Affaires Publiques Européennes » de l’INSP

Confrontations Europe publie une série de synthèses analytiques des auditions des Commissaires désignés pour 2024. Dans ce cadre, Paul Devant, Spécialiste des négociations commerciales agricoles et alumni du mastère spécialisé « Expert en Affaires Publiques Européennes » de l’INSP, analyse l’audition du Luxembourgeois Christophe Hansen, chargé du portefeuille de l’Agriculture et de l’alimentation.

L’agriculture européenne fait aujourd’hui face à de nombreux défis et de nature très diverse. Transition écologique, enjeu de compétitivité à l’international, aggravement du ressentiment face à la technocratie bruxelloise. Le futur Commissaire à l’agriculture se présente face à une tâche d’ampleur, qui nécessitera souplesse et diplomatie, afin de préserver le fragile équilibre de la première politique commune dont s’est dotée notre communauté européenne.

L’allègement de la charge administrative

Christophe Hansen, rompu à l’exercice parlementaire de par ses années sur les bancs de l’hémicycle européen, s’est montré particulièrement à l’aise tout au long de l’audition. Cette assurance, accompagnée d’une bonne connaissance des dossiers, lui ont garanti l’affection de certains de ses anciens collègues. Pour preuve, l’auditionné a reçu à deux reprises les applaudissements des membres de la Commission, témoin de la confiance qu’ils lui portaient dans l’exercice de ses futures missions.

En guise d’ouverture, Christophe Hansen a rappelé son attachement particulier à la matière agricole, qui lui vient de son père et de son frère, qui ont tous deux exercé le métier d’exploitants. C’est d’ailleurs sur cette connaissance du terrain qu’il a fondé l’un des éléments centraux de son allocution : la nécessaire simplification du système agricole européen. Il entend en effet permettre un allégement de la charge administrative qui pèse aujourd’hui sur les agriculteurs européens. Beaucoup avant lui se sont attachés à faire de la simplification l’un des maitres mots de leur action, sans réussite apparente. La dernière programmation de la PAC en avait d’ailleurs fait un impératif et pensait y parvenir, sur la base d’un mouvement de renationalisation.

Un rééquilibrage de la répartition de la valeur

Au cours des trois heures d’audition, le futur Commissaire à l’Agriculture a eu l’occasion de s’exprimer sur l’ensemble des sujets soulevés par les députés européens. Sans pour autant rentrer dans le détail des futures politiques qu’il entendait mettre en place, Christophe Hansen a présenté la philosophie de son action, qui se veut holistique et non-pyramidale. Il entend, dans la poursuite du dialogue stratégique européen sur le futur de la PAC, garantir une concertation de l’ensemble des parties prenantes.

Le Commissaire désigné souhaite parvenir à un rééquilibrage de la répartition de la valeur sur l’ensemble de la chaine et œuvrer, par une potentielle réforme du règlement sur l’Organisation Commune des Marchés (OCM), afin de faciliter l’accès à la terre. L’attractivité du secteur agricole pour les nouvelles générations constituera en effet l’une de ses priorités, et c’est pourquoi il entend renforcer la position des producteurs dans le marché de l’agroalimentaire. L’auditionné a d’ailleurs tenu à rappeler la pénibilité du travail d’agriculteur, sur la base de son expérience personnelle, les conditions de travail difficiles, notamment l’épuisement physique et mental qui a un fort impact sur la santé des exploitants.

L’épineuse question du Mercosur

L’ex-député luxembourgeois n’a pu échapper à la question des négociations en cours sur l’accord de libre-échange (ALE) avec le Mercosur, vieux serpent de mer qui occupe le débat agricole depuis désormais près de 30 ans. Mesuré, il a reconnu la réalité des problèmes de concurrence déloyale pour le secteur de l’élevage, en rappelant toutefois les bénéfices attendus en matière d’exportation. Sur ce point, la réciprocité des normes, sujet défendu par les autorités françaises dans les négociations commerciales, a été abordé par M. Hansen.

Le mandat de négociation, qui date du début du processus dans les années 1990, n’est plus pleinement en phase avec les positions des différents Etats membres sur la question des échanges commerciaux.

À l’instar de sa position sur le Mercosur, le Commissaire désigné a fait preuve de modération et de nuances dans l’ensemble des réponses qu’il a pu apporter aux députés européens. Son caractère consensuel ayant été souligné par l’ensemble des observateurs avant même son audition.

Cette qualité a d’ailleurs certainement constitué l’une des raisons principales de sa désignation sur un sujet aussi sensible que l’agriculture pour les autorités étatiques.

Le climat à la marge

Si la question environnementale a fait l’objet de nombreuses mentions au cours de l’audition, elle n’est pas apparue comme l’un de ses axes prioritaires. Il a bien entendu rappelé la nécessité de poursuivre la transition du secteur vers la durabilité, mais n’a pas élevé cet impératif au-dessus des considérations économiques ou sociales. Une telle position s’inscrit dans la veine de la prochaine mandature qui, face à la montée en puissance des enjeux d’autonomie stratégique, estime qu’il faut aujourd’hui cesser d’alourdir les obligations environnementales qui pèsent sur les opérateurs.

Dernier sujet d’importance, le Commissaire désigné a abordé « l’éléphant dans la pièce » qu’incarne la potentielle adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Faisant preuve une nouvelle fois de nuance et de diplomatie, il a rappelé la réalité du coût de cette adhésion pour le secteur agricole européen, tout en reconnaissant le potentiel d’approvisionnement en ce qui concerne les protéagineux. Il est vrai que l’Union européenne souffre aujourd’hui de problèmes importants de dépendance sur ces produits particulièrement sensibles, notamment en matière d’alimentation animale.

En résumé, Christophe Hansen a réussi son examen de passage devant les députés européens. Porteur d’un message rassurant et d’une politique qui se veut proche des problématiques de terrain, tout porte à croire que sa désignation sera approuvée prochainement par le Parlement européen.

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