Michel Derdevet
Président de Confrontations Europe
En France, la vie publique de l’Union européenne demeure la grande absente de l’actualité présentée à la télévision et à la radio. Le CSA doit se saisir du dossier. Il s’agit là d’un enjeu citoyen, écrivent les signataires, membres du Mouvement européen-France et de l’Association des journalistes européens.
L’épidémie a démontré mieux qu’aucun discours la nécessaire action de l’Union européenne (UE). Les effets de la politique européenne se manifestent aujourd’hui concrètement dans le quotidien des citoyens européens, que ce soit pour gérer le volet économique ou sanitaire de la crise. Pourtant, en France, la vie publique de l’UE demeure la grande absente de l’actualité présentée à la télévision et à la radio.
Capitales dans l’effort d’après-crise, les réalisations communautaires se voient assigner une place mineure dans l’actualité française. A titre d’exemple, le discours sur l’état de l’Union européenne, prononcé en septembre par la présidente de la Commission européenne au Parlement européen, n’a été diffusé sur aucune chaîne d’information en continu.
Au-delà de cet événement, une étude de la Fondation Jean-Jaurès et de l’INA démontrait en 2019 que les principales chaînes de télévision et de radio hexagonales ne consacraient que 3 % de leurs journaux aux enjeux européens. Or, ces deux médias comptent parmi les premiers moyens d’information des Français. En ce sens, comment espérer que nous puissions être des citoyens européens avertis si nous ne pouvons prendre connaissance de l’actualité de l’Union ?
Indicateurs chiffrés
Nous proposons aux acteurs concernés par ce dossier d’entreprendre une série d’actions destinées à améliorer la couverture des enjeux européens. Et ce, en vue d’accomplir des progrès concrets d’ici à la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022.
En premier lieu, l’Etat a les moyens de lancer une dynamique en faveur de la couverture médiatique de l’Union en en faisant l’une des priorités de l’audiovisuel public. Nous encourageons le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de la Culture à proposer un « Pacte pour la visibilité de l’Union européenne » au secteur audiovisuel public. Ce mode de fonctionnement, utilisé depuis 2019 pour les territoires d’outre-mer, vise à instituer des indicateurs chiffrés permettant de matérialiser les progrès à réaliser par les chaînes.
Les outils de mesure évoqués ici sont à élaborer avec les rédactions pour allier des éléments quantitatifs, tels que des relevés du temps d’antenne consacré à l’Europe, et qualitatifs, comme le type d’émissions axées sur l’Union et leurs heures de diffusion.
Maintenir une pression positive
En parallèle, nous appelons le CSA à se saisir du dossier au titre de sa mission de déontologie de l’information. A l’image de son initiative en faveur de la visibilité du sport féminin, l’instance est en mesure d’imaginer une initiative pour encourager la progression des diffuseurs en ce qui concerne la visibilité de l’actualité européenne dans leurs journaux télévisés. Et ce, via des accords de gré à gré avec les chaînes en vue de la présidence française de 2022, associés à des études régulières de la couverture des enjeux européens sur l’ensemble des chaînes publiques et privées. L’autorité de suivi de l’audiovisuel pourra ainsi valoriser l’engagement des rédactions les plus proactives et maintenir une pression positive sur l’ensemble du secteur.
Nous appelons l’Etat à accompagner les médias pour favoriser l’emploi de correspondants en charge du suivi des institutions européennes.
Enfin, car il ne saurait y avoir d’actualité sans journalistes, nous appelons l’Etat à accompagner les médias pour favoriser l’emploi de correspondants en charge du suivi des institutions européennes. Un espace de co-working soutenu financièrement par les pouvoirs publics pourrait utilement rassembler les reporters de l’ensemble des rédactions françaises actives à Bruxelles et à Strasbourg. Il s’agirait d’un lieu ouvert conçu pour donner un cadre de travail favorable aux équipes de journalistes suivant ponctuellement ou de manière pérenne la politique de l’Union. Et ce, sans influer sur les projets éditoriaux. Les pouvoirs publics favoriseraient ainsi sur les plans logistique et financier l’implantation de nouveaux journalistes en charge des affaires européennes, tout en renforçant la visibilité du corps de presse national auprès des institutions communautaires
Ce texte est porté par le Mouvement européen-France et l’Association des journalistes européens.
Il est signé par : Véronique Auger, journaliste, présidente de l’Association des journalistes européens ; Théo Verdier, vice-président du Mouvement européen-France ; Fabrice Pozzoli-Montenay, journaliste, ComPol, CourrierCab ; Laurence Aubron, journaliste, fondatrice et dirigeante d’Euradio ; Eric Andrieu, député européen Socialistes et Démocrates ; Jean Arthuis, ancien député européen Renew Europe ; Yves Bertoncini, président du Mouvement européen-France ; Aymeric Bourdin, président d’Atelier Europe ; Martine Buron, présidente de la Fédération française des maisons de l’Europe ; Marie Caillaud, présidente des Jeunes Européens-France ; Jean-Marie Cavada, journaliste, ancien député européen ; Ilana Cicurel, députée européenne Renew Europe ; Amandine Clavaud, responsable Europe à la Fondation Jean-Jaurès ; Arthur Colin, vice-président de Sauvons l’Europe ; Karima Delli, députée européenne Les Verts/Alliance libre européenne ; Michel Derdevet, président de Confrontations Europe ; Daniel Desesquelle, journaliste, Radio France Internationale ; Dominique Deshayes, présidente de l’Association internationale des anciens de l’Union européenne ; Laurence Farreng, députée européenne Renew Europe ; André Gattolin, sénateur La République En marche ; Edouard Gaudot, vice-président, Europe Citizen Campus ; Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman.Sylvie Guillaume, Députée européenne, Nora Hamadi, Journaliste, Arte,Olivier Klein, président, Ligue Européenne de Coopération Economique,Stéphane Leneuf, journaliste, France Inter ; Jean-Baptiste Letondeur, rédacteur en chef adjoint Radio France Internationale ; Marie-France Mailhos, présidente, association européenne de l’éducation – France Martine Méheut, présidente d’honneur, Citoyennes pour l’Europe ; Olivier Mousson, président, Société d’encouragement à l’industrie Nationale ; Ophélie Omnes, présidente, Union des Européens fédéralistes France ; Fabien Perrier, journaliste ; Aline Robert, journaliste, co-fondatrice de Climatico ; Denis Simonneau, président EuropaNova ; Sabine Thillaye, députée, Présidente de la Commission des Affaires européennes ; Catherine Trautmann, ancienne maire de Strasbourg et ancienne ministre, Parti socialiste ; Marie-Pierre Vedrenne, députée européenne, Renew Europe.