La zone euro en marche vers l’approfondissement ?

Carole ULMER

Directrice des études, Confrontations Europe

Sommes-nous au cœur d’un tournant historique pour l’Europe ? Peut-être. Au terme d’une campagne sous haute tension, l’élection d’un Président ouvertement pro-européen en France ouvre la possibilité de parachever la gouvernance de la zone euro, avec l’appui de l’Allemagne.

La France est de retour en Europe, et l’Europe est de retour dans les priorités françaises. Voilà qui est de bon augure pour de nombreux dossiers européens – et en particulier pour les réflexions sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (UEM). La crise a mis au jour ses défaillances intrinsèques, et, depuis plusieurs années, les propositions pour intégrer la zone euro se multiplient. Certaines étapes cruciales sont d’ores et déjà engagées, comme l’Union bancaire. Mais le débat entre États membres a souvent achoppé sur d’innombrables lignes rouges… Alors que traditionnellement, les Français pointaient du doigt les excédents budgétaires allemands comme un facteur de déséquilibre interne de la zone, les Allemands réclamaient un plus grand respect des règles et plus de réformes. Résultat : bien peu d’avancées ont pu être enregistrées.
L’élection d’Emmanuel Macron, son engagement ferme à mener des réformes en France (notamment sur le marché du travail) et ses propositions en faveur d’un Ministre de l’économie et des finances avec la responsabilité d’un budget pour la zone euro ayant trois fonctions (investissements, assistance financière d’urgence et réponses aux crises économiques) relance le débat. En endossant la responsabilité de mener des réformes difficiles, Emmanuel Macron répond à l’inquiétude – légitime – de son voisin d’outre-Rhin. L’Allemagne répondra-t-elle présente ?

Vers un new deal franco-allemand ?
Pour sa première visite à la chancelière allemande, le nouveau président de la République ne rentre pas les mains vides : c’est la première fois depuis longtemps qu’Angela Merkel ne ferme pas la porte à un approfondissement de la zone euro. Signe des temps, le Parlement européen a adopté un rapport transpartisan porté par la socialiste française Pervenche Bérès et le démocrate-chrétien allemand Reimer Böge en faveur de l’approfondissement de la zone euro(1).
L’Allemagne a eu l’image d’un crisis-manager très sévère – notamment durant la crise grecque ; elle peut vouloir chercher à porter une vision plus positive. N’oublions pas que l’Allemagne entre en campagne électorale, et qu’en bonne tacticienne, Angela Merkel sera attentive à ne pas laisser à Martin Schulz, son opposant socialiste, ancien président du Parlement européen, le « monopole du cœur européen ». Différentes lignes s’affrontent malgré tout au sein même du camp de l’actuelle chancelière avec notamment Wolfgang Schäuble toujours perçu comme intransigeant sur les règles, qui propose un « Fonds monétaire européen ». De son côté, le patronat allemand soutient toutes les avancées sur l’intégration de la zone euro.

Feuille de route
L’état d’esprit et la volonté politique semblent converger. Le contexte international de repli américain, de menaces russes et de turbulences liées au Brexit nécessitent une meilleure intégration de la zone euro. Mais la route reste semée d’embûches. Saisissant l’occasion de ce momentum européen, la Commission européenne a judicieusement sorti un nouveau document visant à encourager la discussion sur les étapes d’approfondissement de l’UEM(2). Cette boîte à outils aborde tous les sujets d’union financière, économique, budgétaire et démocratique (cf. encadré). Au menu se trouveront les discussions autour de nouvelles normes de convergence, de l’idée d’un actif sans risque, ou encore la mise en commun d’une véritable politique économique commune. Le rôle et les fonctions attribuées à un budget pour la zone euro seront débattus : doit-il permettre la mutualisation d’une partie de l’assurance chômage des pays membres ou bien servir le soutien à l’investissement d’intérêt général européen ? Enfin, les questions démocratiques ne doivent pas sembler passer au second plan tant l’exigence de transparence est forte de la part de citoyens devenus plus exigeants.
La liste des sujets épineux est longue, les discussions ne font que s’engager, espérons qu’elles seront constructives, au risque de rendre l’Europe encore un peu plus vulnérable à une inexorable montée des mécontentements. 2018 sera une année charnière, les élections européennes ayant lieu dès 2019. L’essentiel de l’exercice consistera à tenir les deux bouts de la chaîne : responsabilité et solidarité, investissements et réformes, le tout en veillant à exposer un « narratif » commun sur la crise, l’euro et nos attentes vis-à-vis de l’Union économique et monétaire.

1) Cf. p. 11, article de Reimer Böge.
2) https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-deepening-economic-and-monetary-union_fr

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