Confrontations Europe
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La menace d’une stagnation durable frappe l’économie européenne. Nos sociétés ne se projettent pas vers l’avenir. Nos entreprises font preuve d’aversion au risque. Les Etats et l’Union ne parviennent pas à investir. Il faut entreprendre un New deal, doter l’Union d’une stratégie pour l’investissement.
Nous saluons le plan Juncker comme une première étape significative vers une prise de conscience politique. Pourtant, à lui seul il ne suffira pas à ranimer l’investissement de façon durable car la volonté des Etats est trop faible, peu d’argent public est mobilisé, l’apport d’argent privé est plus qu’incertain. Il faut dépasser ces obstacles, c’est un devoir collectif, et aller au-delà, car sans une stratégie de long terme l’action de court terme ne pourrait que décevoir.
Investir est un choix collectif et de long terme
Toutes les populations d’Europe doivent être saisies du défi. C’est maintenant qu’il faut commencer à créer les compétences, les infrastructures, les industries qui répondront aux besoins des jeunes générations dans dix, vingt, trente ans et qui permettront aux plus âgées de préserver des conditions de vie décentes. Alors que de nombreux pays d’Europe connaîtront une baisse accélérée de leur population, la création d’emplois et le relèvement des taux d’activité par l’investissement à long terme sont des questions vitales pour produire une valeur ajoutée disponible. La réhabilitation des espaces urbains et ruraux, le combat contre le réchauffement climatique, la valorisation des avantages comparatifs de l’Europe dans un monde où les principaux moteurs de la demande sont ailleurs, tout ceci appelle l’investissement.
Nos Assises ont proposé des domaines prioritaires, et d’abord souligné l’urgence de programmes européens massifs pour la formation professionnelle et continue en lien avec l’accompagnement des transitions professionnelles. L’agenda numérique doit être centré sur le développement d’industries européennes pour les infrastructures et services dédiés au traitement des données et à l’économie collaborative. La programmation d’investissements pour les infrastructures d’interconnexion, l’innovation industrielle et l’efficacité énergétique doit être au cœur d’une Union compétitive et solidaire pour l’énergie. La politique de recherche-développement industriel, toujours en souffrance, doit reposer sur des programmes d’investissements dans les secteurs jugés stratégiques et sur la consolidation des clusters et chaines de l’innovation.
Une volonté politique plus forte et plus solidaire
Dès 2015 chaque Etat et l’UE doivent présenter au public dans le cadre du Semestre européen, les projets qu’ils sélectionnent et qui seront éligibles aux fonds ou garanties communautaires. Les ressources affectées à ceux-ci doivent être inscrites dans un chapitre spécial du Budget. Cette méthode doit se poursuivre sur la durée. L’Union ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur les causes profondes de l’aversion au risque et de la stagnation. Une Conférence européenne sera réunie à cet effet, elle devra définir les grands axes d’une stratégie pour l’investissement, les conditions d’une programmation, de l’évaluation des résultats, de la budgétisation. Il est crucial qu’une réforme du budget européen le dote de ressources propres.
Le président de la Commission a décidé de créer un Conseil de politique stratégique, il faudra aussi créer un Forum des investisseurs publics et privés, et une agence publique pour pouvoir mieux sélectionner les investissements à rentabilité faible et différée mais à forte valeur ajoutée économique et sociale.
Valoriser les projets d’investissement dans un cadre européen favorable au long terme et à la cohésion
De façon générale, le cadre réglementaire et fiscal européen n’est pas favorable à l’investissement. Alors que les taux d’intérêt sont bas pour les obligations d’Etat, considérées sans risque, l’investissement long est pénalisé. Les horizons de la mesure prudentielle et comptable sont déconnectés des horizons de l’investissement réel. Il faut assumer le risque économique et pour cela rallonger les horizons. De même, les signaux-prix sur le marché européen ne fonctionnent pas aujourd’hui pour l’investissement ; établir un prix du carbone, harmoniser la fiscalité, distinguer la valeur économique et sociale de la valeur financière de marché sont des impératifs. Et la réglementation des aides d’Etat doit servir la politique industrielle et non y faire obstacle.
La cohésion de l’Union est un autre souci majeur. La polarisation de ressources et d’activités dans certaines parties d’Europe et la désertification ailleurs menacent l’Union d’exploser. L’inégal accès des entreprises et régions d’Europe aux opportunités du grand marché, la fragmentation et l’anti-sélection qui y règnent, doivent être combattus de façon à libérer tous les potentiels de développement.
