PESCO : un pas vers l’autonomie stratégique

Dr Sven BISCOP

Directeur du programme « Europe dans le monde » à l’Institut royal des relations internationales Egmont à Bruxelles et professeur à l’université de Gand

Et si l’Europe de la Défense voyait enfin le jour ? C’est là toute l’ambition du projet européen de défense, PESCO(1) qui devrait permettre à l’Union européenne de mener des opérations d’envergure sans le soutien des États-Unis grâce à une mutualisation des achats d’équipement et à la mise en place d’une seule structure de commandement.

L’objectif premier du nouveau projet européen de défense, PESCO est que les Européens se dotent des capacités qui leur confèreront l’autonomie stratégique prônée par la Stratégie globale de l’UE (juin 2016). Aujourd’hui, l’Europe n’est pas autonome : elle ne sait projeter ses forces pour des opérations de grande envergure qu’avec l’aide des États-Unis. Changer cette situation nécessite des projets capacitaires qui requièrent une grande masse critique ­d’investisseurs et de clients pour être économiquement viable : des satellites, des drones, des ravitailleurs en vol, des avions de ­transport…

Au Conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet 2017, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont annoncé le développement conjoint du futur avion de combat et de nouveaux systèmes terrestres, navals et d’artillerie et. C’est cela le noyau de l’Europe de la défense : si la France et l’Allemagne arrivent vraiment à définir des besoins communs dans tous les grands domaines capacitaires et réussissent à y associer l’Espagne et l’Italie, les Européens ne construiront qu’un seul avion de combat, un seul char… et seront ainsi beaucoup plus compétitifs, notamment sur le plan mondial. Les autres États membres ne ­pourront que se joindre à ces projets ou leur industrie de défense ne survivra pas. Mais réciproquement, leur participation est cruciale car sans leurs commandes, les 4 « grands » ne pourront pas réaliser tous les projets ­stratégiques.

 

Utilisation plus efficace des budgets de défense

Ces projets capacitaires constituent une première dimension de PESCO. Une deuxième dimension consisterait à mettre en place des formations multinationales permanentes. Imaginons qu’une douzaine d’États membres choisissent d’acquérir des drones. Au lieu de les répartir entre les douze participants au projet, pourquoi ne pas les exploiter comme une seule flotte européenne ? Chaque État pourrait rester propriétaire de ses plateformes mais une capacité multinationale de drones, d’avions de transport, même d’avions de combat, pourrait être soutenue par une seule structure de commandement, d’approvisionnement, de maintenance et d’entraînement. Un tel modèle mettrait fin aux multiples duplications entre États membres et permettrait l’utilisation la plus efficace de leurs budgets de défense.

La logique même serait de considérer PESCO comme l’unique coupole sous laquelle les Européens seraient appelés à organiser toutes leurs initiatives multinationales. Cela ne veut pas dire que les 25 États PESCO doivent faire tout ensemble dans chaque domaine. Dans le domaine des forces terrestres, par exemple, on peut très bien organiser un noyau expéditionnaire, piloté par la France avec une participation allemande, et un noyau défense du territoire, piloté par l’Allemagne avec une participation française. PESCO se constituera donc comme la plateforme centrale où les Européens, ensemble, réaliseront leurs objectifs otaniens avec le niveau d’ambition exigé par l’UE.

Le but affiché est clair : il s’agit de créer un ensemble cohérent de capacités qui permette aux Européens de contribuer à la défense territoriale dans le cadre de l’OTAN et de mener seuls des opérations de gestion de crise, y compris de haute intensité dans leur large voisinage. Et, bien évidemment, un tel programme doit permettre de maintenir la capacité industrielle européenne afin d’assurer la production de tous les équipements nécessaires au projet. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas rater l’opportunité majeure que représente PESCO.

1) Acronyme pour « Permanent structured cooperation » ou Coopération structurée permanente (CSP).
Pour sa contribution au débat sur la défense européenne, Sven Biscop a été nommé « Honorary Fellow » du Collège européen de sécurité et de défense (CESD), et décoré de la croix d’officier de l’Ordre du mérite autrichien.

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