Un pèlerinage entre mémoire et devenir

Claude FISCHER

Présidente d’honneur de Confrontations Europe

L’avenir de la Croatie, de la Serbie et de la Bosnie- Herzégovine est européen… Non pas parce que c’est leur vocation, mais parce que c’est leur identité. L’adhésion de la Croatie au 1er juillet 2013 reculera de fait la nouvelle frontière européenne, mais elle passera en plein cœur des Balkans avec  des  risques pour le marché régional et les liens sociaux qu’il représente pour les pays voisins. La Serbie s’interroge sur son avenir, côté Ouest ou côté Russie, et la Bosnie Herzégovine est sceptique,  lasse…
Notre semaine a été habitée par les mémoires collectives, encore très conflictuelles, à fleur de peau, à travers les interventions et les échanges, les visites, les paysages et les images. Et c’est sans doute le plus gros obstacle sur le chemin de l’intégration européenne car, « les conflits de mémoire freinent le processus de création d’un peuple, d’un « demos » européen(1) », et suscitent beaucoup de méfiance des autres Européens qui ne comprennent pas. Ce qui manque aussi, c’est la demande essentielle de pardon. Le long travail  de vérité, de justice et de réconciliation, demandé de façon lancinante par nos amis bosniens n’a pas eu lieu, et n’aura pas lieu. Sauf à rouvrir une conférence internationale, ce qui n’est pas à l’ordre du jour, ou alors de façon décentralisée dans les villes.
Quel pourrait être le rôle de l’éducation ? L’expérience d’un manuel d’histoire commun, intéressante, ne pourra suppléer ni à une école qui devrait apprendre à gérer la pluralité des mémoires, alors qu’elle alimente la ségrégation ; ni au rôle des hommes politiques, qui entretiennent les divisions nationalistes dans cette région complexe, où la Bosnie- Herzégovine, contrairement à la Serbie et à la    Croatie, « n’est pas encore construite », comme a pu le dire Alain Turc qui était du voyage. Surmonter les conflits de mémoire constitue un devoir politique et un défi moral que la crise rend encore plus impérieux. Car celle-ci frappe durement  les pays du Sud Est européen, qui connaissent des récessions et des taux de chômage explosifs. Notre Tour fut un pèlerinage, stimulant, un geste parmi d’autres actes forts d’individus et d’acteurs qui travaillent ensemble pour recréer un avenir… Saluons l’engagement d’hommes et de femmes qui malgré les difficultés, se consacrent à des projets de  développement : « quand on travaille sur des dossiers concrets, il n’est plus question de divisions ethniques » a pu dire Jean-Claude Ebel qui pendant 2 ans a travaillé sur un scénario pour 2040 pour les transports dans la région. L’Union fait beaucoup d’efforts, et notamment la Commission européenne qui agit comme un véritable accélérateur des réformes. Daniel Mondekar, député croate, nous dit que les réformes ont fini par être acceptées par la population. « On ne dit plus il faut le faire pour  l’Europe, mais c’est bon pour  la Croatie ». Mais tout est lent.
Ces pays ont besoin de coopérations  tout  azimut  entre les régions de l’UE et les Etats, entre les acteurs  de la société civile, les entreprises, les banques et les territoires, les écoles et les universités. En allant à la rencontre des Européens de Serbie, de Croatie et de Bosnie Herzégovine, Confrontations a noué des liens amicaux et fructueux, consolidé le réseau européen. A l’image de Miroljub Kršanin, PDG de Tehnomarket, demandeur de travail commun pour déployer la réflexion et l’action dans les pays du Sud Est de l’Europe et préparer activement les retrouvailles avec tous les Européens comme une condition d’un retour à la croissance de notre Europe.

1 Conflits de mémoire, entraves à l’Europe, colloque de Varsovie, « Initiative de chrétiens pour l’Europe », édition Znak, Mai 2012

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