Une révolution énergétique mais aussi sociétale

Jean-Claude PERRAUDIN

Conseiller Affaires publiques européennes au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (CEA/DRI/DAE)

Une Europe de l’énergie adaptée aux besoins ne peut être uniforme. Une diversité d’approches est nécessaire pour faire converger les transitions énergétiques nationales.

Une révolution énergétique mais aussi sociétale

Il est désormais acquis que les sociétés du XXIe siècle se développeront sous ­l’impulsion et avec les contraintes des transitions énergétiques. Le terme ne fait pas consensus, et son interprétation varie d’un pays à l’autre, mais la notion commence à pénétrer les esprits et à façonner les économies, et certains parlent déjà de révolution sociétale.

Son origine reste floue. Des analystes lient son apparition aux craintes d’épuisement des ressources fossiles des années 1970. Deux technologies ignorant la contrainte de disponibilité du combustible émergeaient alors : le nucléaire, l’uranium étant largement réparti sur le globe, et les renouvelables dont la production cyclique peut néanmoins être anticipée. La France a choisi de faire confiance à un parc nucléaire puissant complété par des barrages hydroélectriques, alors que l’Allemagne se reposait sur le charbon et le lignite présents dans son sous-sol, tout en développant plus modestement le nucléaire. Plus de deux décennies après la réunification, l’abandon du nucléaire et une politique vigoureuse d’aides aux renouvelables sont toujours plébiscités par l’opinion publique. En France, un processus de consultation approfondi a conduit à l’adoption en 2015 de la « loi de transition énergétique pour une croissance verte » qui dessine les contours du futur paysage énergétique.

Efficacité énergétique

Au niveau européen, la stratégie repose sur trois principes : sécurité d’approvisionnement, compétitivité et préservation du climat. Après le succès de la Conférence internationale de Paris en décembre 2015, le “Clean Energy Package” de la Commission publié fin 2016 s’intéresse aux possibles composantes d’une union européenne de l’énergie, à l’exception des investissements de long terme, indispensables à toute évolution de grande ampleur. L’efficacité énergétique est au centre du dispositif, soutenue par un parc faisant largement appel aux renouvelables. Leur intermittence ne constitue pas à ce stade un handicap du fait du maintien d’une base fiable, mais elle devra être prise en compte dans les stratégies à venir. Le nucléaire, non mentionné mais répondant à l’ensemble des critères, continuera à constituer une part importante du mix européen.

L’expérience acquise, parfois aux dépens du consommateur, permettra de mener au mieux la transformation des mix actuels. Tout en conservant la particularité de leur mix de production, la majorité des pays devraient s’appuyer sur une réduction de la consommation issue de l’efficacité énergétique, sur une production flexible et faiblement émettrice de CO2, sur des réseaux capables de faire transiter massivement l’électricité du point de production au point de consommation, ainsi que sur la régionalisation de ces points. Le stockage jouera aussi un rôle déterminant dans une phase ultérieure.

La régulation et la réglementation seront moteurs pour la réalisation de ces objectifs, mais elles seront insuffisantes. Des technologies innovantes seront indispensables pour obtenir des effets concrets. Beaucoup sont connues alors que d’autres émergent, mais pour toutes, les défis et les enjeux imposent des sauts technologiques majeurs. Dans ce contexte, la recherche et l’innovation revêtent un rôle déterminant. Toute la chaîne énergétique est concernée, que ce soit la production (nucléaire, photovoltaïque, carburants de synthèse), la gestion de l’électricité (stockage, réseaux, digitalisation) et la maîtrise de la consommation (efficacité énergétique, compteurs intelligents…).

La société civile aura aussi un rôle à jouer : l’analyse qu’elle mène des besoins, des contraintes et des attentes permet de dégager les orientations pertinentes et d’alerter sur les voies moins en accord avec les besoins. La multiplication et la complémentarité des approches sont nécessaires à une meilleure convergence des solutions et à une meilleure compréhension du mécanisme des transitions énergétiques. La collaboration ancienne entre le CEA et Confrontations Europe participe largement à cette démarche.

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