Il faut faire sauter les verrous et goulots d’étranglement qui entravent le développement des infrastructures sociales et productives, en créant un cadre européen pour les partenariats public-privé. Il faut aider les PME porteurs de projets à s’inscrire dans des écosystèmes européens et à prendre appui sur des marchés de services innovants ; ils ont besoin de beaucoup plus de fonds propres et d’offres de crédit renouvelées dont les créances de qualité pourront être titrisées.
Canaliser l’argent vers l’investissement
L’argent est abondant en Europe mais la priorité accordée aux placements jugés sans risques prédomine. Il faut pouvoir saisir les opportunités et prendre les risques correspondants. C’est aux Etats et à l’Union de donner l’exemple. Ils doivent offrir un cadre d’orientation stratégique, puis sélectionner des projets d’investissement d’intérêt général, et leurs Budgets devront prendre le premier risque afin de les financer. L’épargne des particuliers, qui est abondante, et plus particulièrement l’épargne pour la retraite – devra être mobilisée vers des engagements en fonds propres dans l’économie.
Encore fortement stressée par la crise, l’industrie financière européenne ne financera pas spontanément l’investissement dans l’économie réelle. Il faut l’y inciter et organiser le partage des risques afin d’abaisser fortement le coût du capital pour les entreprises.
Une réforme structurelle est engagée : l’Union bancaire. C’est un grand progrès mais qui exige vigilance et implication : l’objectif final est de briser la fragmentation qui divise l’eurozone et de créer un espace solidaire pour les paiements et l’offre de crédit. Un autre objectif est annoncé : l’Union pour le marché des capitaux. Il peut faire sens si l’UE clarifie publiquement ses objectifs et si des réformes juridiques, fiscales et de supervision sont consenties. Il faut vaincre les comportements court-termistes et le mimétisme spéculatif, inciter à prendre des engagements durables dans les entreprises.
Dans cette perspective, la politique de restructuration de l’industrie financière ne doit pas opposer le financement de marché au crédit bancaire. L’objectif est plutôt d’établir la complémentarité des rôles pour financer l’investissement et en partager les risques : la banque gardera un rôle à cet effet, tandis que celui des investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pension…) et des gestionnaires de fonds d’investissement sera largement développé. Ceci exige que l’UE établisse un cadre propice à l’investissement de long terme, tandis que les acteurs financiers devront reconsidérer leurs modèles de gestion pour mieux financer l’économie.
Ce n’est pas tout : la gouvernance de l’Union ne permet pas aujourd’hui de bien canaliser les soutiens communautaires et faire levier pour l’investissement privé. Illisible au niveau du budget, la gestion des garanties est éparpillée dans les silos de la Commission tandis que la BEI, dont l’actionnariat est exclusivement composé des 28 Etats-membres, est limitée par son mandat. Il faut établir un système de coopération et de partage des risques pour l’investissement d’intérêt européen entre la Commission, la BEI et les banques nationales de développement et d’investissement. Et promouvoir une structure pivot pour le développement des fonds d’investissement. A cet effet nous proposons de recapitaliser le FEI (qui pourra absorber la « facilité » créée dans le plan Juncker) par le budget européen et en faisant largement appel aux investisseurs privés et aux banques d’investissement. Il deviendra un Fonds de fonds. Et l’UE devra entrer au capital de la BEI.
Un défi démocratique majeur
Les dirigeants politiques nationaux et européens ont de grandes responsabilités à assumer. Chaque Etat-nation est responsable chez lui de préparer l’avenir en investissant. Mais chacun ne doit pas faire obstacle à l’investissement au niveau communautaire et au contraire concevoir une solidarité active car les inégalités entre les pays sont très grandes ; ils doivent ensemble accepter de mutualiser des ressources et de créer toutes les conditions nécessaires à la réalisation d’une stratégie européenne. Le Parlement européen et les parlements nationaux doivent se mettre en mouvement, leur rôle sera déterminant dans l’espace public. Nous nous engageons à contribuer à l’implication des entreprises, des groupements professionnels, des organisations sociales, de l’économie sociale et solidaire, des Universités, des collectivités territoriales et des régions. Tous doivent faire évoluer leur culture et coopérer. Investir en Europe fait appel à la volonté de tous, il faut associer les acteurs économiques et sociaux à la préparation des projets, qui doivent parler aux gens et s’enraciner là où ils vivent et travaillent pour être porteurs d’espoir. Et les systèmes d’éducation et d’information doivent porter partout les messages, faire appel à l’esprit et à l’engagement.
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